Assemblée unique ou
assemblée inique ?
(Intéressante réflexion de René Tikitak, cousin du justement célèbre Paul Tikitak).

Ça y est, c'est officiel, la Martinique et la Guyane vont entrer en référen... dom, tandis que la Guadeloupe et la Réunion, dont les
élus sont certainement mieux inspirés que ceux de la Martinique (le cas de la Guyane n'est pas du tout celui des départements insulaires) vont y échapper.
Sans en avoir l'air, les pousse-au-oui de 2003 (rappelez-vous le précédent référendum "statutaire") ont gagné, comme ceux qui ont
jadis réussi à contraindre les Danois, et plus récemment les Irlandais - harcelés à coup de référendum - à se dédire, mais, curieusement, de manière irréversible la deuxième fois. Alors que la
première fois comptait pour du beurre.
Rappelons-nous de quoi il était question lors du référendum de 2003 : les électeurs des deux îles ont eu à répondre par « oui »
ou par « non » à la question suivante : « Approuvez-vous le projet de création en Martinique d'une collectivité territoriale demeurant régie par l'article 73 de la Constitution, et donc
par le principe de l'identité législative avec possibilité d'adaptations, et se substituant au département et à la région dans les conditions prévues par cet article ? » .
Et, pour ceux qui l'auraient oublié, le 7 décembre 2003 la Guadeloupe a massivement répondu non, et la Martinique, elle a également
répondu non, mais de justesse. L'instauration d'une collectivité unique en Guadeloupe et Martinique a été repoussée, respectivement à 72,98% et 50,48%, lors du précédent référendum du 7
décembre 2003.
Aujourd'hui, les Martiniquais, manipulés par leurs élus (qui, censés les représenter tentent de multiplier les coups d'État pour les
mettre devant des "réalités incontestables" assises sur le droit et la démocratie) cherchent à leur imposer une assemblée unique - au plus "soft" à travers le "73", au plus hard, à travers le
"74". À défaut de pouvoir renverser l'ordre des choses, rions kia ! kia ! kia ! et signalons ainsi aux comiques que nous avons bien reçu leur message.
Rappelons aussi qu'en 2003, la Martinique se dirigeait naïvement vers le oui lorsque Jean Crusol, qui fait partie des rares politiques
martiniquais à jouir d'une considération unanime à la fois de compétence, de probité, et de courage, s'est détaché du troupeau pour réveiller les ababas (car si tous les ouistes n'étaient pas des
ababas, tous les ababas étaient ouistes). Il ne faut pas oublier non plus que le même parti socialiste invitait, à la Guadeloupe à répondre non et à la Martinique à répondre oui à la fameuse
question énoncée plus haut, ce qui en dit long sur le degré de fumisterie de la position du oui "martiniquais". Un autre secours providentiel, alors que la Martinique s'apprêtait à voter oui est
venu de la Guadeloupe, lors de la publication d'un sondage indiquant que le non l'emporterait vraisemblablement à la Guadeloupe, et avec un score sans appel. Les Martiniquais se sont alors
interrogés, en particulier sur la comparaison entre leur QI et celui des Guadeloupéens, ce qui a pu ramener certains à la raison. Enfin, il y a aussi eu une mobilisation courageuse contre le
conformisme nomenklaturiste, animée par un certain nombre de bonnes volontés, et le non s'est imposé. Ce non que l'on veut aujourd'hui... déposer, si je puis dire.
C'est une sorte de coup d'État qui nous a été servi. Un de plus (malgré le déguisement de "représentation démocratique"). Un coup
d'État de faible amplitude eu égard du sort du monde, mais ce n'en est pas moins un, ourdi de longue date par des "responsables" politiques locaux, et non des moindres. Dans un abus de
blanc-seing caractérisé, ces "zélus" se sont servis de la souveraineté populaire dont ils sont issus pour se livrer à une formidable campagne de forcing, servis en cela par les événements que
l'on connaît et par la bougeotte institutionnelle de M. Sarkozy qui confond la longue période de stabilité institutionnelle en place (certes ébranlée par M.M. Mitterrand et Chirac, mais pas au
point qu'il n'en restât plus rien) avec le chaos post-révolutionnaire qui a nécessité pour Napoléon Bonaparte une refondation complète après dix ans de désordre sans précédent dans
l'histoire.
Ainsi, contre toute vérité et même contre toute vraisemblance, à chaud, dans le sillage d'événements révolutionnaires parfaitement
coordonnés et de longue date, il a été décrété que les Institutions n'étaient pas adaptées, qu'elles étaient la cause d'un malaise dans les DOM, et de l'échec de la politique française aux
Antilles, etc. etc. Jégo est venu, il a vu, et il s'est... convaincu du rôle historique qu'il devait jouer pour satelliser les DOM parmi les étoiles, laissant, hors crise, 2.000 chômeurs-Jégo
dans les statistiques de l'emploi à la Martinique en 2008 (principalement dans le secteur du BTP) suite à ses initiatives du premier trimestre de cette même année 2008, c'est-à-dire avant
qu'il ne soit question de crise.
Alors que les DFA sont la vitrine de la prospérité dans leur région - précisément en raison de leur ex-régionalité - tous les
démagogues assurent que la France y rase de travers, ce qui sert les intérêts ou plus exactement les ambitions des indépendantistes et des crypto-indépendantistes que sont les
autonomistes.
Personne n'a jamais prétendu que les DFA étaient le paradis terrestre, mais quiconque voudrait les assimiler à l'enfer serait un
parfait ignorant ou un gros gros menteur.
C'est dans ce contexte que la référendumitude doit conduire la Guyane à l'article 74 et la Martinique, si elle a de la chance au 73,
au soixante-ouf, quoi ! Mais, la mémoire est souvent courte, et ce nest rien d'autre que ce que les électeurs de la Martinique ont rejeté en 2003. C'est ce qui leur est proposé aujourd'hui
comme le moindre mal. De point de vue élémentaire, le moindre-moindre-mal serait de rejeter et l'article 73 et l'article 74.
Pourquoi ?
Hé bien précisément parce que deux assemblées - rivales, quoi qu'on en pense, puisque le politique l'emporte sur le service - peuvent
se gendarmer mutuellement, se dénoncer réciproquement et éviter ainsi de devenir une machine institutionnelle dangereuse, car destinée à conduire - à l'insu du réel consentement de la population
Martiniquaise - à l'indépendance ou à son proche voisinage institutionnel, pour la plus grande joie de tous ceux qui pensent que l'Outre-mer est un nid de fourmi, mais qu'on ne peut s'en défaire
tant que la volonté n'en a pas été exprimée. Or, comme dans leur soif de souveraineté, nos zélus sont capables de violer la souveraineté populaire et de lui faire un enfant comme cela s'est si
souvent vu, la cohabitation de deux assemblées est la seule garantie que nous ayons, et tout le reste n'est que poésie et menace.
Assemblée unique, assemblée inique ? Le risque est là.
Qu'il me soit permis de citer La Fontaine, dans la fable très opportunément intitulée "Les Vautours et les Pigeons" (VII, 8)
que j'invite, naturellement chacun à lire en entier :
Tenez toujours divisés les méchants :
La sûreté du reste de la terre
Dépend de là. Semez entre eux la guerre,
Ou vous n’aurez nulle paix.
Ceci soit dit en passant : je me tais.
À l'époque, on avait parlé de "chat' en sac". Maintenant (mais les Guadeloupéens sont géographiquement épargnés de la fréquentation
des serpents - des vrais), on est dans le cas de figure des "sèpens en sac". Ce n'est pas beaucoup plus rassurant.
Hé bien que les électeurs se mobilisent et votent massivement non. Le 17 janvier, d'abord, et, puisque ce référendum est à double
détente, qu'ils se souviennent que le "deuxième tour" du référendum, s'il a bien lieu le 24 janvier (en cas de non le 17) leur ouvre la possibilité de voter définitivement non, comme en
2003.
Car, permettez-moi de citer mon cousin Paul (Tikitak) : À pa an moin, missié li jije, a pa an moin... C'est ce que disent
toujours les politiques, qui ne manquent jamais d'ajouter : cé lé zélektè, missié li jije, cé pas nous ki adan bitin la çà, cé yo. Hé bien que les "zélektè" fassent ce qu'il faut, et, pour une
fois, rallions nous à un certain slogan. Faisons en sorte que ce choix, celui que doivent faire les électeurs de la Martinique en janvier 2010 nous permette de dire en toute bonne foi :
choix ta-là, cé ta nou cé pa ta yo.
Georges Tikitak