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7 Novembre 2009
Le projet statutaire et l’éthique de la peur
Que veut expliquer M. Lise dans sa déclinaison du mot « peur » ? Que veut-il cacher derrière ses litanies ? En une manière de partage des rôles, l’inventeur du « virus de la peur » se distingue dans l’art d’ironiser sur les inquiétudes de la population en parodiant les mots de Gilbert Gratiant,: « Man pè : man pè diab, man pè zonbi, man pè mas, man pè tonnè, man pè zéklè … ». « Man pè 74, man pè 73, man anko pli pè 72, pasé 73 épi 74. Man pè tout artik ki ni an liméwo adan lakonstitision. Pas, sé liméwo-a man pè ! ». Voilà en quelle dérision le responsable en second du projet du congrès présente la préoccupation des martiniquais et martiniquaises. Aucun essai d’explication de son projet n’atteint ce niveau de conviction et d’excitation ou ne vient dire de quoi il faudrait ne pas avoir peur. Le second du duo laissera sans doute beaucoup de sa respectabilité dans cet exercice dérisoire.
Contrairement à l’apparence du nombre, le régime politique promis ne serait pas tempéré, comme en Polynésie par la concurrence entre deux hommes. Il est vrai que la répartition bicéphale des forces politiques polynésiennes développe un pataquès institutionnel qui le dispute aux refus successifs du gouvernement français de répondre aux espérances. La Polynésie possède le charismatique Gaston Flosse et l’indépendantiste Oscar Temaru. Nous possédons les deux en la personne d’un seul homme : le charismatique leader indépendantiste martiniquais. Ceux qui espèrent l’ordre ne devraient pas être déçus. En fait de second nous pourrions tout au plus hériter d’un Raoul d’avant le retrait de Fidel. Mais on aura remarqué que M. Lise n’a pas dit : « Man pè Marijann ». Aurait-il encore plus peur de le dire ?
Déjà en 2003, contre la dynamique de la rupture.
C’est déjà contre la dynamique de la rupture qu’en 2003, une majorité d’électeurs s’était opposée au « petit pas » qui était, comme aujourd’hui, porté par tous les indépendantistes martiniquais. Ce devait être un petit pas, mais déjà un pas. Ce devait être une étape, mais on n’avait pas dit un pas ou une étape vers quoi. Il ne fallait pas, il ne faut toujours pas dire un pas vers la rupture pour ne pas s’attirer les foudres et être accusé de faire peur. Il est tout de même incontestable que tout pas et toute étape indiquent une direction. Ce petit pas, cette étape, c’est surtout un mouvement, le départ d’un mouvement, la poursuite de ce mouvement en vue d’un objectif. Une « autonomie étape vers l’indépendance », rappelle le vieux mot d’ordre du PPM, affiché dans les années 1970. Mais les mots ont un sens et la signification de ce slogan allait au-delà de la fonction tactique qui était prêtée à l’expression à ce moment du débat politique. Ce moment passé, la formule trop pleine de sens fut supprimée. Phénomène identique, Paul Vergès avoue que sa revendication de l’autonomie exprimée à la fin des années 1950 n’a plus de sens aujourd’hui. Pour lui, il s’agissait alors de provoquer l’accélération de la départementalisation qui tardait à se mettre en place.
Les argumentations simplistes peuvent conduire au pire.
Mais le petit pas de 2003 était porté, comme aujourd’hui, par des propos simplistes et démagogiques du genre « pourquoi deux assemblées et deux collectivités dans un si petit pays ? ». Lorsqu’ils sont dépourvus de tout argument de fonds, c’est avec des raisonnements aussi simplistes qu’un peuple peut être conduit au pire. Quel crédit, en effet, accorder à la dénonciation des doublons, ce qui est facilement accessible au plus grand nombre, lorsqu’on ne fait aucun effort pour les éviter dans la pratique ? Aussi léger est l’argument selon lequel la peur fut le seul ennemi de ce petit pas comme elle le serait de la nouvelle étape. Ainsi, de même qu’un postulat n’a pas à être démontré, la pertinence du « petit pas » n’avait pas besoin d’être prouvée et la nécessité de l’étape actuelle n’exige pas d’être justifiée. Dès lors, le changement proposé est comme un principe quasi théologique auquel toute opposition ne pourrait être que le fait de mécréants. Aussi, le seul argument de la peur suffirait à s’opposer à toute tentative de mise en garde contre un projet chat’ en sac. C’est le même registre qui anime, sous la houlette de Claude Lise, la campagne des chevau-légers d’Alfred Marie-Jeanne.
Le projet du 7 décembre 2003 était bien un projet Chat’en sac.
Il relève de l’infantilité politique de croire que le « petit pas » de 2003 nous aurait dispensé du grand pas d’aujourd’hui. En 2003, on n’était pas tout à fait dans l’article 74, du moins dans la lettre, mais on n’était déjà plus vraiment dans l’article 73. Ce n’était ni un département, ni une région, ni une collectivité à statut particulier : les seules collectivités prévues dans la lettre et l’esprit de l’article 73. Au regard de cet article, nous étions en présence d’un monstre institutionnel, pas tant par la frayeur de son visage informe que par sa nature inclassable dans l’organisation institutionnelle française. Seul l’article 74 prévoit des statuts à la carte, or le statut de 2003 était inconnu et sans nom. Inéluctablement et à bref délai, cette situation ambiguë, nécessairement et peut-être volontairement insatisfaisante était appelée à hâter la poursuite du mouvement de rupture. Nous en sommes donc au cumul des deux étapes. Rien n’a changé dans l’esprit des indépendantistes et de leurs affidés, qui veulent en un seul mouvement rattraper le petit pas perdu en 2003 et passer à l’étape suivante. En réalité, dans un cadre ou dans un autre, confier la rédaction du statut de la Martinique à des indépendantistes c’est faire entrer le loup dans la bergerie.
Un échec moral incontestable du fonctionnement décentralisé
En 1983, personne ne pensait vraiment que la gauche aurait apporté des solutions à tous nos problèmes. Cependant de nombreux martiniquais étaient convaincus qu’elle renforcerait la moralité politique. Mais une nouvelle éthique paraît désormais en place qui a atteint l’un de ses sommets avec dans la prise à partie récente d’un organisme de sondages d’opinion qui a eu le mauvais goût de publier des résultats défavorables au projet du congrès. Après la presse, les sondeurs d’opinion sont invités à se mettre au diapason de la volonté des hommes du congrès, et leurs commanditaires à se tenir à carreau. Le clientélisme et l’achat des consciences ne choquent quasiment plus personne, des élus se tiennent sagement à portée de calottes et maintenant on menace de casser tous les thermomètres utiles au bon fonctionnement de la démocratie. Ainsi de ce rassemblement du stade du Lamentin qui voient la participation évoluer au gré de la volonté des donneurs d’ordres. Pour un même media la participation était de 1500 en milieu de meeting, 2500 aux nouvelles du soir, 3000 le lendemain, 3500 le surlendemain avant de se stabiliser à 4000. Mais l’histoire retiendra sans doute 5 000 ou 10 000 participants dans la foule clairsemée du Lamentin où seul 8 maires sur 34 s’étaient déplacés.
Yves-Léopold Monthieux
lundi 2 novembre 2009