1 Juillet 2012
Le fameux projet Guadeloupéen, imaginé par des politiciens guadeloupéens pour détourner l'attention de la nullité de leur action quotidienne , dans le cadre, pourtant des institutions actuelles qui leur accordent d'importants pouvoirs, continue à défrayer la chronique.
Les médias accordent à ce nuage de fumée une importance qu'il n'a pas.
Les indépendantistes, d'autre part, tirent profit de cette agitation médiatique fébrile qui les arrange en créant l'inquiétude sur l'avenir, dont ils ont besoin pour décourager investissements, et vrais projets économiques, créateurs d'emploi.
La population guadeloupéenne se moque éperdument de ce fameux projet. Et même les organisateurs des réunions, rassemblements, et autres raouts en conviennent. « Ce que nous faisons n'intéresse personne dans le peuple » avouent-ils, tout contrits. Mais ils persévèrent, car ils faut bien vivre, je veux dire vivre médiatiquement, car pour l'oseille, ces dames et messieurs ne sont pas à plaindre.
Il fallait les voir, hier, à la résidence départementale du Gosier, alignés en rangs d'oignons, sérieux et gonflés comme des « pèlpèts », s'imaginant en législateurs de la future Guadeloupe, les Thémistocle, les Solon et les Lycurgue de notre tropicalité.
Ou mieux, parce que plus proches dans le temps et dans l'espace, en ces images, - sculptées dans la pierre du mont Ruschmore aux USA, - des pères fondateurs de cette Union qui préfigure, ( pensent-ils ) comme une esquisse, la grande République, démocratique ( et populaire ) de la Guadeloupe.
A dire vrai, je soupçonne maints téléspectateurs, au vu de telles images, d'esquisser comme moi ce geste de la main par lequel on chasse une mouche inopportune
Hier, j'ai pensé aussi, à cette rencontre vieille d'un an avec de jeunes Guadeloupéens, de la société civile, qui ne vont sûrement pas aux réunions pompeuses de nos zélus, mais qui n'en pensent pas moins.
Lisez ci-dessous le résumé réconfortant de ma rencontre avec eux, en mai 2011, à l'université toute neuve de St-Claude en Guadeloupe.
EB.
( En Guadeloupe, une fois le grand PROJET constitué, et surtout ratifié par le peuple, - et c'est pas demain la veille -, il faudra encore décider du site où seront gravés dans la pierre les visages des pères fondateurs de notre peuple. Et ça, ça sera pas le plus facile, tant il y a profusion de candidats. Sera-ce sur les falaises volcaniques de Vieux-Habitants? Ou sur celles plus calcaires du Gosier? Ailleurs? Au fait, c'est quand la fin du monde? ).
J'étais, hier 25 mai, l'invité, grâce à l'une de mes anciennes élèves, qui en est membre, de l'association Civisme et démocratie ( CIDEM). Invité donc à participer à un séminaire de réflexion qui a duré deux jours, dans les locaux de l'université à St-Claude ( Guadeloupe ) sur le thème général : Participation etengagement vers une citoyenneté active. Plus de cent vingt jeunes de 18 à 25 ans étaient présents, venus en cars de toutes les communes de la Guadeloupe.
Cette population était partagée en six groupes de travail.
L'atelier où je devais prendre la parole et échanger concentrait son attention sur le thème :
« La jeunesse des Antilles : Artisan de demain
Que représente votre culture pour vous ? Quel sentiment en avez-vous au quotidien ?
Le patrimoine culturel : comment le valoriser ?
Quel avenir pour le patrimoine culturel de vôtre île ?
Le développement du territoire ou le développement durable du territoire : quelle prise en
compte des questions environnementales et de biodiversité ? Quel engagement des jeunes ? Quel investissement des jeunes dans le développementdurable du territoire ? »
La première partie de ce thème s'est taillée la part du lion en un peu plus de deux heures d'échanges.
Des échanges à la fois passionnés, et courtois, et qui auraient surpris ceux qui se font une idée de la jeunesse guadeloupéenne conforme à l'image délibérément faussée qu'en donnent les grands médias locaux, et notamment Guadeloupe 1ère, qui, tous les jours, sous tous les prétextes, notamment dans ses émissions dites culturelles ou de proximité, se font l'écho des indépendantistes guadeloupéens.
Le public était pourtant composé de jeunes de milieux populaires. Nous n'étions que deux « blancs », un animateur métropolitain de passage, et moi, le blanc créole.
Les principaux sujets ont été évoqués. L'identité culturelle, le statut du créole, l'esclavage, le racisme, les rapports entre blancs et noirs, les blancs créoles,etc.
« Nous sommes Guadeloupéens, mais la France est aussi notre pays » ont dit plusieurs sans rencontrer de contradicteurs.
Un jeune à propos de l'esclavage a dit, ( il l'a dit en créole ) suscitant une approbation quasi générale : « Nos ancêtres ont été esclaves, mais mon dos n'a jamais subi le fouet. Je crois qu'il faut en finir avec ça ».
Les échanges ont eu lieu aussi bien en Français qu'en créole, sans jamais l'ombre d'une provocation.
J'ai sur le créole apporté quelques informations, et précisions de nature historique, et recommandé la sûre documentation que représentent les travaux de Guy et Marie-Christine Hazaël-Massieux.
J'ai un peu parlé aussi des blancs créoles, de leur guadeloupéanité entière, de leur rôle décisif dans la construction, dès l'origine, de notre pays sans tenter de dissimuler la part d'ombre de leur activité dans des temps déjà anciens, qui s'éloignent, qu'il ne faut pas oublier, mais qui doit être comprise dans une perspective historique objective, et non bêtement politicienne et revancharde.
C'est d'ailleurs à mon interview sur « Les blancs créoles de la Guadeloupe, ( dans le journal le Mika Déchaîné, et que l'on peut trouver dans les archives du Scrutateur ) que je dois d'avoir été invité par le CIDEM, comme on me l'a précisé.
Dans l'assistance il y avait deux ou trois personnes plus âgées, notamment une dame d'une cinquantaine d'années, qui s'est dite « à moitié rasta », suscitant quelques sourires, et même quelques horions bienveillants, qui a souhaité davantage de rencontres des blancs pays avec le reste de la population dans des réunions de ce genre. Ces rencontres étant trop rares à ses yeux.
Je garde de cette rencontre et de ces échanges, la certitude qu'il y a un abîme entre cette jeunesse, dont je ne veux pourtant pas faire un portrait idyllique qui serait excessif, et le discours haineux, pontifiant, prétentieux des « zintellectuels » qui tiennent le haut du pavé en Guadeloupe, et de ce « syndicalisme » révolutionnaire qui nous tanne, et qui sous prétexte de commémorations historiques sapent le moral de la Guadeloupe, et hypothèquent son avenir.