3 Décembre 2012
( Remarquable étude de notre ami DOLTO, qu'il faut lire jusqu'au bout, et faire lire, et diffuser largement. LS ).
Ce n’est pas méconnaître le dynamisme de certains chefs d’entreprises des départements d’outre-mer que de constater que la croissance économique
dans nos territoires repose essentiellement sur la solidarité nationale. Les transferts publics directs versés sous forme d’allocations et de traitements alimentent le moteur de la consommation
tandis que la production est soutenue par les subventions ,la défiscalisation des investissements, les exonérations de charge sociale et la commande publique.
Le bilan de la mise en œuvre de ces soutiens financiers est globalement positif sur le plan social puisqu’il a permis aux DOM de rattraper la moitié
de leurs retards sur l’Hexagone en moins de 60 ans de départementalisation effective.
Voilà une nouvelle qui va faire certains grincer des dents... Selon l'Agence Française de Développement (AFD),dans une étude récente datant de
novembre 2012 , le niveau de développement du département de la Guadeloupe se situerait au 39 è rang mondial sur 200 pays concernant l'IDH (indice de développement humain). Le retard de la
Guadeloupe, comparé à celui de la métropole, serait de 12 ans...
L'AFD a confié au cabinet DME (Didacticiels et modélisations économiques) le soin de mener cette étude sur le niveau de développement de l'Outre-mer
français. Et les DOM-TOM s'en sortent plutôt bien : ils seraient parmi les territoires les plus développés de la planète au sein de leur environnement régional.
L'indice de développement humain se base sur l'espérance de vie (santé et longévité), l'éducation et le revenu moyen par habitant. C'est cet indice
qu'a retenu l'AFD pour faire sa synthèse.
Et force est de constater que la Réunion, concernant ce fameux IDH ( classé au 74e rang), est à la traîne comparé aux autres DOM-TOM : elle se
classe derrière la Nouvelle-Calédonie (51e rang), la Martinique (41e rang) ou encore la Guadeloupe (39e rang). La Guadeloupe se situerait, grâce à son IDH, entre les départements du Pas-de-Calais
et celui de l'Yonne.
Cependant avec un taux de chômage des jeunes supérieur à 50 %, la Guadeloupe n’est pas vraiment sur le papier le meilleur "pays" du monde pour que
les jeunes diplômés trouvent du travail.
Un discours revient souvent dans la bouche des jeunes diplômés guadeloupéens : « t’es fou, vivre en Guadeloupe,quelle galère !!!.ça n’avance
pas dans ce pays, les gens ne pensent qu’à vivre pépère dans le système d'assistanat et revendiquer toujours plus sans prendre en compte les nouvelles réalités économiques et la crise qui sévit
dans le monde et surtout en Europe du sud .Ils n’ont pas compris que la vie est un défi et que le monde est en mutation accélérée. De plus les problèmes sont connus depuis des années, alors qu’il
ne serait pas si difficile de réformer la société et de modifier les choses si on changeait au préalable les mentalités ». De fait, alors confronté à une réalité pesante , certains jeunes
diplômés ne veulent pas entendre parler de retour en Guadeloupe pour le moment.
A force, cette question des mentalités à l'origine d'un laxisme ambiant et d'un refus de voir le monde tel qu'il est aujourd'hui peut devenir une
vraie barrière. Pour Astrid M diplômée en médecine, arrivée il y a 10 ans en France Métropolitaine après une première année de médecine à Fouillole , “les amis ou la famille en Guadeloupe ont
parfois un peu de mal de nous voir épanouis et heureux en Métropole, il semble que cela ne leur parle pas. Ils n’ont pas cette dimension européenne ou internationale. Aujourd’hui on se sent mieux
en dehors de la Guadeloupe et nous ne souhaitons pas rentrer surtout quand on voit le » bordel et la gabegie « qui règne au CHU de Pointe à Pitre. D’un autre côté ,on est beaucoup moins solidaire
du pays (du fait de la distance et des conditions de travail )”et c'est pour cela que la quasi totalité de ma promotion de l' UAG de Fouillole n'est pas rentrée au pays à la fin de leurs études ?
Installée depuis 10 ans à Paris, Astrid M.. mariée depuis peu à un métro, ingénieur système de son état, trouve également que ses “relations made in Guadeloupe s’effilochent, malgré la joie
intense de revenir dans la famille au moment des vacances”.
Un nouveau regard…4 jeunes diplômés sur 5 ne rentrent plus en Guadeloupe !
La confrontation à l’altérité change les personnes. L’expatriation vous transforme : en quelques mois, vous n’êtes plus tout à fait celui que ou
celle que vous étiez au moment du départ. Le regard change sur sa propre culture, sur la société à laquelle on appartient, ses modes de fonctionnement et ses valeurs. Et ce qui semblait évident
ne l’est plus…. Sans forcément changer d’avis sur tout, on réalise qu’il est une autre façon de voir les choses, et que souvent, ça tient la route aussi. Quelle frustration lorsqu’on rentre en
Guadeloupe pour les vacances et que l’on se heurte à l’ignorance de nos proches, de nos amis, qui croient « savoir » mais n’alignent en fait que lieux communs et préjugés ! Je me suis retrouvée
moi DOLTO au moment de la crise LKP maintes et maintes fois dans la position de l’avocat du diable, pour essayer d’introduire un peu de nuance dans leurs schémas de pensée archaïques
!!!”
Une culture trop passéiste...
Après avoir voyagé dans pas mal de pays et vécu quelques mois aux Etats-Unis lors d’un stage de son école de commerce, Sandrine P a pris sa «
première claque interculturelle au Japon. J’ai vraiment pu regarder ma propre culture créole et la juger sévèrement grâce au « miroir » que m’offrait la société japonaise. Ça a été tellement
enrichissant. C’est un sentiment que je n’avais jamais eu auparavant ».
Pour Sabine B ... étudiante en pharmacie en Belgique, la vie à Bruxelles a changé sa perception des choses: “Nous abordons l’immigration
différemment, car nous sommes nous-même immigrés à présent ; de plus les comparaisons entre pays nous donnent aussi un regard un peu différents sur les « problèmes » de la Guadeloupe et nous
trouvons parfois les gens en Guadeloupe un peu trop tournés de façon obsessionnelle vers le passé,trop râleurs et pas assez responsables pour se prendre en main quand on voit les choses de
l’extérieur.”
Cécilia L ...étudiante en lettres est venue au Québec après un précédent séjour en Métropole : « J’avais très hâte de quitter la Guadeloupe et ce
malgré mon attachement à la famille , mais en arrivant à Montréal je me suis sentie quelque peu étrangère à cette réalité créole: la mentalité des gens, l’immobilisme des gens, la surabondance de
consommation et le gaspillage, l’obsession des nouveaux moyens de communication (téléphones intelligents, réseaux sociaux, etc..) qui finalement creusent un fossé toujours plus profond entre les
gens, et la violence présente partout… Je ne me sentais plus aussi à l'aise chez moi et ce d'autant que mon petit copain originaire de St Claude avait fait le choix auparavant de poursuivre ses
études de gestion de l'énergie au Canada ! et les gens qui m’entouraient en lettres à l’ IUT de Saint – Claude ne semblent pas désirer connaître ce qui existe ailleurs , obnubilée par le désir
d'intégrer la fonction publique et profiter des 40% . »
…Pas toujours indulgent !
François J, installée au Brésil depuis la fin de ses études d’ingénieur à Paris , n’en revient pas de l'attitude de ses compatriotes : “ils râlent:
tout le temps,contre les patrons , les politiques, les petits désagréments mineurs d’une vie habituée au confort, les anticipations des prochains désastres : le coût de la vie, la hausse de
l’essence, la santé, etc. Ils râlent principalement contre les autres Guadeloupéens,alors qu'ils sont désagréables avec les touristes,pas stressés par le travail, inconscients des enjeux de
l’avenir, etc.”
Guillaume H habite hors de Guadeloupe depuis 8 ans et ne se sent plus en phase avec ses compatriotes: “Je suis parti à Londres parce qu’il y avait
du travail là-bas (et pas qu’en finance). Je suis à Singapour pour la même raison. Je ne pourrai jamais travailler dans une entreprise française, encore moins en Guadeloupe: la culture des
guadeloupéens trop centré sur le passé, le mépris des entreprises et des patrons… Je suis stupéfait de ne jamais avoir rencontré un guadeloupéen qui comprenne que l’économie n’est ni fermée, ni
dépendante éternellement des transferts sociaux (exemple: il y a trop de chômeurs, donc on « redistribue » une quantité d’allocations sociales invraisemblable qui n’incitent pas les gens à
travailler ! Même l’idée élémentaire de l’avantage comparatif n’existe pas dans le discours des Guadeloupéens. . Et économiquement, je trouve les idées de la Guadeloupe tellement vieilles et
démodées… on dirait que rien n’a changé depuis les années 70”. Il ajoute : “ les syndicats, les hommes politiques, les patrons, les entreprises… j’entends tellement de clichés sur ces sujets que
je n’ai même plus le courage de les réfuter. Ce que je vois le plus de la Guadeloupe, par contre,c'est la culture de l'émotion, la colère, le désespoir, l’agression, l’irrationnel. C’est aussi
pour ça que je suis parti.
Si loin, si proche...
Malgré ce regard parfois critique, difficile de se détacher totalement de la Guadeloupe. Pour certains, c’est même une révélation, la découverte
d’une identité. “Tous ces petits riens, ces petits détails qui allaient de soi quand j’étais en Guadeloupe, je réalise qu’ici, ce n’est plus « normal », banal, c’est « français », explique Max M.
, après 4 années d’études en école de commerce à Pau. Je suis originaire de Pointe à Pitre, je n’ai jamais été revendicateur, extraverti ou « grande gueule », tous ces traits de caractère qu’on
prête facilement aux Guadeloupéens. Je croyais donc être dans mon élément au Luxembourg ou je travaille dans une grande banque , quelle n’a donc pas été ma surprise lorsque je me suis découvert
des réflexes de « révolutionnaire » ici ! Ras le bol de se conformer aux vieux schémas de pensée hérités de mon éducation , d’accepter sans mot dire les règles DE LA FINANCE, par principe, même
les plus absurdes, sans chercher à comprendre pourquoi elles sont là et comment elle ont pu conduire à la crise! Tiens. Bizarre, en fait, je suis très Français !”
La Guadeloupe une igname de plus en plus brisée
De Los Angéles, Carole M . Moulienne diplômée de l’école de commerce EDHEC de lille ( 4 ième meilleure école dans le classement des grandes écoles
en France) explique : “Entre deux chaises, j’aurais aimé rester assise. En vain. Car jambes en tailleur, dos au vent, je vis désormais sur un bon gros tapis volant et un très gros salaire . Une
bienheureuse expatriation certes mais qui en effet m’éloigne, d’année en année, de notre douce Guadeloupe et de mes chers compatriotes. Un point de vue plus aérien en somme. Ainsi, après douze
années hors de ma Terre natale , cet igname brisée comme le disait Sony Rupaire, je porte un regard totalement différent sur elle. les grèves pour un oui ou pour un non..! ET DES SALAIRES pas à
la hauteur de mes compétences !
S’adapter ou repartir
Face à ce décalage que l’on peut ressentir lorsque l’on rentre en Guadeloupe après ses études, deux options : s’adapter, ou repartir ! Morena N de
Basse- Terre, installée à Paris depuis 5 ans et depuis 2 ans en Allemagne,s’interroge déjà : “Quand on a goûté à l’expatriation, peut-on rentrer sans dommage dans son petit pays ? J’aime la
Guadeloupe, je suis son actualité chaque jour, sans doute même plus sérieusement que quand j’étais sur place. Mais quand/si je rentre pour de bon, est ce que je ne risque pas de m’ennuyer ? De
trouver tout à coup que tout me semble pauvre, petit, étroit, étriqué ? La gymnastique mentale de jongler avec d’autres cultures m’a créé un réseau de concepts, de nuances bien plus fin que je
n’aurais pu l’imaginer. .. En comparaison, la vie en Guadeloupe ne nous semblera-t-elle pas terne surtout pour mon mari qui est un métis Allemand docteur en économie ? On verra bien, rien ne
presse, j’ai encore le temps d’y penser…d'autant que je pars en décembre 2012 m'installer en Inde ou Markus mon mari vient de trouver un job dans une multinationale . Et d’ici là, avec l’Europe,
la mondialisation, les échanges scolaires et universitaires, peut être que tout ça sera devenu normal, banal pour nos jeunes générations ? »
Par le biais des réseaux sociaux et Internet, je sais ce qui se passe en Guadeloupe comme si j’y étais. » Marie trouve nécessaire de rentrer une
fois par an. Mais après, “nous sommes ravis de revenir à Paris, ravis d’échapper à la morosité ambiante en Guadeloupe depuis le LKP, de rapporter du bon rhum, des produits locaux, d’autres
photos, et de retrouver ce petit goût de choix, la liberté que donne toute expatriation. En un mot, nous avons toujours besoin de vérifier que nos racines tiennent fermement, qu’elles nous
accueilleront toujours, et que décidément qu’est ce que l’on a bien fait de partir ! »Suis-je un cas exceptionnel ? Je ne le pense pas. Tant en Métropole qu’à l’étranger lors de mes stages, j’ai
eu l’occasion de croiser bon nombre de Guadeloupéens. Tous, sans exception, ont quitté la Guadeloupe pour suivre des opportunités professionnelles et ne compte pas y retourner de
sitôt.
Tous ces témoignages sont authentiques et ont été recueillis auprès de proches et montre bien l’étendue du phénomène nouveau des jeunes diplômés qui
ne veulent plus revenir vivre et travailler au pays .Et c’est peut-être là une vérité qui fait mal et qu’on essaie de cacher : on quitte la Guadeloupe car on pense mieux réussir sa vie ailleurs.
Cette vision des choses n’avait pas cours chez les jeunes diplômés guadeloupéens des années 60 / 70 qui pour la plupart rentrait dans leur famille à la fin de leurs études . Mais peut-être tout
simplement n’y a-t-il plus de place pour le sentiment d'attachement à la terre natale dans ce monde de mondialisation et encore moins de sentiment affectif ou de commisération pour les familles
de plus en plus nombreuses qui sont tout simplement sans leurs enfants, vivant en Guadeloupe ...et le pire c'est que c'est désormais la norme !
Comment en est -t-on arrivé à ce phénomène croissant de société à savoir le refus de plus en plus marqué des jeunes diplômés guadeloupéens de ne pas
vouloir rentrer au "pays" à la fin de leurs études ,et ce alors même que la Guadeloupe a et aura besoin de talents pour le développement de son économie dans les 10 ans à venir. Je poursuis la
réflexion sur un thème proche en constatant que le problème des mentalités étaient au cœur de ce paradoxe. La suite de cette chronique revisite la même problématique, mais avec un éclairage
différent et, du coup, complémentaire , à savoir comment le modèle familial guadeloupéen s’autodétruit. lentement mais sûrement ?
Valeurs perdues des jeunes, bonheur perdu des aînés : pourquoi notre société déprime et dérive dans la violence ? Cette question sous tend la
décomposition actuelle de la famille en Guadeloupe par la perte des valeurs héritées de l’histoire. L’hostilité et la défiance des Guadeloupéens pour les institutions, alors que leur demande
d’intervention de l’Etat sous la forme de toujours plus d’assistanat dans tous les domaines sociaux – économiques, sont responsables de la névrose de notre société .
1. Une société d’hostilité et de peur
Les Guadeloupéens ont perdu progressivement du respect pour les valeurs morales , perte qui s’est accélérée depuis une dizaine d’années et surtout
depuis le LKP .
Toute morale vient du passé : elle s’enracine dans l’histoire, pour la société, et dans l’enfance, pour l’individu. C’est ce que Freud appelle le
surmoi, qui représente le passé de la société.
La société a donc, vis-à-vis de chaque enfant puis de chaque adulte, le devoir de lui transmettre les règles morales qu’elle a adoptées (parfois
depuis des siècles), dans le cadre de ses valeurs fondamentales . Ce sont ces règles qui définissent le permis et le défendu, le louable et le méprisable, le possible, l’impossible et
l’obligatoire. Il ne faut pas compter sur la culture traditionnelle créole héritée de l'esclavage et de la colonisation – comme on a trop tendance à le faire en Guadeloupe – pour remplacer les
règles morales.
Par le passé, il existait un référentiel de valeurs traditionnelles qui œuvraient dans les rapports interpersonnels et dans la communauté
Antillaise. Ce référentiel avait ses canaux de production et de reproduction.
• Ce référentiel a été confronté aux facteurs de changement des modes de vie (apparition de nouveaux besoins), de la mobilité des populations
(rural/urbain, Guadeloupe/France Métropolitaine), et aux changements des canaux de production des valeurs : l’école, les médias, les réseaux sociaux , et de la complexification de la société
contemporaine dans le contexte de mondialisation.
• Actuellement en Guadeloupe , il y a plusieurs valeurs en compétition et une multiplicité de canaux de leur production ; on assiste à l’ouverture
du marché des valeurs et à un processus de refondation de leur système, avec des valeurs traditionnelles qui sont encore à l’œuvre chez les aînés et des valeurs émergentes chez les
jeunes.
Hélas en Guadeloupe, et particulièrement depuis la dernière décennie, la transmission de la culture (dont la morale fait partie) se fait bien moins
et bien plus mal. C’est particulièrement vrai du fait de la famille , de l'église et de l’Education nationale en crise larvée en Guadeloupe .
La perte de respect pour les valeurs morales affecte d’abord le respect de « l’autre ».La perte de respect de l’autre se manifeste par un
individualisme et un égoïsme croissants dans la société guadeloupéenne. Chacun met en avant ses droits et considère que leur satisfaction est primordiale. Chacun s’affirme, considère que son
opinion a de la valeur et doit être prise en compte, même si son inculture rend cette opinion infondée : la crise de 2009 est
passée par là. Chacun pense que ses différences sont légitimes et en est fier ; d’où (par exemple) le phénomène nouveau de fracturation de la
société traditionnelle guadeloupéenne (Afro centrisme et indianisme) ou chacun cherche à imposer des valeurs et coutumes découlant de l'origine ethnique qui n’ont plus cours dans ce monde
moderne. On ne respecte plus les autres, mais on exige toujours plus de la société consumériste. Et résultat (parmi les couples qui se marient) à l'instar de la France Métropolitaine la moitié
des mariages se terminent par un divorce en Guadeloupe , on ne se comprend plus, car on ne partage plus les mêmes valeurs .
Les valeurs du devoir et du respect entre membres du couple, indispensables à la cohésion de la famille, sont d’autant plus dévaluées que la
religion n’est plus assez influente pour jouer son rôle traditionnel de cohésion sociale.
2- La perte du sens du devoir.
( Toutes les familles, aujourd'hui, n'offrent pas ce visage souriant. Il est vrai qu'il s'agit d'une image publicitaire ).
La famille est de plus en plus dévaluée, ce n'est une valeur ringarde qui ne donne droit à aucun respect entre conjoints ou encore entre parents et enfants d’où une violence intra – familiale de plus en plus prégnante en Guadeloupe et ce surtout envers les femmes dont l’évolution vers un mode de pensée à l’occidentale ( je veux vivre ma vie en pleine liberté sans contrainte d’un homme réputé machiste aux Antilles). Cette situation sème l’incompréhension et suscite des réactions de violence chez certains hommes totalement désemparés face à ce phénomène en vogue actuellement chez la femme Antillaise .
Autre élément ,la baisse de la proportion de jeunes couples qui s’engagent à vivre ensemble en se mariant, et la forte proportion de divorces parmi
ceux qui se sont mariés, ne sont que deux aspects d’un mal plus profond, qui touche énormément de gens en Guadeloupe : le refus de s’engager durablement et l’oubli de la parole donnée au moment
de la célébration du sacrement du mariage. De plus en plus de jeunes refusent de s’engager à fonder un foyer stable, ou à consacrer leur vie à un idéal du vivre ensemble dans la durée, ou à se
consacrer entièrement à la réalisation d’une éducation réussie pour les enfants . Ils n’ont plus d’idéal, ou plus assez de foi pour s’adonner à fond dans une vie de couple harmonieuse ; ils n’y
croient plus, n’espèrent plus, sont découragés avant même d’avoir essayé de fonder un foyer. Et pourtant ,la famille est la première institution où se transmettent et se reproduisent les
valeurs.
Le sens du devoir n’est plus ce qu’il était pour transmettre ces valeurs basées sur l’autorité et la confiance : voilà pourquoi le respect et
l’engagement personnel ont reculé au sein de la famille en Guadeloupe.
Inutile de s’appesantir sur les parents de plus en plus nombreux qui n’accordent pas assez de temps à l'éducation de leurs enfants, qui les mettent
devant la télé ou dans la rue pour s’en débarrasser, ou ne cherchent pas à savoir pourquoi ils ont de mauvais résultats scolaires ou font de grosses bêtises. Ils s’étonneront peut-être, quelques
années plus tard, que leurs enfants les oublient à leur tour.
Les perspectives d’avenir laissent déceler une véritable déconstruction de la famille en Guadeloupe (et donc une dérive de plus en forte de la
jeunesse restée au pays sans perspectives ). Les instances qui l’ont supplantée n’ont pas fait mieux qu’elle. L’école a déçu les espoirs et l’État providence n’a pas pu satisfaire toutes les
aspirations et répondre à la problématique identitaire. Bien sûr cette jeunesse a deux faces et est en réalité constituée de deux jeunesses bien distinctes. La distance sociale et idéologique
s’accroît entre les jeunes selon qu’ils sont restés ou non au pays et disposent ou non d’un niveau d’études minimum ( ces deux jeunesses aux destins de plus en plus divergents) . En Guadeloupe,
plus qu’ailleurs, l’écart entre ces deux jeunesses s’est accru. Les jeunes générations sont l’avenir de la société guadeloupéenne et c’est pour cela que leurs attitudes présentent un intérêt
particulier : se situent-elles dans la continuité des valeurs des autres générations ou un décrochage se manifeste-t-il dans certains domaines, qui serait annonciateur d’une « rupture
générationnelle » et d'une « fracture culturelle » qui conduirait donc à une aggravation de la crise actuelle de société que connait la guadeloupe ? A méditer donc ……Mais se révolter contre une
situation qui se dégrade n'est pas toujours facile.
DOLTO