1 Mars 2010
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Je voudrais vous soumettre ici une réflexion sur ce que j’appelle « la fausse présence de l’État français » à la Martinique.
Notre pays-Martinique ressemble à s’y méprendre à un département français : on y trouve pêle-mêle un DDTEFP (directeur départemental du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle), un TPG, un procureur général, un procureur de la République, un DDSDS, un DAF, un recteur, un contre-amiral, un DGAC, un SGAR, un DRAC, un … Il y a même un préfet de région ! Et le drapeau tricolore flotte encore sur de nombreux bâtiments publics, concurrencé de-ci de-là par quelques bannières indépendantistes ou exotiques. On pourrait par conséquent se croire en Normandie ou en Corrèze, douces terres de France.
On pourrait vraiment presque se croire en France. Sauf que tous ces hauts fonctionnaires –généralement métropolitains- ont des sueurs froides et se posent mille questions à chaque fois qu’ils doivent prendre une décision quelconque. Imprégnés d’un complexe d’anciens colonisateurs, perpétuellement accusés de mépriser les Martiniquais, taxés de racisme ou d’être des néo-colonialistes, ils se croient obligés de soupeser et d’évaluer en permanence la perception par la communauté antillaise du moindre de leurs actes. Et de ce fait leur jugement, leurs évaluations, leurs arbitrages sont faussés par cette culpabilité latente confinant parfois à la peur. De sorte que les droits essentiels des Martiniquais sont souvent bafoués, le droit tou t court est piétiné. L’exemple le plus récent et le plus flagrant nous a été fourni par l’attitude de notre actuel préfet de région Martinique, qui, après avoir été pendant plusieurs semaines le secrétaire exécutif du Kollectif du 5 février 2009 et son relais affairé, n’a pas hésité à revêtir devant les photographes, toute honte bue, le tee-shirt rouge des manifestants. Et cela au terme de 38 jours de blocage total de la Martinique, durant lesquels les libertés fondamentales de circuler, de travailler, voire de s’alimenter ont été confisquées par une minorité, sans aucune tentative de l’État visant à les rétablir ni à faire respecter l’ordre républicain.
À l’issue de cette période de non-gouvernance absolue, notre île est entrée dans une phase de récession économique sans précédent, qui voit la disparition de centaines d’entreprises et la destruction de milliers d’emplois. En outre, les pertes de recettes de la taxe locale d’Octroi de mer, cumulées aux engagements financiers abracadabrants du conseil régional et du département de participer aux salaires du privé, entraînent toutes nos collectivités locales vers une situation de quasi-cessation de paiement.
Quant aux manifestations et aux discours populistes à caractère raciste, leur gravité –impunie- a été véritablement indigne de la République française.
En substance, nous pouvons observer régulièrement qu’il n’y a plus de préfet à la Martinique, et ceci depuis bien longtemps, cette situation ne résidant pas uniquement dans la personnalité de tel ou tel homme. Et s’il n’y a plus de préfet, nous reste-t-il alors encore un État ?
C’est cela, la fausse présence de l’État français à la Martinique : l’apparence de l’État, sans les prérogatives de l’État.
Pourtant, pas un jour ne se passe ici, sans qu’il ne soit fait appel au préfet de région, premier représentant de l’État et seul interlocuteur valable aux yeux de tous. Pas un syndicaliste, pas un chef d’entreprise, pas un élu, pas un fonctionnaire, pas un président d’association, qui n’interpelle quotidiennement ce même préfet pour le respect de ses droits, pour le prix de l’essence, pour la grève du port, pour le recrutement des professeurs, pour les hôpitaux, pour la délinquance… Tous ces Martiniquais, croyant s’adresser à un décideur responsable, n’ont affaire en réalité qu’à un homme qui renonce à exercer ses pouvoirs, tant il est vrai qu’il exerce ses fonctions dans une fort grande solitude, abandonné qu’il est par n os élus locaux qui dénoncent en lui un oppresseur permanent, tout en appréciant qu’il soit un bien commode déversoir des problèmes martiniquais. Et chacun de se demander : mais que fait le préfet ? Et que fait donc la France pour nous ? Une telle ambiguïté contribue depuis bien longtemps au blocage de notre pays : un préfet qui ne décide de rien, et des élus qui ne veulent décider de rien, cherchant fébrilement à durer à l’ombre de la préfecture. Nous sommes les victimes, avec nos enfants et nos petits-enfants, d’un jeu de rôles dans lequel chaque acteur rejette sur l’autre la responsabilité de son immobilisme.
Roger de JAHAM,
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