28 Février 2012
Groland et les « super riches »
Il l'a assez dit, Groland, qu'il n'aimait pas les riches. Alors il va se venger du mal qu'ils lui ont fait, et taxer à 75 % les monstres, autrement dit les Français les plus riches. En joue ! Feu ! Pan ! Mi boc ! Ce qui attire de la part de François Bayrou - comme quoi, la solidarité entre François n'est pas garantie - le commentaire suivant : « Le déconomètre fonctionne à plein tube ».
Pauvre Groland ! Pauvre François pneumatique qui s'est enflé si fort ! Soupçonné de déconnitude, lui ?
Pour notre part, gardons-nous de toute réaction primaire, à l'emporte pièce, épidermique, partisane etc. Essayons de poser le problème - ou plutôt la solution préconisée par GG (Génial Groland) - en termes rationnels, pondérés et presque scientifiques.
Posons d'abord que ce cher Groland sera peut-être demain, notre maître. Groland, flanqué des inaltérables Aubry, Fabius, Moscovici, Sapin - et peut-être escorté aussi de l'ineffable Strauss-Kahn que la grâce grolandaise pourrait absoudre de tout ce qui aux yeux des petits bourgeois susciterait un possible sentiment de dissolution en matière de moeurs voire d'idéal républicain et peut-être même de vertu. DSK, rétabli dans ses droits, privilèges et honneurs, pourrait alors être en charge d'un super-ministère des menus plaisirs, histoire de rappeler au bon peuple qu'il n'a rien perdu de ses racines gauloises. Enfin, façon de parler. Ce serait, comme pour la Culture, n'importe quoi évidemment.
Bizarrement "n'importe quoi" nous ramène d'une manière toute pavlovienne à la petite saillie grolandaise d'hier soir sur TF1 ?
Car ce qui vient en premier à l'esprit, c'est que quand on est trop sûr de soi, quand on n'a aucune conviction, quand on vit dans le mensonge et dans le bluff, il arrive que l'on baisse la garde et finisse par lâcher n'importe quoi. Le n'importe quoi étant probablement l'un des axes les plus porteurs de "l'engagement" politique. On l'a déjà vu avec le satrape de Jarnac qui n'a jamais reculé devant la moindre imbécillité - sur le registre de la facilité, s'entend - et qui n'en a pas moins été icônisé par les Franchouillais. Il demeure même une grande référence - un trésor national - malgré sa fourberie et le long cortège de ses turpitudes, que ce soit en matière de brevets de moralité ou de bulletins de santé, dès lors qu'il s'agissait de sa petite personne.
En deuxième, il s'agit de se demander si, porté par les lauriers que récolte toute l'équipe du film "The Artist", Groland n'ouvre pas à son tour son large bec pour bien montrer que son ramage vaut bien, lui aussi, le plumage de si bon augure qu'il expose à toutes les devantures depuis qu'il a reçu l'Oscar du Parti socialiste qui a fait de lui un César en devenir.
La troisième pensée qui vient à l'esprit, c'est que Groland est peut-être un homme d'une infinie subtilité. Pensez donc : Martine Aubry qui le considérait à peu près comme l'idiot du village, Fabius qui n'en aurait pas voulu comme paillasson, et même la tendre Ségolène sont désormais des fans de... De celui qu'ils considéraient comme la moitié de rien il y a seulement quelques mois. Même Moscovoci en est arrivé à se convaincre que Groland était presque aussi entraînant que l'irrésistible DSK lorsque ce dernier brillait de mille feux et qu'il était à ce moment-là "The Socialist" Comme François le fourbe l'avait été en son temps. Cette captivante subtilité de Groland amène à se poser la question - "The Question" - du nec plus ultra en matière de ruse guerrière et patriotique. Car les gens très intelligents ont quelquefois des idées très intéressantes pour venir à bout de problèmes aussi délicats que celui de l'excédent migratoire constaté par les Français depuis quelques années. Afin de rétablir l'égalité entre les flux, Groland a certainement pensé qu'il fallait agir sur l'un ou sur l'autre. Sur les entrées ou sur les sorties. Pas facile, du reste. Alors, en pareil cas il faut procéder de manière plutôt radicale, et avoir recours à des incitations qui doivent être fortes. Ainsi, François P. Groland (P pour pneumatique) a-t-il peut-être choisi de proposer aux indésirables de bien vouloir aller voir ailleurs si l'herbe est plus écologique (plus verte, donc) qu'au pays de Clovis, Henri IV et Camille Desmoulins. Quelle différence, n'est-ce pas ? avec les méthodes - autrement plus brutales - de Monsieur Carrier qui disait jadis à propos de ces indésirables Vendéens : « C'est par principe d'humanité que je purge la terre de la Liberté de ces monstres. » Groland, lui, est beaucoup plus subtil. Il dit : « En joue ! Feu ! » et personne ne s'aperçoit qu'il a solennellement consacré l'ouverture de la chasse.
C'est pourquoi il faut peut-être s'intéresser au fond des choses, voire à leur nature, en observant ici que les préoccupations de Groland (en matière d'excédents migratoires et de nécessité d'harmoniser les flux) rejoignent peut-être celles du Front national. Or, le Front national n'est-il pas, comme on dit, un parti... comment dit-on, déjà ? ah ! oui ! un parti populiste ?
Cependant, Groland ne pouvant être suspecté de synergie avec le Front national, oublions le populisme et le Front national. Revenons-en à ce délicieux embryon de président de la République en fin de gestation, un Groland si lisse et si socialisse. Revenons-en aussi aux sympathiques hollandistes qui accompagnent le vol du coq de clocher en clocher. Sympathiques, c'est le mot. Pas populistes, non, pas du tout. Sympathiques, c'est ça ! Sympathiques et... empathiques, surtout. Et puis un peu étiquettistes aussi, car il s'agit en l'espèce de mettre un écriteau : « super-riches » pour déclencher le banzaï. Les étiquettes, c’est d'abord éthique, puisque l'on ne saurait chasser n'importe quelle espèce, bien entendu.
Il y en a eu d’autres, comme ça, dans l’histoire. Ils ont désigné, étiqueté, et puis, et puis... Ils ont même, paraît-il, été jusqu'à éliminer. Cela procède, disent les connaisseurs, d'un ciblage positif. Le ciblage positif étant une des nombreuses applications du positivisme, discipline élaborée par Auguste Comte, sociologue de grande renommée.
Alors, il reste une dernière question, compte tenu du positivisme ambiant : est-ce que Sarkozy, emporté par sa rage de vaincre et de battre Groland sur son propre terrain, ne va pas à son tour proposer de taxer les « super riches » à hauteur de 76 ou 77 %, histoire de bien montrer qu'il est, lui aussi, un fervent adepte des niches sociales, et de cette médecine transfusive mise au point par le Dr Diafoirus lui-même, et qui consiste à transfuser de la pauvreté aux riches pour guérir les pauvres de leur pauvreté.
Ah ! que parfois nous attristent ces artistes dont nous sommes sans doute un peu jaloux, nous les frustrés qui ne savons ni raisonner ni nous raisonner, et pas davantage jouer la comédie.
Mais, au fait, sommes-nous vraiment les jaloux de cette farce grolandaise ?
La question nous vient comme ça. Parce que l'idée de taxer plus que de raison des étrangers - c'est-à-dire des gens autres que nous et de surcroît étrangers à notre condition sociale - ne provoque chez nous nulle jouissance vengeresse, ni même la moindre guérison de notre propre misère. Peut-être ne sommes-nous pas de bons Français ? En tout cas, pas de bons hollandistes. Et encore moins de bons socialistes.
André Derviche