6 Juin 2010
Afrique : Quelque chose ne tourne pas rond chez nous.
Le professeur Mathurin Houngnikpo.
( L'hebdomadaire Valeurs Actuelles qui est sans doute actuellement le meilleur hebdomadaire français publie dans son édition du 3 au 9 juin un important dossier sur l'Afrique. Nos lecteurs voudront bien s'y référer pour une lecture exhaustive. On peut y lire entre autres déclarations atterrées de spécialistes africains du continent du professeur Cheik Anta Diop ce propos de M. Mbembé consterné par cet « irrépressible désir, chez des centaines de millions d'individus, de vivre partout ailleurs que chez eux : le désir généralisé de défection et de désertion ».
On lira ci-dessous l'entretien accordé à Valeurs Actuelles par le professeur Mathurin Houngnikpo qui remet certaines pendules à l'heure :
Entretien. "Quelque chose ne tourne pas chez nous..."
Directeur au Centre d'études stratégiques de l'Afrique de la National Défense University de Washington, le professeur béninois Mathurin Houngnikpo s'est confié à notre rédaction.
Vous réjouissez-vous de ce cinquantenaire des indépendances ?
Les promesses des indépendances n'ont pas été tenues, loin de là. Nous avons même régressé. Même ce que la colonisation nous a laissé n'a pas pu être géré. Quand je vois tout ce gaspillage... Li nouvelle génération rcprésenre-t-dk: un espoir ? Elle a reproduit les mêmes erreurs que la précédente, sinon pires, sans en tirer les leçons. C'est la catastrophe. Les Africains doivent réapprendre à se parler, à partager le gâteau sans le réserver à quelques-uns. Ce qui me désole, c'est d'entendre encore des discours qui nous renvoient cinquante ans en arrière.
Lesquels ?
Ceux qui rejettent la responsabilité de tout sur l'ancien colonisateur : « Ce sont les Belges qui... La faute des Français, des Anglais. .. » Un enfant de 50 ans qui continue de blâmer ses parents me choque. Il faut arrêter et dire qu'on n'a rien fait et qu'on s'est appauvri. On oublie que l'Indonésie ou la Malaisie étaient aussi des colonies, jusqu'au début des années soixante. En 1962, le président de la Malaisie était même venu en Côte d'Ivoire demander au président Félix Hou-phouët-Boigny un plant de palmier. Aujourd'hui, les Malaisiens sont les premiers producteurs mondiaux d'huile de palme.
Alors ? Il y a quelque chose chez nous qui ne tourne pas, qu'il faut revoir. Le ver est dans le fruit. Il faut changer de paradigme, comme je le dis dans mon prochain livre, Pour un envol effectif (chez L'Harmattan). Il faut remettre la notion de honte en nous !
De honte ?
Nous devons apprendre à avoir honte pour mieux faire notre examen de conscience. Il faut savoir assumer ses erreurs.
Une initiative comme le Nepad (Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique) n'est-elle pas encourageante ?
Ce n'est pas sérieux. On trompe les gens. Par exemple, avons-nous vraiment besoin de l'extérieur pour assurer notre sécurité ?
Il semblerait que oui...
C'est parce qu'en Afrique les gens n'ont pas la probité qu'il faut. On aimerait savoir qui fait quoi, avec quel argent. Le défi du développement dans la sécurité n'a pas été relevé comme on l'aurait pu. Longtemps, on nous a cité le Sénégal, le Botswana, l'île Maurice. Aujourd'hui, en dehors de l'île Maurice, que reste-t-il ? Propos recueillis par Frédéric PONS. www.africacenter.org