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22 Février 2013
Je lui fis une brève réponse. « Je vous plains, lui dis-je, de prendre vos désirs pour des réalités, et de vous faire l'écho des hommes du cloaque. Dans Citadelle, de Saint-Exupéry, l'auteur prête à son personnage principal le Prince, cette pensée : « quiconque abaisse, disait mon père, c'est qu'il est bas ». Puissiez vous vous désengluer de la bassesse ».
Mais peu s'y trompent, le geste du pape est plein de significations profondes
« Au jour où tremblent les gardiens,
Où le dos des hommes se courbent,
Quand les femmes cessent de moudre :
(…. ) »
Les témoignages que je vous livre, et que publie la dernière livraison de Valeurs Actuelles, en témoignent.
Edouard Boulogne.
Témoignages.Écrivains, philosophes, prêtres ou chefs d’entreprise : tous soulignent l’exemplarité d’un homme dont le but n’a jamais été que de servir.
Quelles que soient leurs responsabilités, quelles que soient leurs fonctions, ils sont tous hommes de foi. Et rendent publiquement hommage à ce pape dont ils ont aimé l’audace et la sagesse.
François-Xavier Bellamy
Philosophe
Dans sa simplicité même, la renonciation de Benoît XVI est un acte de défi prophétique à toutes les logiques politiques terrestres. Lorsque j’ai appris cette nouvelle, la première surprise passée, il m’est immédiatement venu à l’esprit ce mot du Christ (Mt 20, 26) : « Vous le savez : les chefs des nations commandent en maîtres, et les grands font sentir leur pouvoir. Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi. »
Cette conversion s’accomplit dans la petite voix douce d’un pape qui, sans mise en scène et presque silencieusement, se dépouille du pouvoir absolu qui lui était confié. D’un souverain pontife qui, à la face du monde, se reconnaît fragile, fatigué, impuissant. Et qui témoigne, par ce choix “en conscience”, que le pouvoir authentique est celui qui n’est pas exercé pour soi, mais pour ce sur quoi il s’exerce. Les grands font sentir leur pouvoir ; mais les saints font servir leur faiblesse.
“En conscience...” À chaque fois qu’il parlera de sa décision, Benoît XVI reprendra ce mot de conscience. Le pouvoir cultivé comme un but mène toujours au combat contre la conscience. À l’inverse, il me semble que l’exemple du pape appelle le monde entier, et chacun de nous, à un examen de conscience. Suis-je vraiment là où je puis servir ? Ne me suis-je pas approprié le moyen qui m’est donné d’agir ?
En fait, un tel événement ne peut se recevoir qu’intérieurement. Il est si silencieux qu’il faudrait ne pas en parler. Il n’y a d’ailleurs, remarquons-le, pas de mot pour en parler : le pape ne démissionne pas. Il me semble que le terme même de renonciation est un peu trompeur ; Benoît XVI ne renonce pas à servir. Ce n’est pas un acte de lâcheté, mais de pauvreté. Ce à quoi il renonce, c’est à la propriété de sa charge. Mais n’y avait-il pas renoncé dès le début — dès l’homélie de son intronisation ? « Mon programme de gouvernement est de ne pas faire ma volonté, mais de me laisser guider par le Seigneur, de manière que ce soit luimême qui guide l’Église en cette heure de notre histoire. »
Henri de Castries Chef d’entreprise
Pour l’Église catholique, avoir eu la chance d’avoir à sa tête deux papes aussi différents et complémentaires que Jean-Paul II et Benoît XVI est la preuve de l’existence de l’Esprit saint. Autant Jean-Paul II était un pasteur, formidablement doué pour la communication, autant Benoît XVI est une personnalité davantage tournée vers la réflexion, et je crois que l’avenir montrera que sa contribution à la doctrine de l’Église a été majeure. Mais tous les deux rayonnaient d’amour et de bonté.
Certains disent que “le Christ n’est pas descendu de sa Croix”. Mais la renonciation de Benoît XVI n’est pas un abandon. C’est un geste d’une infinie humilité et d’une simplicité absolue. Et je suis convaincu que le rayonnement spirituel et intellectuel du Saint-Père ne sera pas moins fort parce qu’il va désormais se consacrer pleinement à la prière.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier qu’il y a un siècle, l’espérance de vie des hommes était inférieure de trente ans à ce qu’elle est aujourd’hui. Si bien que la question de la vieillesse des papes ne se posait souvent pas. Avec Benoît XVI et cette renonciation, l’Église s’adapte de manière formidable à cet état de fait, et montre une nouvelle fois à quel point le message de l’Évangile est actuel et vivant — bien loin des attaques et des caricatures qu’elle subit !
Père Guy Gilbert Prêtre et éducateur
spécialisé
Chacun à sa façon, Jean-Paul II et Benoît XVI nous ont offert des témoignages d’une audace inouïe, qui nous ramènent à notre condition d’homme. Jean-Paul II nous a préparés à la mort en mourant devant nous. Benoît XVI nous invite à l’humilité en quittant une charge qu’il n’a plus la force d’exercer. Le sort d’un milliard d’hommes, ce n’est pas rien ! Lui qu’on disait rétrograde a prouvé par ce geste qu’il était lucide, moderne et, j’ajouterais, exemplaire car il administre une belle leçon à tous les potentats, rois, princes et présidents qui s’accrochent au pouvoir jusqu’à plus d’âge. Sa décision, j’en suis certain, fera jurisprudence.
Au cours de son pontificat, Benoît XVI aura porté de lourdes croix, avec courage : je pense à son action déterminée contre le scandale de la pédophilie. Mais j’en retiens surtout son oeuvre théologique, notamment ses trois encycliques insistant sur l’amour, l’espérance et la foi. Son enseignement est fondé sur cette vérité : Deus caritas est. C’est “la” bonne nouvelle — le coeur du message évangélique.
Je l’ai vu deux fois, la première avec Nicolas Sarkozy. Le président m’avait présenté à lui par ces mots : « C’est un homme magnifique ! » Le pape me regarde intensément et répond : « Je le vois dans ses yeux. » Peut-être voyait-il mal… mais j’ai toujours le souvenir de ce regard profond ! L’autre fois, c’est quand les gardes suisses m’ont proposé de faire un stage chez eux. J’avais eu la joie de reprendre les pas méditatifs des papes dans les jardins du Vatican — un rêve d’enfant ! — et j’avais revu Benoît XVI. Je suis certain que l’Esprit saint saura souffler à nos cardinaux le nom d’un pape qui travaillera, comme lui, à l’unité de l’Église.
Jean-Pierre Jouyet Directeur général de la Caisse des dépôts
Je ne cache pas mon admiration à l’égard de la personnalité de Be noît XVI qui a été injustement critiqué du début jusqu’à la fin de son pontificat. Ce pape, sur lequel on n’a pas cessé de flanquer des étiquettes de “conservateur” ou de “rigide”, a non seulement revivifié et ressoudé l’Église catholique, mais, par son acte de renonciation, il lui donne une image de profond renouvellement.
Benoît XVI n’a jamais oublié que le rôle du pape est d’être le premier serviteur de Dieu. Dès lors qu’il estime ne plus avoir les forces physiques ou intellectuelles pour exercer son ministère, il préfère laisser sa place à une personnalité plus jeune. Il y a dans cette façon de procéder quelque chose de très évangélique et humble à l’égard de la manifestation divine, qui consiste à se dire : “Est-ce que je suis toujours le meilleur pour accomplir la tâche que l’on m’a confiée ? ” Lui a estimé qu’il servirait mieux Dieu en accomplissant le sacrifice de sa charge, plutôt qu’en l’assumant sans avoir la plénitude de ses forces.
En tant que personne publique, j’ai été amené à défendre ce pape à plusieurs reprises au cours des dernières années. Car, si les catholiques ne prennent pas la défense de leurs convictions et de ceux qui les portent, personne ne le fera pour eux. Mais je suis confiant pour l’avenir de l’Église. Et je fais naturellement mienne cette phrase du Credo : « Je crois en l’Église, une, sainte, catholique et apostolique. » C’est donc avec confiance que j’attends l’élection du nouveau successeur de Pierre.
Jean Raspail Écrivain
Cette nouvelle m’a attristé. Il m’a semblé devenir orphelin. Benoît XVI a restitué beaucoup de choses à l’Église, surtout à l’Église d’Europe. Il a mis un terme aux dérives de la liturgie, rétabli en grande partie l’existence du sacré, redonné une impulsion essentielle. Ce n’est qu’un aspect des choses mais je suis content qu’il m’ait rendu la culture catholique intacte, alors qu’on en avait été privé pendant pas mal de temps. Sur sa démission, je dirais que, en raison de l’hypertrophie médiatique qui rend presque indispensable la présence du pape, sa décision était plus que possible, elle était recommandée. Bien sûr, il semble que ce soit la fin de quelque chose d’immuable : le pape régnait jusqu’à sa mort, comme les rois, mais je crois que, d’une certaine manière, il ne pouvait pas faire autrement.
Défenseur de la religion catholique, le pape est aussi le défenseur d’une culture magnifique qui, dans tous les domaines, peinture, musique, littérature, architecture, philosophie, forme un ensemble foisonnant, unique au monde, au-dessus de tout, encore vivant et debout. Pour tout ça, même si je n’étais pas croyant, je serais quand même catholique. Voilà ce qu’incarne le pape, voilà pourquoi on ne peut que le soutenir, voilà aussi pourquoi certains le détestent tant.
J’ai vu les photos de l’intervention des Femen à la cathédrale et je me suis dit que, comme toujours, nous étions faibles. Il ne faut pas être trop gentil. Benoît XVI a d’ailleurs dit des choses très claires à ce sujet. Que ces femmes, qui incarnent la dégénérescence de toute espèce de valeur, se manifestent le lendemain de sa renonciation, n’est pas anodin.
Heureusement, le pape va maintenant “se retirer dans un monastère et prier”. Et c’est très important car tout porte à croire que sa prière sera écoutée. Quand je pense à cela, il me vient beaucoup de confiance dans l’avenir de l’Église catholique romaine, en raison de ce “parapluie” extraordinaire de messes célébrées, de milliards de prières qui émanent depuis des siècles et des siècles, et encore maintenant, de tous les monastères d’Europe et du monde.
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