jeudi 14 juin 2012
Suite aux élections calamiteuses où le parti communiste réunionnais vient de subir une déroute monumentale (il n'aura aucun élu dans les sept circonscriptions de l'île) le secrétaire général du PCF, Elie Hoarau (arrivé 3ème avec 15,48% !) dans son fief traditionnel derrière le socialiste (élu au premier tour) et l'UMP, a publié le texte suivant qui vaut son pesant d'or politique.
Il faut dire que la déculottée a été rude et même humiliante : Huguette Bello, militante historique du parti communiste réunionnais qu'on avait fini par pousser hors du PCR et qui se présentait comme "divers gauche", venait d'être mise à la porte, pour avoir refusé de quitter sa circonscription pour une autre qu'on voulait lui imposer ; elle a été triomphalement élue au premier tour avec plus de 67 % des voix (record de France non?), tandis que Pierre Vergès, fils de Paul Vergès l'inamovible patron du PCR, n'a même pas atteint 2,5 % des suffrages à Saint-Denis où il s'était présenté. C'est dire l'ampleur du désastre.
Un peu de gaieté toutefois du côté du PCR avec ce courrier d'Elie Hoarau à E. Fruteau qui vaut son pesant d'or politique. Je reproduis ci-dessous l'intégralité du texte (Comment en changer un mot ?) en y ajoutant quelques notes de mon cru pour ne pas en détruire le superbe ordonnancement et la magnifique réthorique stalinienne.
"Cher camarade,
J’ai été surpris[i] de lire dans la presse des propos qui te sont attribués selon lesquels, en tant que militant de base, tu attaques les décisions de la direction du Parti. Tu reproches également à notre direction un manque d’écoute. Tu dis aussi que tu poses le problème du fonctionnement du PCR[ii] depuis 2008. Enfin, tu prêtes à d’autres militants la remarque selon laquelle la direction du Parti aurait soutenu —ce qui est absolument faux— une autre candidature que la tienne, ce qui eut pour effet de te priver de second tour.
De tels propos sont extrêmement graves et m’affectent beaucoup. Je te rappelle que ta candidature a été proposée par l’Assemblée extraordinaire de
Sainte-Suzanne, forte de 1.500 délégués dont tu faisais partie. Étant engagé dans une difficile bataille dans le Sud, j’ai réussi malgré tout à me rendre disponible pour chacune de tes
sollicitations, et en particulier lors du lancement de ta campagne. Je remarque également que si tu avais le plein soutien du PCR, de ses militants et de sa direction, tu n’as jamais
voulu de ta propre initiative te présenter comme un candidat du PCR. C’est Témoignages qui a fait connaitre que tu étais le candidat communiste dans ta
circonscription.
Enfin, pour le supposé manque de
dialogue[iii], je te rappelles qu’il existe au sein du Parti
communiste réunionnais des instances propres au débat. Ce sont le Comité central, la Conférence des secrétaires de section et le secrétariat. Or depuis ta nomination au secrétariat du
Parti, tu ne t’es jamais rendu disponible pour y participer.
Avoue que le dialogue est plus facile et plus fraternel au sein des instances légitimes du Parti que par voie de presse. En conclusion, en tant que secrétaire général de notre organisation, je prendrai ma part de responsabilité dans les enseignements que nous aurons à tirer des évènements passés et en cours. Mais il est tout aussi clair que personne n’échappera à ses responsabilités et à son autocritique dans la procédure de refondation que nous avons entamée le 19 février dernier à Sainte-Suzanne. Cette recherche de responsabilité nous concerne tous.
Fraternellement[iv], Elie Hoarau"
[i] Commençons par une note plaisante car les autres le seront moins. Comme aurait dit M. Littré, l'auteur de cette note n'a pas été "surpris" mais "étonné" par sa lecture. On se souvient, en effet, que M. Émile Littré, surpris au lit avec la bonne par Mme Littré revenue inopinément au logis, lui avait fait remarquer, en bon lexicographe, comme elle se déclarait surprise par cette scène, « Non point Madame, c'est nous qui sommes surpris, vous êtes étonnée ! ».
[ii] Le PCR a subi dans ces élections législatives, au terme d'un long processus de dégradation, dont les signes sont aussi nombreux qu'évidents, la plus sévère défaite de son histoire. En revanche, il avait fait, il y a peu, une belle opération en faisant inscrire au patrimoine mondial de l'UNESCO un " PCR" réunionnais ("Pitons, cirques, remparts", termes géographiques du français régional local), mais sans préciser bien entendu, dans le dossier de présentation, que, pour tout Réunionnais, PCR ne veut dire que "Parti Communiste Réunionnais" ; c'est ce qui explique, bien entendu, que, fort heureusement, n'ait pas été proposé comme acronyme "CRP" ou "RCP"!
[iii] On observe que, tout au long de ce texte, on ne cesse de souligner le caractère totalement démocratique des discussions au sein du PCR et de dénoncer comme absolument infondées les critiques qui ont pu être faites concernant le fonctionnement du PCR et qu'illustre par ailleurs, à merveille, le cas d'Huguette Bello ; tout cela ne date évidement pas de 2008 et il suffit à cet égard d'écouter les propos ou de voir les choix de beaucoup d'anciens dirigeants du parti communiste réunionnais.
[iv] On s'étonne (sans être surpris !) du ton et des protestations multiples de "franche camaraderie" dont le point d'orgue est atteint dans la conclusion, où l'on passe carrément du discours de "camarade" à un "fraternellement" que dément tout ce qui précède. On croyait le temps de l'"autocritique" et du stalinisme révolu ; il n'en est rien ; il se perpétue dans ce Jurassic Park politique et mental qu'est le PCR réunionnais