23 Juin 2010
Football : Le point de vue de Dhorasoo.
Il y a trois jours, Stanny Mathiews dans Le Scrutateur, analysant la crise dans l'équipe de France en Afrique du sud, y voyait un fait de société et un symptome grave de l'actuelle dissociété française,bien plus qu'une mauvaise gestion par un entraîneur dont il ne faudrait pas trop vite faire un bouc émissaire, quelles que soient par ailleurs ses insuffisances.
L'interview de Dhorasso dans Le Monde. fr confirme le point de vue de notre collaborateur.
Lisez donc :
http://www.lemonde.fr/sport/article/2010/06/22/dhorasoo-il-y-a-une-revolution-enorme-a-faire-dans-le-foot-francais_1376990_3242_1.html
LEMONDE.FR | 22.06.10 | 15h51 • Mis à jour le 22.06.10 | 17h23
Jeanne : Quelle est la différence entre l'équipe de 98 et celle d'aujourd'hui ? A l'époque on avait l'impression qu'il existait une vraie solidarité entre tous les joueurs, maintenant on assiste à des "guerre de clans".
Je pense que l'image qui a été rapportée par la victoire, le montage notamment des "Yeux dans les Bleus", qui montrait les winners, reste un montage. Ce qu'ils ont vécu ressemblait davantage à ce que je montre dans mon film "Substitute" sur la Coupe du monde 2006.
Matthieu : Vikash, est-ce que vous vous seriez reconnu dans cette équipe de France ?
Non. Mais je ne me reconnais pas quand il n'y a pas de mixité. Cette équipe représente la France des banlieues, la France des ghettos, des quartiers populaires qui sont devenus très durs. Je viens d'un milieu ouvrier, mon père travaillait ; Deschamps, Blanc aussi. Mais aujourd'hui, dans les quartiers populaires, le pouvoir a été abandonné aux caïds, et c'est ce qu'on retrouve en équipe de France. On voit un Gourcuff, un peu différent des autres, qui ne se reconnaît pas dans cette équipe. Cela me choque par exemple que l'équipe de France demande un buffet halal pour être reçue quelque part.
Flaty : Pour vous répondre, on peut perdre en restant digne et en mouillant le maillot, l'équipe de France ne donne pas cette impression !
C'est très subjectif, ça. Pourquoi Govou n'est-il pas bon ? Parce que quelqu'un le dit. Mais Domenech le fait jouer parce qu'il pense qu'il est bon. Après, on peut analyser : pas de lien, pas de cohésion, pas de collectif. Mouiller le maillot, ça ne veut rien dire.
Bertrand : Quand vous portez le maillot bleu vous représentez la France. Je trouve dommage que vous comme d'autres essayez de trouver des excuses aux joueurs dans ce cas précis. Ils connaissaient la donne depuis le début, ils n'avaient alors qu'à refuser la sélection. Perdre ce n'est pas le problème.
En fait, c'est imposé, d'aller en sélection, on n'a pas le droit de refuser. Quand j'ai démarré ma carrière, on a tous ce rêve de jouer en Coupe du monde, mais je n'ai jamais songé le faire pour "représenter la France". Je suis français, fier de l'être. Etre français, pour moi, c'est manger français, parler français, aimer la littérature française, avoir des amis français. Les valeurs du drapeau, la Marseillaise, ça ne me parle pas énormément. Mon père est français depuis 50 ans, il ne parle pas français correctement, il a travaillé pour la France.
Matthieu : Vikash, n'avez-vous pas l'impression que l'équipe de France reflète la société actuelle, comme le disent aujourd'hui les politiques et surtout les philosophes ?
Elle représente les banlieues et les quartiers populaires. C'est aussi un endroit où l'argent coule à flots. L'individualisme, l'égoïsme y règnent, alors qu'on parle d'un sport collectif. Ça, c'est bien la société française. Ces gens ne s'intéressent pas aux problèmes des Français, ils sont dépolitisés. Ce désintérêt pour l'autre, la division qui règne dans l'équipe, ça représente ce qui se passe dans la société. Mais on ne peut pas leur jeter la pierre. Ce sont des gamins.
lauramai : Qu'y a-t-il de néfaste aujourd'hui dans le système foot en France ?
Plein de choses : c'est un système qui marche à l'envers. En fait, c'est une chaîne. Le seul élément indispensable du monde du foot, c'est le footballeur, c'est lui qui fait tourner la chaîne. Il faut accepter que le divertissement soit parfois mauvais. S'il ne nous plaît pas, il suffit d'éteindre la télé.
Yaffare : Vikash, tu connais certain de ces joueurs, tu as bien un avis personnel sur toute cette histoire ?
J'en connais très peu, à part Sidney Govou. J'ai trouvé injuste qu'on lui tape dessus. Il n'y est pour rien si on l'a sélectionné. La presse, notamment L'Equipe, qui fait des éditos, des "unes" scandaleuses, vulgaires, demande aux joueurs de parler. Quand on est langue de bois, ils nous traitent d'arrogants, de prétentieux, de mecs qui ne jouent pas le jeu. Et quand on dit quelque chose d'intéressant, ça fait la "une" des journaux, et le lendemain, on a des problèmes avec nos entraîneurs, nos partenaires. C'est insoluble pour nous. Les joueurs de foot se méfient des journalistes. Et en même temps, les uns ont besoin des autres. Dans cette affaire il n'y a pas une "taupe", il y a des taupes, tout le monde a un ou des copains journalistes à qui il envoie un SMS pour lui raconter ce qui s'est passé.
Tyler : J'aurais aimé connaître votre avis sur le silence de Thierry Henry.
C'est un silence étonnant. En même temps, on lui a manqué de respect aussi, d'une certaine manière. Il n'a pas joué. Il fait la grève aussi.
Arnaud : Que dirais-tu à Laurent Blanc aujourd'hui ?
"Représente France 98" ! Il professionnalise l'équipe, il a pris Faccioli comme manager, c'est bien. Il a de l'expérience, je le connais bien. Il va tout gérer. Avec Blanc, Gourcuff va se sentir plus en sécurité - si c'était le problème.
Laszlo : La France peut-elle battre l'Afrique du Sud par au moins 4-0 alors qu'elle n'a pas encore inscrit de but depuis le début de la compétition ?
Non, mais on va espérer. Entre ce qu'on espère et ce qui est possible... Le monde du foot ressemble au monde des entreprises, des politiques. Le foot est dirigé par des gens qui sortent des grandes écoles. Il n'y a aucune mixité sociale. Il y a une révolution énorme à faire. C'est comme le monde du travail : les ouvriers travaillent, les footballeurs aussi. Mais ils n'accèdent pas à de plus hauts postes. Thuram est entré à la Fédération, mais on ne l'entend pas alors qu'il fait partie de cette instance. On n'entend pas non plus le syndicat des joueurs pour les défendre.
Alexis : Platini est président de l'UEFA quand même !