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Le Scrutateur.

Blog destiné à commenter l'actualité, politique, économique, culturelle, sportive, etc, dans un esprit de critique philosophique, d'esprit chrétien et français.La collaboration des lecteurs est souhaitée, de même que la courtoisie, et l'esprit de tolérance.

Le Goût du lait sauvage, de Michel Rodigneau, par Edouard Boulogne.

Gout-du-lait-sauvage.gif

 

Les lecteurs du Scrutateur connaissent déjà Michel Rodigneau. Nous l'avions présenté en 2006, ainsi que son premier livre,La guerre de course en Guadeloupe, 18ème-19ème siècles( l'Harmattan ) : http://www.lescrutateur.com/article-20856465.html

Notre auteur tout en préparant un nouvel ouvrage historique sur Victor Hugues, vient de publier, chez le même éditeur, son premier roman, Le goût du lait sauvage, dont nous avions, en décembre dernier, signalé la parution.

L'action commence et se déroule au cours du XX ème siècle, de la mort du père du personnage principal, pendant la guerre de 14-18, jusqu'à la fin des années 1970.

Armand est son nom. C'est un métis, dont la famille est liée à des blancs créoles, par les doubles liens de la consanguinité, et de la vie partagée, sur les plantations du sud basse Terre, du côté de Saint-Charles, entre Trois-Rivières, et le chef lieu de la colonie.

Armand est un garçon original et fin, assez marginal, non au sens actuel, et dépréciatif, de ce mot, mais en tant qu'il manifeste des dons et des préférences qui le tiennent un peu à l'écart du troupeau, non par une quelconque misanthropie, ou le rejet par les autres, mais par des goûts et aptitudes qui, très jeune, semblent le destiner à une vie non ordinaire.

L'adolescence le voit accomplir l'initiation, habituelle à cet âge, sur le plan sentimental ( mais, ici même, les choses se passent dans l'élégance, et la discrétion ), sur le plan social, où le jeune homme intègre, mais sans en être imprégné, les codes propres à notre société multiethnique, sur le plan artistique où il révèle des aptitudes spéciales, principalement pour la musique, avec une prédilection pour l'instrument de la clarinette.

En 1931, Armand quitte la Guadeloupe pour Paris, à l'occasion de la Grande exposition coloniale. Il compte s'y faire connaître, et faire carrière comme musicien, instrumentiste autant que compositeur.

Cette reconnaissance sera plus longue que celle qu'il avait espérée, et se déroulera autrement qu'envisagée.

Après l'initiation guadeloupéenne, c'est l'initiation à la vie métropolitaine, qu'il effectue et qui sera longue.

Longue, mais tout aussi hors normes, que celle vécue là-bas, comme nous disons de la France d'Europe, et comme il pense désormais, sinon exprime, de cette Guadeloupe de ses songes, qu'il ne reverra jamais, mais qui ne cesse de l'habiter.

Hors normes, disions-nous.

Armand aime les femmes, mais les étreintes vulgaires ne sont pas son genre.

A la blanche créole, madame Vissault, qui avait contribué à épanouir les virtualités adolescentes, là-bas, à St-Charles, succède Tsabelle Dambrey, baronne de Fullaëns, une authentique aristocrate, rencontrée au cours d'une croisière en Méditerranée, alors qu'Armand est membre de l'orchestre du bord.

Isabelle est mariée, aime son mari, et n'est cependant pas heureuse.

Je n'entreprendrai pas ici un résumé de cette longue et complexe histoire, contée avec une grande délicatesse, un tact, et un sens psychologique aigu par Michel Rodigneau.

Il ne s'agit pas de déflorer ce beau roman, par des analyses scolaires, et qui pourraient pousser le lecteur à se passer, bien à tort, de sa lecture.

Mais, au fur de la lecture l'intérêt pour cette histoire s'accroit, ainsi que la sympathie, une sorte d'intuition participante à laquelle l'auteur nous convie, et qu'il parvient à nous faire connaître.

Tant Isabelle ( dont les extraits du journal intime, pp 163 à 178, sont profonds et beaux ) qu'Armand sont devenus des personnages concrets, presque des amis, dont le destin nous importe.

Rodigneau, aussi, sans avoir l'air d'y toucher, réfléchit sur l'âme humaine, particulièrement l'âme antillaise, non pas déchirée comme aiment d'autres à la présenter, mais inquiète et en recherche, comme toute âme humaine, avec seulement les particularités qui tiennent à son enracinement particulier.

Rien, ici, d'agressif, ou qui pèse... et qui pose. Un roman, mais qui nous instruit bien plus sur nous mêmes que maints pesants ouvrages à prétention sociologique.

Nous avons fini le roman, Isabelle est morte, et Armand nous a quitté. Il repose aujourd'hui dans le petit cimetière de Eze-Village.

Nous a-t-il vraiment quitté? Je n'en suis pas certain, si j'en crois mon sentiment.

Ce n'est pas le plus mince exploit de notre romancier que d'avoir réussi ce sortilège.

 

Edouard Boulogne. 

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