28 Novembre 2013
J'ai, hier soir, appris avec tristesse la mort de Michel Feuillard.
( A droite de la photo, Michel Feuillard ).
Les Guadeloupéens de ma génération sont durement affectés, et sans doute beaucoup d'autres. M. Feuillard était un scientifique passionné, ingénieur géophysicien, qui voua une part, la plus importante de sa vie professionnelle, à l'étude du volcan Guadeloupéen de la Soufrière, mais pas seulement. Il fut constamment mêlé à la vie associative de notre département, notamment, mais pas exclusivement,, loin de là, au Lion's Club.
Quand la Soufrière, en 1976, connut cette période éruptive, assez intense, qui causa de si vives inquiétudes, il fut secondé, et en partie éclipsé, du fait notamment de son caractère discret, dédaigneux des remous du forum, par des « vedettes » telles que le professeur Allègre, alors directeur de l'Institut de physique du Globe, et Haroun Tazieff.
Les vedettes s'étripèrent, sur la question de la possible gravité de l'éruption, et sur l'utilité de l'évacuation de 70000 personnes résidents dans les zones potentiellement menacées par le volcan. 70000 personnes ce n'était pas rien pour une petite île telle que la Guadeloupe. Allègre était pour l'évacuation. Tazieff et Michel Feuillard plutôt contre.
( Tazieff et Allègre s'étripent à la TV. Caricature de Bourdan, parue dans Guadeloupe 2000, en 1976 ).
L'évacuation eut lieu pourtant. Ses adversaires pour des raisons scientifiques ( mais les autres affirmaient que la science des volcans n'était pas capable, alors, de prédire avec une rigoureuse certitude de l'avenir du phénomène en cours ). Une rumeur, peut-être pas totalement dépourvue de fondement, courait aussi, selon laquelle, les autorités, mais aussi certaines forces économiques locales, voulaient profiter de l'évènement pour opérer un déplacement du chef-lieu départemental, de Basse-Terre vers Pointe-à-Pitre.
Ses partisans, s'appuyaient, notamment, sur l'état d'esprit des populations hantées par le souvenir de la catastrophe de l'éruption de la montagne Pelée en 1902. Les scientifiques de l'époque avaient aussi assuré qu'ils n'y avait pas de danger, et périrent avec 30000 personnes, et le gouverneur même de la Martinique.
Pour avoir rencontré souvent, le préfet de la Guadeloupe en 1976, M. Aurousseau, dans le cadre de mes activités journalistiques, je puis témoigner, que cet aspect du problème ne fut pas pour rien dans la décision prise d'évacuer.
Michel Feuillard, avait eu raison, mais non sans avoir compris la dimension politique du problème. Que fut-il arrivé, que n'eut-on pas dit, en cas de catastrophe, qui n'était pas totalement exclue par Tazieff lui-même ( en conférence de presse une après-midi ) à la Sous-préfecture de Pointe-à-Pitre?
Mais, en définitive le savoir et la sagesse de Feuillard s'était imposée, par delà les controverses.
Il s'en est à maintes reprises, expliqué, toujours avec cette modération qui le caractérisait, et en particulier dans un livre récemment paru.
J'adresse à sa famille, à ses nombreux amis, mes condoléances.
Et je cède aussi la parole à Jean-Claude Halley, qui l'a mieux connu que moi, et qui sur Guadeloupe Attitude, lui rend un vibrant hommage.
E.Boulogne.
http://halleyjc.blog.lemonde.fr/2013/11/27/michel-feuillard-nest-plus/