Propos du général Lalane-Berdouticq, en clôture d'un
séminaire à l'I.H.E.D.N. (Institut des Hautes Études de la Défense Nationale)
Le discours que nous reproduisons ci-dessous a été prononcé par le
général Lalanne-Berdouticq (ancien commandant du 3ème régiment étranger d’Infanterie et ancien chef du bureau de liaison de la Force intérimaire des Nations
Unies au Liban – FINUL 2), lors de la clôture d'une récente session de l'IHEDN.
… Après ces dix huit jours inoubliables à travailler ensemble, à vous forger des
amitiés dont certaines seront définitives, à voir les choses différemment, voici ce que, comme votre « entraîneur » et un peu « ouvreur de voie », je
voudrais vous dire. En toute liberté bien sûr et avec mon franc-parler habituel !
Le monde est complexe
et dangereux
Il est loin des « blocs » que nous avons connus des décennies durant, aussi
bien que de la « fin de l’histoire » que l’on nous annonçait voici vingt ans, et encore plus loin de la « paix définitive » qui aurait permis « d’engranger
les dividendes de la paix » chers à des hommes à la courte vue.
Ce monde, notre monde, reste dangereux. Comme les prophètes que personne
n’écoutait dans les années 1930, je ne cesse de dire que le décuplement des dépenses militaires en Extrême-Orient depuis dix ans devrait nous inciter à
mieux surveiller les diminutions insensées que subissent les nôtres. Dans l'Histoire en effet les mêmes causes produisent les mêmes effets et il y a donc
tout à craindre des abandons qui se produisent chez nous.
Mais encore faudrait-il voir le monde comme il est et non comme beaucoup
voudraient qu’il soit.
Méfions-nous du « prêt à penser »
Il est presque toujours faux et ordonné à des fins peu
recommandables.
Non le Kosovo
n’est pas meilleur après la campagne qu’y ont conduite les alliés en 1999, montée suite à une incroyable guerre d’intoxication médiatique diabolisant les
Serbes et présentant les Albanophones comme des anges persécutés…
Il en résulta la fondation du premier pays [1] presque
totalement mafieux du continent européen, dont la population originelle, serbe, a été sans pitié chassée de chez elle dans le silence des médias ; ses
monastères détruits et ses maisons incendiées.
Non l’Afrique
d’aujourd’hui ne vit pas mieux que du temps de la colonisation, à commencer parce que l’esclavage (personne ne le dit) et les massacres ethniques sont
repartis de plus belle et que bien des Etats officiellement constitués sont en faillite aussi bien financière que politique.
Non la Libye
d'aujourd'hui n'est pas meilleure que celle d'hier, puisque au demeurant elle n'existe tout simplement plus, et que son tyran a été remplacé par
d'autres, en plus grand nombre.
Non la
démocratie occidentale n’est pas applicable à tous les continents et à tous les pays. D’abord parce que ce n’est pas un système unique (voyez comme la
nôtre est différente de celle des Etats-Unis ou d’Israël, ou bien encore de la Grande-Bretagne) ; ensuite parce que ce système politique ne peut s’épanouir
qu’au sein de peuples voyant la personne comme un individu et non comme une partie d’un tout (société personnalistes contre sociétés
holistiques)…
Dans les grandes questions du monde...
...n’oublions jamais de considérer le paramètre démographique. Il est capital
et le silence des médias et des analystes sur ces sujets en dit long sur l’aveuglement, qui ne peut qu’être volontaire, de nos élites
autoproclamées.
Ainsi, quel est l’avenir de l’Allemagne, qui aura perdu sept millions
d’habitants en 2030 et se verra peuplée en grande partie de ressortissants d’origine turque ? Sera-t-elle-la même ?
On sait que l’islam confond la sphère publique et la sphère privée en refusant
absolument de distinguer « Dieu » et « César ». Or, cette distinction est à la base même des systèmes démocratiques.
Enfin, oublie-t-on qu’une population peut être chassée de chez elle, ou se
voir remplacée par une autre, les autochtones se retrouvant alors comme étrangers sur leur propre sol ?
Sans remonter à la diaspora juive du premier siècle, pensons aux Coptes
d’Egypte, aux chrétiens de Turquie et d’Asie (20% de la population en 1900 alors qu’ils sont aujourd’hui 0,02%, soit mille fois moins) ou bien encore aux
Serbes du Kosovo, déjà cités (90% de la population en 1900 et moins de 10% aujourd’hui) !
Hors les idéologues, qui peut être assuré qu’en France, nous sommes à l’abri
de tels phénomènes ?
Refuser d’examiner la question sous couvert de mots en « isme » est
singulièrement irresponsable.
Or, entendons nous que l’on pose cette question ? Non.
Considérons aussi l’incroyable effondrement démographique de nos voisins
Italiens et Espagnols et tentons d’imaginer ces deux pays dans trente ans ! « Il n’est de richesse que d’hommes », dit le proverbe.
Que sera la civilisation occidentale si, dans trois siècles, des touristes
visitent nos cathédrales sans que personne ne puisse leur expliquer le sens d’un Christus pentocrator dont ils contempleront la sculpture sur le tympan,
ainsi que cela se passe pour les églises de Cappadoce, alors que plus aucun chrétien ne vit aux alentours ?
Rien n’est définitif dans l’histoire des hommes, pas plus le tracé
des frontières que les peuples qui s’abandonnent et doutent d’eux-mêmes.
Enfin, cessons de nous croire à l’abri des menaces militaires...
... au motif que nous possédons d’admirables sous-marins
nucléaires.
La guerre est bien de retour et le fracas des combats des Balkans, maintenant
assourdi, nous rappelle qu’elle peut s’inviter dans des contrées européennes très proches, et pourquoi pas chez nous ? Qui peut ignorer que si tout le
monde (tout le monde, sauf nous !) réarme sur la planète, c’est bien pour quelque raison !
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