17 Octobre 2012
( Harry Durimel ).
La banane est une des rares productions agricoles d'exportation de la Guadeloupe. Et sa survie ne va pas sans efforts contre, notamment, les productions analogues d'Amérique centrale et d'Afrique, qui ne supportent ni les mêmes contraintes sociales, ni les mêmes impératifs de sécurité sanitaire.
Des imprudences commises dans les années 1990 ( c'est l'affaire du chlordécone, qui a empoisonné pour une longue durée, des terres cultivables en région Basse Terre ) rendent maintenant cette production agricole très sensible pour tout le monde, même si le grand public qui n'est pas aussi stupide que le croient certains politiciens démagogues n'est pas aveugle et sourd à leurs arrière-pensées.
Tout ce qui touche désormais au traitement des bananiers par des produits phytosanitaires suscite une certaine prudence pour les uns, méfiance pour d'autres, et même transes hystériques pour un petit nombre de "bons apôtres".
Pourtant les planteurs, grands, moyens ou petits le disent avec une force de conviction très grande et une argumentation persuasive : « sans ces traitements, notamment par voie d'épandage aérien, la banane guadeloupéenne ( et il en serait de même en Martinique ) disparaîtrait dans les six mois réduite à rien par les parasites ».
Un décret pris récemment par le préfet de la Guadeloupe avait autorisé l'épandage aérien, mais soulevé aussitôt les protestations les plus vives des milieux politiques liés au parti des verts, et de Maître Harry Durimel, leur leader. Une ordonnance du tribunal administratif de Basse Terre en date du 03 octobre 2012, était même allé dans le sens du mouvement écologiste ( Voir ci-dessous ).
Le préfet ( l'Etat ) a tenu compte des objections et inquiétudes. Il a publié il y a deux jours le communiqué suivant :
« La préfecture de la région Guadeloupe communique.
Modification de l'arrêté préfectoral n° 2012-811 du 13 juillet 2012 portant dérogation à l'interdiction d'épandage par voie aérienne des produits mentionnés à l'article L. 253-1 du code rural et
de la pêche maritime.
Le préfet de la région Guadeloupe a pris acte de l'ordonnance du tribunal administratif de Basse-Terre en date du 3 octobre 2012, suspendant la dérogation du 13 juillet 2012 qui encadrait la
pratique de l'épandage aérien de fongicides sur les bananeraies de Guadeloupe dans le cadre de la lutte obligatoire contre les cercosporioses du bananier.
Le juge administratif a considéré que l'adjuvant Banole ne pouvait être utilisé en épandage aérien en l'absence d'une évaluation spécifique pour cet usage.
En conséquence, un arrêté modificatif supprimant le Banole de la liste des adjuvants autorisés vient d'être signé.
Parallèlement, le préfet saisit le tribunal administratif sur le fondement de l'article L. 521-4 du code de justice administrative en lui demandant de mettre fin à la suspension qu'il a ordonné
le 3 octobre 2012 compte tenu de deux éléments nouveaux à savoir, d'une part, un courrier de ce jour de LPG indiquant qu'il est possible d'utiliser de l'eau à la place du Banole
comme adjuvant et, d'autre part, de l'arrêté du préfet qui modifie celui du 13 juillet 2012 en supprimant le Banole de la liste des adjuvants autorisés ». ( souligné par le
scrutateur ).
Ce communiqué, en dépit du fait qu'il tient compte des inquiétudes et des objections du Tribunal administratif, continue à soulever la colère, pour ne pas dire davantage, des opposants.
Pourtant, ce matin, sur RCI, un médecin, président d'une association spécialisée sur ces questions le docteur Mazen Fassih, qui s'était montré critique précédemment, a longuement commenté, dans un sens favorable, le nouvel arrêté préfectoral. Il souligne, d'un point de vue scientifique, l'innocuité de l'épandage aérien. Il insiste sur la nécessité de ces mesures prophylactiques, d'un point de vue , aussi, économique.
Que deviendrait ce secteur d'économie agricole, qui fait vivre plusieurs milliers de Guadeloupéens ( et de Martiniquais ) s'il venait à s'effondrer sous les coups de personnes plus intéressées peut-être par leur fond de commerce politique électoral que par l'avenir de leurs compatriotes.
Toujours sur la même radio, M. Harry Durimel intervient. C'est son droit, et peut-même, croit-il, son devoir. Ne le lui contestons pas.
Mais pourquoi Durimel s'exprime-t-il sur le ton de la colère et de l'indignation, comme s'il y avait quelque part un complot contre le « peuple guadeloupéen »?
Pourquoi parle-t-il de guerre, de trahison ( de la part du ministre Victorien Lurel ). Pourquoi ce vocabulaire politico-mélodramatico-militaire, tout à fait inutile dans ce genre de débat où sont en cause des questions de gestion de la vie quotidienne entre responsables économiques et politiques, dans un pays où en dépit de nos divergences « citoyennes » nous avons un Etat qui accepte, au moins sur ce genre de questions, des critiques, et se montre capable de reconsidérer certaines de ses positions? H. Durimel gagnerait , et la cause qu'il prétend défendre avec lui, à se montrer capable de passer du registre de l'indignation, de la colère, et de l'éructation, à celui de l'expression calme et démocratique.
Est-ce trop demander, dans l'intérêt de la Guadeloupe, et pour l'équilibre de nos nerfs, et ceux d'une population qui commence à ne plus être dupe et à murmurer « c'est quand on n'a rien à dire, que l'on crie le plus fort, et que, sans désemparer on adopte le pas de l'indignation".
Marc Decap.