Bonjour Monsieur Boulogne,
Je vous confie ce texte car je sais, pour vous lire au quotidien, que vous en ferez l'usage qu'il mérite, par avance merci !
L'info, l'évènement, la réalité des faits, pourquoi tant d'à peu près sans aucun risque pour la majorité des journalistes qui ne vont pas au contact !!!
Que leur opposer si ce n'est la vérité toute crue comme le courrier d'un frère d'Armes que je me permets de relayer en réponse aux scoops, à l'approximation et à l'orientation des faits
présentés
dans les médias.
Ce courrier met aussi en lumière, l'abnégation et le don de soi de nombreux étrangers qui s'intègrent à la France via les Armées en intégrant toutes nos valeurs y compris le sacrifice
suprême
puisque c'est leur vocation... à méditer dans ces périodes de doutes, de morsosité et de campagnes de démoralisation orchestrées pour notre plus grand malheur...
Médisez, médisez, il en restera toujours quelque chose !!!
11 avril 2010
Lettre du Fils de Jean de COINTET, capitaine commandant une compagnie du 2ème REP en Afghanistan, à loccasion du légionnaire tué cette semaine.
Supplique à un ami journaliste
Cher ami,
La nouvelle tombe dans les media aussi vite qu’Hutnik est lui-même tombé. C’est le droit à l’information. La France doit savoir que meurent ses enfants, même s’ils le sont d’adoption,
comme lui, Slovaque.
Tu le sais, je ne suis pas journaliste mais soldat. Je ne suis pas un professionnel de la communication comme toi. J’ai peu appris à relayer des informations d’une telle portée. C’est
pourquoi il
faut que tu m’aides. Il faut que tu m’aides, car j’ai le sentiment que dans la précipitation du spectaculaire, on le tue une deuxième fois. J’ai l’impression qu’on bafoue son patient
travail avec
son bataillon depuis trois mois – et pour lequel il est mort.
J’ai besoin que tu m’aides à faire sentir ce qui se passe réellement ici, à faire comprendre ce qui justifie que je laisse ma femme et mes enfants le long temps de cette mission. Que tu
m’aides à
proclamer que malgré sa mort ce n’est pas un échec. Que tu m’aides… plutôt que tu l’aides…
Hier après-midi, Hutnik a bravement accompli son devoir, sa mission jusqu’au bout, en bon légionnaire. Ce matin, le poste annonce : « un soldat français du 2ème Régiment étranger de
parachutistes
est tombé dans la vallée de Tagab en Kapisa, région où les Taliban sont toujours plus virulents ». Voilà. Ces derniers ont gagné. A la face du monde ils sont les puissants, incontrôlables
et
vainqueurs.
Mais en fait, s’est-on interrogé sur ce qu’il se passe réellement dans la basse vallée de Tagab ? Ce sud Tagab où aucun occidental ne pouvait passer sans de sérieux accrochages. Ce sud
Tagab où
deux de tes confrères ont été, il y a cent jours, enlevés. Ce sud Tagab que notre armement permettrait de mettre à feu et à sang.
Au contraire, Hutnik et ses camarades ont réussi l’incroyable pari de s’implanter dans la zone, d’y rester, sans heurts, d’y acquérir, progressivement, la confiance de la population, de
confier,
petit à petit, sa sécurité à l’armée Afghane plutôt que française. A quel prix ? Celui d’une stricte discipline au feu, d’une retenue des coups portés. Celui d’un certain dédain du
danger, de ne
pas répondre systématiquement et de manière aveugle. Accuser le choc, ne frapper que lorsqu’on est certain, cogner peu, mais taper à coup sûr, fort et ciblé, seulement alors qu’on l’a
décidé.
Etre sûr pour garder la main, préférer le feu rare mais précis, neutraliser seul celui qui nous tire dessus, en être persuadé et l’accepter.
Ce travail de mesure, de patience d’un Hutnik rongeant son frein à force d’encaisser paie. Les femmes et les enfants, les hommes eux-mêmes, constatent que les seuls coups assenés ne
tombent que
contre les vrais adversaires. Ils voient nos troupes sans volonté de détruire, maîtresses de leur force.
Alors qu’elle trouvait hier des combattants, Tagab l’insoumise cherche à présent son développement. Le travail du soldat est loin d’être terminé : il faut remonter plus au Nord vers ses
camarades
de l’autre groupement français, poursuivre son patient travail de pacification.
Derniers tirs sporadiques, Hutnik tombe. Hutnik tombe sous les tirs des derniers groupes insurgés présents. Hutnik tombe car les Taliban sont justement de moins en moins virulents.
Aussi, aide-moi à honorer la mémoire de cet ardent légionnaire. Qu’on ne gâche pas sa dernière tâche, qu’on ne gâche pas sa mort. Qu’on n’offre pas une victoire de communication à
l’adversaire
fébrile. Au contraire, avec tes confrères, appuyez le dernier combat d’Hutnik. Aidez cette population qui désormais, d’elle-même, dénonce l’insurgé. Je vous en conjure, parlez des projets
d’essor
qui peuvent et doivent être proposés au sud Tagab, évoquez la culture du safran qui pourrait remplacer celle du pavot, venez compléter l’œuvre de pacification par celle du
développement…
… et laissez à Hutnik les fruits de son travail.
Augustin
à Tora, le 09 avril 2010
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