Procès Clearstream : Le cri de la gargouille.

( L'article qui suit est un article de polémique. La polémique est un art, sauf quand elle vise au dessous de la ceinture, auquel cas,
elle relève du règlement de compte plus ou moins sordide. En Guadeloupe, me semble-t-il, - par manque d'humour?- on les confond trop souvent. A tort. Les grands polémistes, au style parfois
féroce, après s'être attaqués sauvagement se retrouvent volontiers, à l'abri des regards indiscrets, autour d'un verre, voire d'un bon repas, pour échanger leurs impressions sur leur dernière
passe d'arme. " Pas mal la métaphore, me concernant dans votre péroraison? Bravo! " Oui mais votre réponse!! Mordious! "Rires partagés! Ainsi faisaient les grands
bretteurs du monde de la politique, ou des lettres, au temps où une moraline, aussi creuse qu'hypocrite n'avait pas stérilisé des débats désormais aussi mornes qu'inutiles. Ainsi faisaient
ces grands imprécateurs, Péguy et Jaurès, ou Fernand Laudet; Jaurès et Maurras; Bernanos et Maurras, toujours Maurras, le grand Maurras; Pierre Boutang et Maurice Clavel!
La polémique est donc un art, et, notamment un art de la caricature. La caricature n'est pas une photographie. Elle isole, souligne les traits, fait voir ce que l'habitude, les préjugés, le
conformisme, l'esprit de parti, gomment, effacent, atténuent. Elle souligne ce qu'on n'aurait pas vu autrement. Et puis elle fait rire, ou sourire. Le rire, ce propre de l'homme, cette
hénaurme thérapeutique, comme disait ce grand facétieux -entre autres facettes, parmi tant d'autres, d'un génie trop oublié - le grand Rabelais. Le Scrutateur, ouvre donc ses colonnes au
jeune facétieux Antoine de Panou, aux dents plus qu'aiguisées, mais au sourire d'enfant, sur un sujet qui défraye la chronique. E.Boulogne).

CLEARSTREAM : Dominique de Villepin veut assigner son cher adversaire "pour atteinte à la présomption d'innocence"
Le président Nicolas Sarkozy a au moins provoqué l'intérêt des avocats de l'ancien Premier ministre Dominique de Villepin, principale
personnalité poursuivie dans le procès Clearstream, en parlant mercredi 23 septembre de "coupables" à propos des prévenus de cette affaire. "Au bout de deux ans d'enquête, deux juges
indépendants ont estimé que les coupables devaient être traduits devant un tribunal correctionnel", a-t-il affirmé, ce qui fut relayé par TF1 et France 2.
Béni des dieux, le Villepin ! Son arrogance klaxonnante, son panache déplacé, et sa performance d'Hercule de foire presque
occultés par... l'impatience de son ennemi.
À l'ouverture de ce procès, les téléspectateurs ont eu droit au cri de la gargouille à travers une déclaration hors de propos, et un
lamentable numéro de victime expiatoire offerte en cadeau d'anniversaire à la République (dont, curieusement, pas un seul père fondateur n'a jamais été honoré). Que retenir de ce spectacle, sinon
qu'on aurait pu dire : Mariole cherche à saillir Marianne (pour lui faire un enfant bien sûr) comme ça, devant tout le monde et même devant sa femme et ses enfants, comme si instruit par la
presse espagnole du spectacle indécent que donnent les rues les plus chaudes de Madrid quand le sang afflue aux extrémités des Ibères débridés, il avait voulu jouer "la chaleur
communicative des prétoires". Pourtant, il n'était même pas encore entré... en prétoire. Il s'échauffait seulement. L'indécence, là, s'accouplait d'autant plus au sordide que la pantalonnade
avait lieu à quelques mètres, paraît-il, de la salle du procès de Moscou où fut diligenté l'assassinat de Marie-Antoinette. Enfin, au-delà du romantisme de pacotille de ce cri de gargouille, le
grotesque se manifestait jusque dans la promesse de sortir "blanchi" de cette affaire alors que le teint basané de l'Onaryc montre l'impossibilité de la chose, à moins que l'esprit de Michaël
Jackson ne vienne à son secours dans les délibérations, comme apparemment il l'a assisté dans sa mise en scène, non pas du moon-walk, mais du
marcher-sur-la-tête.
Puis Sarkozy a réveillé la partie, car on s'ennuyait déjà. Est-ce que Jean-Louis Debré et ses acolytes vont trouver dans cette
assignation quelque occasion de jouer à leur façon un petit tour à ce Président dont il n'ont jamais digéré les arrêtes qu'ils ont dû avaler sous la contrainte ?
Sur le fond, on nage en eaux troubles, et pourtant, en droit (théorique), Villepin serait fondé dans son action. Car, quoi ?
Sarkozy, parti ou partie civil ?
La qualité de partie civile du Président dans cette affaire devrait, si la Justice était autre chose qu'un poisson d'avril
qui dure toute l'année, rendre recevable sa plainte (celle-là au moins) en créant les conditions d'une exception au principe d'irresponsabilité. Or, comme ce sont des propos irresponsables, le
Conseil Constitutionnel serait peut-être précisément fondé à cadenasser l'irresponsabilité présidentielle.
Sans compter qu'en matière de présomption d'innocence, Sarkozy, du reste - bien qu'avocat (toujours en théorie) est un récidiviste de
la chose : souvenez-vous de l'assassinat d'Érignac. Alors, d'ici à ce qu'il y ait une jurisprudence Sarkozy... Celui-ci, finalement, est certainement plus proche parent du docteur Knock que
de Monsieur Diafoirus (quelles que soient les synergies entre eux).
Ah ! Villepin ! pourquoi un homme aussi cultivé a-t-il aussi sottement cherché à voler les tours de Notre-Dame ! Était-ce pour
donner lieu à un tel spectacle, un happening, qui, en définitive, ne fait (ou ne devrait faire) rire personne.