1 Avril 2010
De l'importance du débat libre dans une société saine.
( Ce titre est du Scrutateur).
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« Identité nationale » et « Identité institutionnelle »
La France est devenue un pays où la pensée a été progressivement canalisée, uniformisée, stérilisée même. Des minorités, usant et abusant des bienfaits de la République, ont utilisé ses lois et sa justice pour multiplier les interdits, imposant ainsi leur propre pensée, condamnent les autres citoyens au silence ou à la langue de bois. Tout débat libre, purement intellectuel y est de fait proscrit. Il arrive alors que, bravant l’interdit, par une formule excessive ou provocante, une personnalité soulève un vrai problème. Le plus souvent, cette présentation inadéquate rend le débat impossible, et l’auteur de la saillie est rapidement cloué au pilori, sans autre forme de procès. On a vu ainsi un élu socialiste du terroir regretter que la presque totalité des joueurs d’un équipe de France de football soit d’origine africaine, alors qu’il aurait été plus adapté, à ses yeux, qu’il y eût plus de joueurs français d’origine européenne. Cette opinion lui a valu immédiatement d’être accusé de racisme, y compris par son propre camp; or il soulevait un problème issu d’un constat réel qui, dans ce contexte n’a pas été débattu. Il ne s’agit pas pour nous de minimiser le mécontentement des personnes de couleur, qui peuvent à juste titre se sentir ostracisés par des propos de ce genre; ni d’ignorer le sentiment d’injustice que peuvent ressentir les joueurs de haut niveau mis en cause, qui n’ont surement pas volé leur place en sélection. Mais si on fait abstraction de la formulation, deux questions sérieuses doivent être débattues à partir de ce constat : 1) Cette omniprésence des personnes originaire d’Afrique dans le sport de haut niveau traduirait-elle une extraordinaire supériorité de ces groupes humains dans le domaine sportif ? Évidemment non ! Il est clair par contre que ces personnes souvent issues d’une immigration récente sont particulièrement motivées, et visent souvent l’excellence dans ces disciplines pour profiter de la promotion sociale fulgurante qui en découle ; il n’existe aucune fatalité physiologique ; le rappeler en toute simplicité devrait permettre d’éviter que se constituent les rancœurs et jalousies qui se manifestent parfois contre les joueurs de couleur dans les tribune des stades, à hauteur de la prétendue supériorité physique qu’on leur attribue à tort. 2) La situation décrite force en tout cas à se poser la question suivante: à quoi sert le sport de haut niveau ? - s’agit-il d’un simple spectacle destiné au grand public (les jeux du cirque en quelque sorte) ?; dans cette hypothèse, seule compte la qualité de la prestation, la personnalité des acteurs ne compte qu’à hauteur ou il sont « vendeurs » face au public ; il ne leur est nullement demandé de faire preuve d’intégrité ni d’être exemplaires ou représentatifs. -s’agit-il d’une sphère réservée à quelques individualités exceptionnelles capable d’y exprimer leur niveau de motivation, la qualité de leur travail, la bonne mise en valeur de leurs qualités physiques ? dans un cadre aussi étroit, le coté «spectacle» devient accessoire ; c’est un peu le cas du sport amateur « pur et dur »; cela ne correspond évidemment pas à la réalité du football de haut niveau - ne s’agirait-il pas plutôt d’une activité plus subtile, combinant certes le spectacle et l’expression de valeurs individuelles et collectives, mais dont le but ultime serait d’intéresser et de galvaniser toute la jeunesse du pays afin de canaliser son énergie vers des activités saines et sportives ? Cette acception du sport de haut niveau, qui semble la plus conforme aux réalités actuelles, indique sans ambiguïté que le problème posé est réel, et qu’un effort de recrutement des sportifs de pointe doit être fait dans tous les groupes humains du territoire, pour garantir cet effet d’entraînement général de la jeunesse. Dans le même ordre d’idée, un député de la majorité se plaignait qu’une romancière, lauréate d’un prestigieux prix littéraire, ait enfreint ce qu’il appelait un «devoir de réserve» en vilipendant les plus hautes autorités de l’état lors d’une interview faisant suite à la cérémonie littéraire. Cette observation a soulevé l’indignation d’une part notable du monde des lettres, soucieux de réaffirmer «la liberté d’expression» de ses membres, quitte à présenter le malheureux député en cause comme un dangereux adversaire de l’expression démocratique. Or ce n’était pas le problème posé, et une fois de plus, le débat nécessaire a été esquivé ; le député en question ne faisait que traduire -maladroitement- la gêne ressentie par tous lorsqu’une personne devenue célèbre au titre d’un évènement spécial (écriture d’un beau livre, réussite d’un belle prestation au football) bénéficie dans ce cadre d’un accès privilégié à la presse, et qu’elle en profite pour s’y épancher sur des thèmes hors sujet, politiques en particulier. Ces personnes ont évidemment le droit d’avoir des opinions politiques tranchées et de les exprimer à tout niveau qu’elles jugent utiles ; mais le faire dans la situation particulière décrite ci-dessus, constitue évidemment un abus, voire une escroquerie morale ; c’est comme si un curé montait en chaire le jour de la messe pour régler des comptes personnels. Toute cette longue introduction m’amène à parler de la désignation par le Président de la République de Jeannette Bougrab comme candidate à la présidence de la HALDE en lieu et place de Malek Boutih ; cette désignation a eu pour conséquence immédiate de mettre un terme à la polémique soulevée par le Président du groupe UMP au Sénat et accessoirement de signifier la fin d’une stratégie présidentielle d’ouverture à tout va. Mais elle ne répond pas aux vraies questions posées implicitement par Gérard LONGUET. Il ne s’agissait pas, comme on a tenté de le faire croire, de la personne de Malek Boutih, qui, au-delà des engagements politiques, a déjà rempli diverses fonctions délicates avec mesure et discernement, ce qui l’aurait rendu parfaitement éligible à ce type de responsabilité: mais alors, il aurait fallu le nommer sur ce seul critère, sans la moindre mention à ses origines, ce qui aurait eu peu de chance de passer sans commentaires mal venus. -donner matière à croire, ou dire qu’un critère discriminatoire – fût-il positif- ait pu être retenu pour désigner le président de la HALDE affaiblirait considérablement le message même de cette institution, -de surcroît, est-il adapté de confier ces fonctions à une personne impliquée par définition dans le problème à traiter ; quelles que soient ses qualités elle devra subir en permanence le soupçon de partialité ; elle sera accusé de manque de recul ; il lui sera toujours reproché, de ce fait, d’en faire trop ou pas assez ; une telle nomination risquerait donc de n’être ni efficace, ni réellement profitable au « bénéficiaire » A titre d’illustration si nous autres antillais sommes chaque fois flattés de voir l’un des nôtres nommé ministre, force est de reconnaître que le poste de ministre de l’outremer constitue un redoutable piège pour un domien, entre le risque de tomber dans une partialité assumée en faveur de son ile d’origine, ou celui de subir des soupçons systématiques sur ce thème. Et puis, si on commence par sélectionner qui est d’origine magrébine, africaine ou chinoise pour tel ou tel poste, que restera-il de l’identité nationale dont on prétendait faire un thème fort de débat en cette bonne terre de France ? L’identité nationale, justement ! Parlons-en ! Etre en déplacement professionnel à Avignon, et prendre le temps de visiter le Palais des Papes. Se retrouver sur le pont d’Avignon, avec d’autres français venus des quatre coins de France, (Outre-mer inclus). Tous venus, peu ou prou, pour avoir, dansé dans leur enfance « tous en rond, sur le pont d’Avignon ». Se précipiter sur les routes à la recherche du « Moulin de Daudet » dont on vient d’apprendre qu’il n’est pas loin. Avec pour seul motivation de se remémorer les vacances d’été de son enfance régulièrement passées dans la petite maison familiale de Saint-Claude en Guadeloupe. De se revoir assis autour de la longue table de la salle à manger où, après une lecture paternelle, chef d’œuvre de diction, d’intonation et de ponctuation, la fratrie réunie se livrait à la dictée journalière généralement extraite des « Les lettres de mon moulin ». Arrêter son véhicule dans une station service et demander son chemin à une charmante pompiste qui se livre à forces explications sur Daudet, son moulin et ses lettres, pour finir par vous avouer, d’un air penaud, qu’elle n’a jamais vu ce moulin. Voilà quelques effets visibles et parlants de ce qu’on peut appeler l’identité nationale. Et la vraie question est la suivante: qui est capable et qui ne l’est pas, aux quatre coins de France, de partager de tels rencontres, à propos d’un petit bout de territoire, d’un morceau de littérature, d’un récit, historique ou non, passé à la postérité ? En tout état de cause, un étranger d’origine qui aspire sincèrement à cette communion pour lui-même et pour ses enfants a déjà un cœur français. A l’époque des rois, la France était un «agrégat inconstitué de peuples désunis », divisés par les langues multiples qui étaient en usage, par les monnaies diverses, par les unités de mesure disparates…C’était en fait l’allégeance séculaire à un même souverain et à une même dynastie qui faisait l’unité du pays. Après la révolution française, il est très vite apparu que cette diversité pouvait être un facteur de désagrégation; la République s’est alors progressivement attachée à mettre en place des outils communs (monnaie, mesures, subdivisions administratives et politiques, éducation, armée…) et à donner une vision de l’histoire de France capable de réunir tous les groupes humains du pays, y compris, à terme, les tenants de l’ancien régime. Et si ce que l’on appelle aujourd’hui «l’identité nationale » était tout simplement le savoir commun ainsi que l’imaginaire et les espoirs partagés, tels qu’ils sont de longue date dispensés dans le creuset de la bonne vieille école républicaine libre ou laïque; pour peu qu’elle continue à remplir efficacement son rôle, sans être déstabilisée par des chimères idéologiques, aucun communautarisme ne lui résistera, sauf à laisser persister de sympathiques particularismes, comme on en rencontre encore aujourd’hui dans chaque région de France.
Et pourquoi, nous, français des départements de la France d’Outre-mer,
tenons-nous tellement à rester dans le droit commun institutionnel et à nous appuyer sur ce dispositif pour préserver notre identité franco-guadeloupéenne, guyanaise, martiniquaise ou
réunionnaise ? Pour y répondre, personne ne peut le faire, mieux qu’Aimé Césaire, venu le 12 mars 1946, devant l’Assemblée Constituante, pour présenter son Rapport sur la
départementalisation Outre-mer. Cette œuvre culturelle, historique, littéraire devrait être lue et relue par tous ceux qui veulent comprendre ce que veut dire pour nous le terme de
départementalisation. Des mots comme « assimilation » et « intégration » qui ont été politisés, dénaturés, affublés de sombres connotations par les mouvements
indépendantistes, étaient a lors brandis par un Aimé Césaire dans la plénitude des ses capacités intellectuelles et de sa lucidité politique,
et affranchi de toute pesanteur politicienne, comme seules clés possibles de l’égalité civique, sociale et finalement identitaire.
« Mesdames, messieurs,
Tels sont, mesdames et messieurs, l’esprit des projets
d’assimilation qui vous sont proposés. Du Président de la République, au simple citoyen, tous ceux qui veulent toucher au statut de département d’Outre-mer devraient méditer ces phrases historiques.
Amédée ADELAIDE
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