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Le Scrutateur.

Blog destiné à commenter l'actualité, politique, économique, culturelle, sportive, etc, dans un esprit de critique philosophique, d'esprit chrétien et français.La collaboration des lecteurs est souhaitée, de même que la courtoisie, et l'esprit de tolérance.

L'écologisme n'est pas ce que l'on croit, par Edouard Boulogne.

L'écologisme n'est pas ce que l'on croit.

( L’écologie n’est pas seulement le souci de la propreté du milieu où l’on vit, de la recherche d’une bonne politique de l’environnement, propice à la santé et au bien vivre des êtres humains. Trop souvent les partis politiques, ou les associations écologistes jouent de l’ambiguïté d’un terme qui veut dire aussi tout autre chose et se dégrade en idéologie extrémiste et dangereuse, que l'on  appellera l’écologisme, qu’à la suite du philosophe Luc Ferry et de quelques autres je tente d’analyser ci-dessous comme annoncé la semaine dernière.
Les images illustrant cet article représentent la couverture du livre de Luc Ferry, l'affiche d'un film récent consacré à Hitler, ce grand écologiste, et enfin la photographie d'une "rave party", cette tentative de  réintégrer la nature, en deça des créations de toute civilisation). 

                      ===================

    Le philosophe Marcel de Corte a parlé d’un « pacte nuptial » entre l’homme de jadis et la nature, d’une amitié entre eux qui a été rompue dans la vie moderne. Nous étions accordés avec l’univers, en continuité  avec la nature. Le poète a traduit cette connivence de l’homme et de son milieu en des vers célèbres :

    «La nature est un temple où de vivants piliers
    Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
    L’homme y passe à travers des forêts de symboles
    Qui l’observent avec des regards familiers ».

Plus près de nous, St-Exupéry dans sa célèbre Lettre au général X a décrit ce monde de jadis, si lent, si calme : « En automne 1940, de retour d’Afrique du Nord (…) j’ai découvert la carriole et le cheval. Par elle, l’herbe des chemins, les moutons et les oliviers. Les oliviers avaient un autre rôle que celui de battre la mesure derrière des vitres à 130 kilomètres à l’heure. Ils se montraient dans leur rythme vrai qui est de lentement fabriquer des olives. Les moutons n’avaient pas pour fin exclusive de faire tomber la moyenne. Ils redevenaient vivants. Ils faisaient de vraies crottes et fabriquaient de la vraie laine. Et l’herbe aussi avait un sens puisqu’ils la broutaient ».
    Ce monde traditionnel n’est plus, du moins en Occident, rongé, laminé écrasé par les valeurs modernes de rapidité, efficacité, productivité. Il faut se garder d’idéaliser le passé. Je ne suis guère un dévot des mythes de l’âge d’or, plutôt porté sur ce point au persiflage voltairien.
Mais enfin, il faut le dire, l’ordre traditionnel, consolidé par les siècles, sans parler de son charme, soudait, liait les hommes entre eux, donnait un sens à la vie et à la mort. Son érosion, sa fracture tout au long de ce 20ème siècle  laisse beaucoup d’orphelins désemparés. En cette fin de siècle, l’homme a peur. Le marxisme s’est heureusement désintégré, mais il laisse des millions d’hommes sans repères moraux et politiques, et l’Eglise catholique elle-même, qui passe par une crise d’identité, s’étant après le concile Vatican 2 trop souvent repliée  dans la sphère d’action politico-sociale au détriment du domaine métaphysique et spirituel, n’échappe pas à l’érosion générale des valeurs de l’esprit qui caractérise notre civilisation de grande consommation, de haute technicité, et de gadgets. Dieu semble absent, et beaucoup croient entendre, s’adressant à eux, la voix du Zarathoustra de Nietzsche au danseur de corde, mort : «  sombre est la nuit, sombres sont les voies de Zarathoustra. Viens, compagnon rigide et glacé ! Je te porte à l’endroit où je vais t’enterrer de mes mains ».
    On le pressent, c’est une telle situation, une telle ambiance qui engendrent sans doute, chez tant de nos contemporains décidés à s’accrocher à tout prix à n’importe quelle planche de salut, l’énorme engouement pour les sectes qui prolifèrent. C’est le terrain idéal pour la poussée rapide et en puissance des idéologies, par exemple du mouvement écologiste, plus précisément de la « deep ecology », de l’écologie profonde, qui nous vient d’Amérique.

(1) Le nouvel ordre écologique.

C’est à l’écologie que Luc Ferry, philosophe, professeur d’université, consacre un livre intéressant, parfois discutable Le Nouvel ordre écologique (éditions Grasset). Plus précisément, c’est moins l ‘écologie, science étudiant les relations des êtres vivants entre eux et avec leur milieu, que l ‘écologisme (idéologie politico-morale qui se développe autour de l’écologie), qu’analyse et critique monsieur Ferry.
    Cette idéologie est née et s’est développée en Amérique, elle a gagné l’Allemagne où elle est puissante, et tend à se développer ailleurs, notamment en France.
    Le livre de Luc Ferry tombe à point, puisque les mouvements écologistes font beaucoup parler d’eux en France, dans une assez grande ignorance du public, en ce qui concerne leurs postulats idéologiques et leurs objectifs réels.
    L’écologiste en effet passe pour un rêveur, peut-être, mais en tout cas bien sympathique, et nous projetons sur lui nos inquiétudes devant les détériorations subies quotidiennement par notre bonne vieille Terre. Un écho sur le trou de la couche d’ozone, un reportage télévisé sur l’inconcevable irresponsabilité des Russes dans leur base atomique de Mourmansk, et la côte des « partis verts » s’envole dans les sondages. D’autant plus que les Verts bénéficient souvent du vote « protestataire » de ceux que révulsent les partis politiques traditionnels. A cet égard un Weachter plus « pur » bénéficie même, chez certains, d’une côte d’amour plus élevée que celle d’un Brice Lalonde, perçu comme plus « politique ».
    Rien n’est simple pourtant, et Luc Ferry montre que Lalonde, quels que soient ses défauts et ses limites, est un écologiste environnementaliste. Son action pour l’environnement n’est pas entachée de superstition naturaliste ; elle est conçue en fonction de l’homme, de ses intérêts, de son agrément. Il s’agit donc d’un « écologisme humaniste ». L’analyse des textes de Waecter le montre bien plus proche, malgré son allure très boy scout, de l’idéologie plus qu’inquiétante de la « deep ecology », de l’écologie profonde.

(2) L’humanisme anthropocentrique de la modernité.

Luc Ferry commence par évoquer le rapport de la nature à l’homme traditionnel. C’est une vision cosmique, animiste, magique, de l’univers. Celui-ci est perçu comme un « grand vivant ». Il n’est pas rare, par exemple, rappelle l’auteur, qu’au moyen âge, des archives judiciaires nombreuses le l’attestent, on juge des animaux. Ainsi, par exemple en 1497 : « »Aux environs de la ville de Coire, il y eut une irruption subite de larves à tête noire, à corps blanc, de la grosseur du petit doigt(…) qui atteignent les racines, y plongent une dent meurtrière(…). Les habitants firent citer ces insectes destructeurs devant le tribunal provincial (…). Finalement, le juge considérant que lesdites larves étaient des créatures de Dieu, qu’elles avaient le droit de vivre, qu’il serait injuste de les priver de subsistance, il les relégua dans une région forestière et sauvage, afin qu ‘elles n’eussent plus désormais prétexte  de dévaster les fonds cultifs . et ainsi fut fait ».
    C’est en réaction contre une telle conception animiste et magique de l’univers que se développe au 17 ème , Descartes en est le théoricien le plus connu, la réaction d’un vaste mouvement scientifique et philosophique, le mécanisme. La nature est désormais exorcisée, désanimée, réduite à l’étendue géométrique et au mouvement local. Tout l’univers s’étale, soumis à l’inspection froide de la raison mathématique. Il est considéré comme une machine. Et, non seulement les minéraux et végétaux, mais les animaux eux-mêmes sont pensés comme des machines. "« Je sais bien, écrit Descartes, que les bêtes font beaucoup de choses mieux que nous, mais je ne m’en étonne pas, car cela même sert à prouver qu ‘elles agissent naturellement et par ressort, ainsi qu’une horloge qui montre mieux l’heure qu’il est que notre jugement. Et c’est sans doute lorsque les hirondelles viennent au printemps qu’elles agissent en cela comme des horloges ».
    Cette nouvelle mentalité tend à substituer le modèle de l’ingénieur qui modèle et transforme la nature à celui du philosophe qui cherche à comprendre. C’est Descartes encore qui traduit ce changement de mentalité dans son célèbre Discours de la méthode : «  au lieu de cette philosophie spéculative qu’on enseigne dans les écoles, on en peut trouver une pratique par laquelle, connaissant la force et les actions du feu, de l’eau, de l’air, des astres, des cieux et de tous les autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les pouvions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres, et ainsi nous rendre maîtres et possesseurs de la nature ».
    L’homme ingénieur, mathématicien, qui rapporte tout à lui, instaurateur d’un humanisme anthropocentrique (qui met l’homme au centre du monde) est l’objet de l’aversion incoercible de l’écologisme profond.
    Des penseurs nombreux, et du premier rang, sans nier le génie de Descartes ont pu critiquer la dérive anthropocentrique qui se réclame de lui, d’un point de vue chrétien. Ainsi pour s’en tenir à notre époque : Robert Aron, Gabriel Marcel, Emmanuel Mounier, Jacques Maritain. Ce dernier écrit Humanisme intégral où l’exaltation de l’homme est subordonnée à l’amour de Dieu. L’humanisme intégral est théocentrique (centré sur Dieu), respectueux de la création, d’un ordre transcendant voulu par Dieu.
    Tel n’est pas le cas de l’écologisme profond. Réactif, il ne veut connaître l’homme que rabaissé, plus exactement réintégré dans la nature, objet parmi d’autres, pas nécessairement le plus utile ni le plus sympathique.

(3) L’écologie profonde.

Assigner des animaux au tribunal, les considérer donc comme responsables et sujets de Droit, c’est superstition, pensera-t-on, « obscurantisme médiéval » ! Que nenni ! Jugez plutôt. Aux USA, en 1970, le service des eaux et forêts délivre aux entreprises Walt Disney un permis d’installer une sorte de Disneyland. C’est alors que le « Sierra Club », puissante association d’écologistes américains, porte plainte au motif que l’esthétique et l’équilibre naturel risquent d’être détruits. Plainte rejetée par la Cour, les intérêts du Sierra Club n’étant pas lésés directement par le projet. C’est alors qu’un universitaire célèbre aux USA, le professeur Stone rédige un article, prélude de tout un projet de législation, dans lequel il propose « de façon tout à fait sérieuse que nous attribuions des droits légaux aux forêts, aux océans, aux rivières et à tous ces objets qu’on appelle  « naturels » dans l’environnement tout entier ». Il s’agit pour lui de faire en sorte que la Cour considère le parc comme une personne juridique, comme une entreprise peut l’être. Depuis 1970, de telles idées ont notablement progressée dans l’opinion publique américaine. Le temps de la reconnaissance du droit des arbres ou des pierres serait venu, après « »celui des enfants, des femmes, des noirs, des indiens, voire des prisonniers ou des fous » (sic).
    En France même, ces idées avancent, et Marie-Angèle Hermitte voit d’un bon œil, dans un article d’une œuvre collective très sérieuse, les précédents par lesquels on «  fait d’une zone, choisie en fonction de son intérêt comme écosystème, un sujet de droit, représenté par un comité ou une association chargée de faire valoir son droit sur lui-même, c’est-à-dire son droit à rester en l’état ou son droit à retrouver un état supérieur ».
    Luc Ferry insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas là  de marginaux hurluberlus, mais de personnalités connues disposant du puissant appui de groupes de pression importants.
    La justification intellectuelle d’une telle idéologie semble bien être l’utilitarisme anglo-saxon qui peut être résumé ainsi : « une action est bonne quand elle tend à réaliser la plus grande somme de bonheur pour le plus grand nombre possible de personnes concernées par cette action. Elle est mauvaise dans le cas contraire ». Dans cette perspective, l’Australien Peter Singer précise que la capacité de souffrir ou de ressentir du plaisir conditionne le respect que nous devons apporter aux intérêts des autres, « il serait arbitraire de fixer cette limite au moyen d’une autre caractéristique telle que l’intelligence ou la rationalité ». (in La libération animale, éditions Grasset).
    L’enjeu du débat est clair. Il s’agit pour la « deep ecology »  de dissoudre l’humanisme traditionnel. L’homme ne serait plus seul sujet de droit, mais aussi, et d’abord, la nature, la biosphère, l’écosphère. L’homme est d’ailleurs, par ses actions souvent désordonnées, un danger pour cette biosphère, et il faut prévoir des moyens de l’empêcher de nuire.

(4) Aberrations et mauvais souvenirs.

Cette naturalisation de l’homme que Luc Ferry décrit fort bien, et minutieusement, est promue par de puissants groupes de pression. Elle est lourde de menaces pour l’humanité et constitue  certainement une polluyon intellectuelle aussi redoutable pour celle-ci que les pollutions classiques que l’on prétend dénoncer.
        Deux leaders du groupe, Arne Naesse, et Georges Sessions ont eux-mêmes condensés en huit points principaux cette idéologie. On peut y lire notamment, il faut peser chaque mot : "L’épanouissement de la vie et de la culture humaine est compatible avec une diminution substantielle de la population humaine. L’épanouissement de la vie non humaine requiert une telle diminution ".(sic !).
    Pourtant ces amoureux des arbres, des pierres, et des animaux sont pour l’avortement thérapeutique des bébés, pour l’eugénisme et l’euthanasie. Peter Singer écrit dans l’ouvrage cité ci-dessus : «  Nous pouvons logiquement soutenir qu’il y a certaines caractéristiques de certaines créatures qui donnent plus de valeur à leur vie qu’à celle d’autres créatures : mais il y aura certainement, quels que soient nos standards, des animaux non humains dont la vie aura plus de valeur que celle de certains humains. Un chimpanzé ou un cochon aurait par exemple, une conscience plus aiguë de soi et une capacité plus grande de nouer des liens que n’en aura le nourrisson gravement arriéré ou l’individu dans un état de sénilité avancée » (sic).
    Nos écologistes sont aussi pour la planification autoritaire des naissances, et William Aiken, dans une publication de grande réputation, écrit tranquillement : "Une mortalité humaine massive serait une bonne chose. Il est de notre devoir de la provoquer. C’est le devoir de notre espèce vis à vis de notre milieu, d’éliminer 90 %  (sic) de nos effectifs ".
    A cet égard, Luc Ferry a eu tout à fait raison dans son chapitre très suggestif sur le nazisme, de rappeler que le régime hitlérien dans les années 1933 à 1935 avait élaboré une législation écologiste qui préfigurait presque  en tous points celle que nous venons d’évoquer. On peut dans ces textes, lire notamment : "Le peuple allemand possède depuis toujours un grand amour pour les animaux, et il a toujours été conscient des obligations éthiques élevées que nous avons envers eux ".
    Pendant ce temps les trains chargés d’hommes roulaient vers les camps. Nuit et Brouillard.

(5) L’homme seul est sujet de droit.

L’auteur cependant ne critique pas seulement, il prétend montrer, ceci avec raison, pourquoi l’homme seul est sujet de droit.
    Luc Ferry se réclame de Rousseau, de Kant, et de la philosophie des lumières. Il revendique pour sa part un « humanisme laïc et républicain ».
    Ce qui différencie l’homme du reste de la nature, plus que la raison c’est la liberté. L’animal est tout fait dès sa naissance, enfermé dans sa nature, son patrimoine génétique. L’homme, au contraire, est indéterminé, malléable, ouvert sur un nombre indéterminé de possibles.
        Luc Ferry, dans la lignée de Sartre, refuse la notion de nature humaine ; l’homme à ses yeux est l’être d’anti nature par excellence. «  Son humanitas, écrit-il, réside dans sa liberté, dans le fait qu’il n’a pas de définition, que sa nature est de ne pas avoir de nature, mais de posséder la capacité de s’arracher à tout code où l’on prétendrait l’emprisonner ».
    C’est cette liberté qui permet à l’homme d’élaborer des lois, des usages, des coutumes, des cultures, des civilisations, une histoire ; contrairement à l’animal qui n’évolue pas. Ayant construit une civilisation, élaboré une histoire, l’homme est encore capable de s’en distancier, de les juger, réformer, refuser, révolutionner. L’homme est donc liberté car, à la différence de l’animal, qui est de part en part soumis au code naturel de l’instinct propre à son espèce plus qu’à son individualité, les êtres humains ont la possibilité de s’émanciper, voire de se révolter contre leur propre nature ».
    On voit dès lors clairement pourquoi les êtres de nature ne peuvent être sujets de droit, c’est que « la nature n’est pas un agent, un être susceptible d’agir avec la réciprocité qu’on attend d’un alter ego juridique. C’est toujours pour les hommes qu’il y a du droit, pour eux que l’arbre ou la baleine peuvent devenir les objets d’une forme de respect liée à des législations, non l’inverse ».

(6) Limites de l’ouvrage.

Toutefois, excellent pour analyser, critiquer et démystifier l’écologisme profond, la pensée personnelle de Luc Ferry présente, me semble-t-il, quelques lacunes dans son apport positif, quand il s’agit de caractériser l’homme. Il se refuse à lui reconnaître toute nature, toute essence (cf par exemple à la page 46).
    L’homme peut-il se caractériser par la seule liberté, sa capacité « d’anti nature » ? Les références de Ferry sur ce point, à Simone de Beauvoir, à Elizabeth Badinter, à Sartre surtout sont bien révélatrices.
    Qu’écrit Sartre sur ce point : L’homme tel que le conçoit l’existentialiste, s’il n’est pas définissable, c’est qu’il n’est d’abord rien. Il ne sera qu’ensuite tel qu’il se sera fait. Ainsi il n’y a pas de nature humaine, puisqu’il n’y a plus de Dieu pour la concevoir » (in L’existentialisme est un humanisme, P.22).
    L’homme est-il donc un pur esprit, un ange, n’a t-il pas un corps ? On reconnaît là les limites d’une certaine philosophie universitaire française qui n’aime pas le réel lorsque celui-ci contraint l’homme à admettre sa condition de créature, dans une création dont il n’est pas l’auteur. Une philosophie d’abord et avant tout athée, voire antithéiste (la pensée de Sartre est à cet égard L’homme en accusation particulièrement explicite), celle-là même que Ferry qualifie d’humanisme « laïc et républicain ».
    Autrement plus intéressante est l’analyse d’un grand biologiste, Pierre-Paul Grassé, dans un livre de philosophie générale sur ces questions : L’homme en accusation, (Editions Albin Michel). Il y a une nature humaine démontre cet auteur : « Comment peut-on nier l’existence de notre nature ? Elle nous étreint, elle nous saisit de partout. Elle imprègne nos actions et parfois limite notre liberté. Elle commande, par le biais psychologique, notre anthropomorphisme dont nous ne pouvons nous dépouiller même si nous soutenons qu’il n’existe pas (…) ; substituer la culture à la nature induit à faire sortir le fruit non de l’arbre, mais des circonstances extérieures, ce qui est une absurdité. Dans ce genre d’interprétation, l’Homme cesse d’ailleurs d’exister en tant que réalité biologique(…). En reniant sa nature, l’existentialiste athée se leurre, car il n’est pas en son pouvoir de changer l’ordre des choses. Sans la nature humaine, la culture humaine n’existe pas », etc (Cf L’homme en accusation, pp 201-202).
M. Ferry parle sympathiquement de la nécessité «  de construire un univers proprement humain ». Mais selon quels critères de l’humain ?  Ceux de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ? C’est un peu court. Comment ignorer que ladite Déclaration est en son fond athée ? Que pour elle le fondement du droit et de la morale est la Volonté Générale, hors de toutes références  à une vérité transcendante, à un code de valeurs à prétention (justifiée ou non, c’est un autre problème) universelle et permanente.
    Que si l’on refuse cette référence à un ordre vrai et universel, transcendant, accessible par la raison, il y a autant de définitions de l’homme que de cultures, voire d’individus, et que leur imposer « l’humanisme laïc et républicain » est injustifiable et relève d’une vision ethnocentrique et impérialiste.
    Une chose frappe, en lisant Luc Ferry, c’est la quasi totale absence de toutes références sérieuses à la pensée chrétienne. Or une philosophie chrétienne oppose à l’idéologie écologiste une critique aussi profonde et pertinente, tout en lui proposant une alternative autrement solide que celle d’un existentialisme vide.
    Le philosophe chrétien  reconnaît à l’homme une nature humaine, dont la liberté est un des attributs. Pour lui, l’homme ne se définit pas par sa capacité « d’anti nature », mais par sa capacité d’ouverture à une « surnature », un transcendant, et pour le chrétien vers l’Etre personnel qui a parlé sur le mont Sinaï, et sur les routes de Palestine sous le proconsulat de Ponce Pilate.
    Un tel acte de foi ne relève pas de la superstition, et est parfaitement digne d’une confrontation avec la philosophie la plus sérieuse et avec la recherche scientifique la plus rigoureuse dans son état le plus actuel. Il suffit pour s’en convaincre de lire Pierre-Paul Grasset,       et quelques autres !
    Tel quel Le Nouvel Ordre Ecologique de Ferry mérite une lecture attentive. Il est utile, excitant pour l’esprit et rappelle à la pensée chrétienne les vrais défis auxquels elle est appelée à répondre; défis qui sont aussi un devoir de charité. Défis sur le point d’être relevés, avec la récente création, à l’initiative de maîtres consacrés : Jeanne Parain-Vial, Roger Arnaldez, et de jeunes espoirs de la philosophie française, Henri Hude, Jean-Louis Vullierme, d’une Association des philosophes chrétiens.

Edouard BOULOGNE.

Pour approfondir .

Dans une bibliographie pléthorique, outre l’ouvrage de Luc Ferry on se reportera utilement à :
* Pascal Bernardin : L’empire écologique (Editions Notre Dame des grâces).
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