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Le Scrutateur.

Blog destiné à commenter l'actualité, politique, économique, culturelle, sportive, etc, dans un esprit de critique philosophique, d'esprit chrétien et français.La collaboration des lecteurs est souhaitée, de même que la courtoisie, et l'esprit de tolérance.

In memoriam : Eugénie Gabriel, par E.Boulogne.

 

(Une figure connue et estimée de pointe-à-Pitre nous a quité pour un monde meilleur. A la demande sa famille, j'ai prononcé ce matin, à la cérémonie des obsèques célébrée en la cathédrale Saint-Pierre et Paul de Pointe-à-Pitre la petite allocution reproduite ci-dessous.EB )

 

In-memoriam.jpg

 

Madame Eugénie Gabriel. ( 16 avril 2011 ).

 

 

Nous voici rassemblés, parents et amis, autour du cercueil d'Eugénie Gabriel, morte à la veille de sa cent unième année. Et moi, à ce pupitre, un peu intimidé, je l'avoue, à qui ses enfants ont fait l'honneur de demander d'être l'interprète de tous, de vous tous, ici présents, tristement rassemblés.

Il y a longtemps que je connais la famille Gabriel. Le premier contact remonte presque au déluge puisque c'est en 1958, que j'ai fait la connaissance de ses fils Edouard et Robert. Adolescents, nous faisions de la culture physique dans la salle gérée, rue François Arago, à Pointe-à-Pitre, par Emmanuel Larroche, nôtre bon vieux Mano, qui lui aussi nous a quitté récemment, et monsieur de Lauzenghin.

C'est alors que j'ai commencé à connaître les parents de mes deux camarades, et notamment Eugénie.

Les années, les études à faire en métropole, nous éloignèrent pour un temps, bien qu'il m'arriva, parfois, de rencontrer Edouard, devant le foyer Franco-Libanais à l'angle de la rue d'Ulm et de la rue Lhomond.

Mais, plus tard, de 1974 à 1978, j'élus domicile au 10 de la rue Sadi Carnot, où je me trouvai être le voisin des Gabriel. Nos maisons se jouxtaient par derrière, et nous renouâmes des relations suivies et durables.

Souvent invités chez mes voisins, Edouard et Robert mais aussi leurs soeurs Thérèse et Colette, je pouvais apprécier leur extrême gentillesse, leur courtoisie, leur sens de l'accueil.

Eugénie, madame Eugénie Gabriel, était l'âme de cette maison au 41 de la rue Frébault.

Sexagénaire, elle était vaillante, taillée pour résister à tout, au physique comme au moral.

A son accueil si aimable elle ajoutait des talents exceptionnels de maîtresse de maison, et de fine cuisinière.

Née en Guadeloupe, membre d'une grande famille créole d'origine libanaise, soeur d' Antoine Karam madame Gabriel savait confectionner la cuisine créole traditionnelle, mais elle excellait dans la cuisine libanaise, ce qui était normal pour quelqu'un qui n'avait pas rompu avec ses origines moyen-orientales.

C'est chez elle que j'ai appris à goûter et apprécier cet art de la confection des meilleurs plats.

J'ai peu à peu appris, en m'acclimatant peu à peu à mon quartier pointois de l'époque, en écoutant parler les gens, qu'Eugénie n'était pas seulement une commerçante active, et une mère exceptionnelle et l'amie des amis de ses enfants, Mais qu'elle était aussi, tels ces personnages de la Bible, masculins et féminins, le coeur ouvert aux autres, la table et le portefeuille aussi.

Et ceci dans la discrétion, car les pauvres ont leur fierté, et il faut savoir donner avec discrétion, pour ne pas vexer.

« Laissez tomber exprès des épis » disait le prophète biblique Booz, aux ouvriers faucheurs de ses champs » quand il apercevait des malheureux aux abords de ceux-ci, pour qu'ils puissent piocher sans avoir honte.

«  Personne me disait, hier, Colette, n'a frappé à la maison, à certaines heures, et dans un état de détresse, sans trouver quelque nourriture, sans repartir avec quelque chose, un petit viatique ».

Cette bonté n'était pas faiblesse d'âme. Eugénie était aussi une femme forte, non autoritaire, mais pourvu d'autorité. Certes !

J'ai dit que nous avons été voisins. Mes amis, et moi, étions jeunes. Ils avaient du caractère. Disons même, ils en conviendront volontiers avec moi, qu'ils avaient leurs « petits caractères ».

Il leur arrivait de se disputer, et, en Guadeloupe comme au moyen-orient, les paroles s'envolent vite, le ton monte, monte, parfois.

Sans écouter, je vous en assure, mes amis, il m'arrivait d'entendre.

Quand Eugénie estimait que la dispute avait assez duré, elle intervenait alors, sans longueur, mais d'une voix forte, sèche, sans réplique.

Aussitôt, vous pouvez m'en croire, le soufflé retombait, un silence, momentané, s'installait; pas pour longtemps. Les échanges reprenaient, mais dans une ambiance pacifiée.

Oui, madame Gabriel était une femme, et une mère, remarquable.

J'ai dit plus haut sa générosité. Elle l'a marquée jusqu'au bout.

J'ai su, hier soir, à la veillée, que ses dernières paroles ont été adressées, quelques minutes avant la fin, à sa fille Thérèse. Malgré son extrême fatigue, elle a pu lui balbutier : «  N'oublies pas ta soeur, et tes frères. Je vais partir. Entendez vous entre vous. La famille est une chose importante ».

Il me semble, chers amis, que ces paroles ne sont pas la moins importante partie de l'héritage quelle vous laisse.

 

EB.

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