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Le Scrutateur.

Blog destiné à commenter l'actualité, politique, économique, culturelle, sportive, etc, dans un esprit de critique philosophique, d'esprit chrétien et français.La collaboration des lecteurs est souhaitée, de même que la courtoisie, et l'esprit de tolérance.

Dialogues aux îles du Nord (St-Barthélémy et St-Martin) menées par Claude Gelbras et Jean-Louis de Lucy.

 

CONVERSATIONS DANS LES ILES DU NORD

DE LA GUADELOUPE

(mai 2009) Bref compte-rendu de celles-ci







REPERES :


Avec un petit groupe de personnes intéressées par le débat sur le changement statutaire de la Martinique, nous nous sommes rendus en mai 2009 à St Martin et à St Barth afin d’être éclairé sur les raisons et les conditions de la transformation de ces deux îles en Collectivités régies par l’article 74 de la Constitution.

Dès les premières rencontres, on réalise que ces petites « Iles de l’Ile » sont radicalement différentes de la Martinique et de la Guadeloupe continentale, et ne peuvent constituer une source complète d’informations pour juger de l’opportunité d’une évolution statutaire et encore moins de s’en inspirer. Au mieux, une aide à la réflexion et quelques témoignages pour un sujet d’une vivante actualité.

Il y a encore peu de temps, elles étaient formées de deux communes ou cantons de la Guadeloupe voisine. Populations constituées d’une immigration d’îles anglaises caribéennes et de quelques blancs créoles, tout distingue ces Iles sèches, de nos départements voisins.

Culturellement, ces terres ingrates n’ont pas de revendications identitaires très affirmées autres que celles clairement énoncées d’être « caribéennes avant tout ». Longtemps délaissées, elles n’ont pas connu la richesse historique et économique de la Martinique ou de Guadeloupe à laquelle elles sont rattachées depuis 1648. Le créole n’est utilisé que dans la communauté haïtienne; l’anglais est la langue « vernaculaire » et le français – parlé par tous – la langue officielle.


Depuis quelques dizaines d’années, ces îles ont fait le pari d’un tourisme intégral, unique « spécialisation économique » : une hôtellerie de haut de gamme, des activités de plaisance avec 12 marinas, des infrastructures pour croisières de luxe, des plages confortablement aménagées, etc.… Avec plus de 2 millions de touristes par an et desservis par plus de 15 compagnies aériennes (l’aéroport de Phillipsburg a la taille de Pôle Caraïbes ou de l’aéroport Martinique Aimé Césaire), ces territoires attirent une clientèle aisée (très fortunée à St Barth) pour leur offrir des paysages et des rivages inégalés. Considérées comme paradisiaques par les « tours opérateurs » et les professionnels du tourisme, ces Iles ne cessent d’étonner par leur réussite en dépit du manque de ressources naturelles, où la seule eau utilisée est celle de la mer, traitée par d’importantes usines de dessalement.

Le commerce, la distribution et les restaurants ont connu une grande prospérité, mais en ces temps de crise leurs activités se sont contractées. La concurrence de la partie hollandaise, St Marteen, où ne circulent que les dollars (le dollar est 40% moins cher que l’EURO) est un problème qui préoccupe les autorités mais pour lequel aucune solution n’a été apportée. Les sociétés françaises sont ainsi « rongées » par leurs concurrents « étrangers ». Il faut souligner l’extrême tolérance des autorités (issue d’un pacte local historique), qui permet à des particuliers et à des entreprises français, implantés à Marigot, et exerçant leurs activités dans la partie française, de localiser leur sièges sociaux, leurs résidences où bon leur semble, c'est-à-dire à Phillipsburg où l’impôt y est quasi inexistant. Toute la partie hollandaise est en Zone Franche (ZF), statut fiscal qui contribue au dynamisme économique du territoire et à un taux d’emplois élevé (chômage de 10% contre 25% pour la partie française).

Contrairement à une idée très répandue, la fiscalité de la partie française de St Martin est comparable à celle de la Guadeloupe. Seuls la collecte et le recouvrement sont à des niveaux très faibles : 35% contre 65%.




Cette culture de la non déclaration ou de la dissimulation des revenus ou profits est difficile à contrecarrer : la récente introduction de la vignette auto prévue pour engranger 2M€ n’a rapporté que 900 000€ la 1ère année et 200 000 € l’année suivante…L’objectif des autorités est bien de percevoir l’IR et l’IS, jugeant que trop peu de résidents s’en acquittent à ce jour.

L’importation des biens de consommations est florissante. L’export est inexistant. La partie hollandaise de St Martin connaît une croissance qui ne se dément pas. Les hôtels et les résidences se multiplient à un rythme effréné. Les deux parties de l’Ile sont donc très dissemblables économiquement ; mais elles partagent largement l’usage de l’anglais et du dollar. L’EURO tente de se faire reconnaitre dans les échanges mais la clientèle américaine impose sa monnaie qui rend le shopping particulièrement attractif (de plus, pas de TVA). La partie française souffre d’un déséquilibre permanent avec sa voisine car on trouve chez elle des produits 40% moins chers qu’à Marigot ou à Grand Case.


COMMENTAIRES : LES RAISONS DU CHOIX DE L’AUTONOMIE DE L’ARTICLE 74


Nous avons rencontré des interlocuteurs de premier plan, occupant des responsabilités politiques ou de direction :

lF. Gumbs, Président de la COM de St Martin,

Le Sénateur L-C Fleming, Président du CESR,

M. Magras, le Président de la COM de St Barth,

Le Sénateur M. Magras,

M. P. Averne, Directeur de la COM de St Martin,

M. C. Beaupère, Directeur du Cabinet du Pt. Magras, etc.…

Conversations informelles et enrichissantes dont nous avons extrait les points suivants qui nous semblent les plus remarquables (signalés par « … ») :




ST MARTIN


Lors du référendum de décembre 2003, la population a choisi l’autonomie régie par l’article 74. Pour St Martin, ce choix peut paraître déconcertant car l’Ile est confrontée à des difficultés sociales et financières considérables liée à une immigration clandestine très importante, incontrôlable créant ainsi des problèmes cruciaux pour les autorités. 35 000 habitants, 104 nationalités ( !), 1/3 d’étrangers composent la population de St Martin. A St Marteen, le phénomène serait plus accusé.

Budget largement déficitaire comblé par des emprunts bancaires. La COM prévoit d’être désendettée d’ici 10 ans…


ILS NOUS ONT DIT :

«  Nous avons choisi l’autonomie régie par l’article 74 pour deux raisons essentielles : 1) désir de s’émanciper de la Guadeloupe continentale et 2) gérer notre fiscalité. Avec les autorités politiques et administratives de Basse Terre ou de Pointe à Pitre (CCI), tout était très compliqué. Notre espace naturel est la Caraïbe, la Guadeloupe c’est la France ! Voyez tous ces noms anglais, y compris le mien ! La gestion cantonale à distance était de plus en plus complexe et sur le plan budgétaire nous n’y trouvions pas notre compte.


«  Mais ce désenclavement est relatif car, bien entendu nous ne sommes pas coupés de la Guadeloupe et des liens forts sont maintenus : santé, éducation, etc.…Notre organisation autour de la loi organique et la mise en place d’une Conseil Territorial (assemblée délibérante) et d’un Conseil Exécutif a considérablement simplifié le fonctionnement administratif de notre collectivité.

Les bénéficiaires sont les particuliers et les entreprises qui peuvent réaliser localement un grand nombre de leurs formalités administratives.



En théorie nous avons désormais les compétences d’un Conseil Régional et d’un Conseil Général, mais dans les faits on s’appuie beaucoup sur les services de l’Etat. 


«  La loi organique permet à la nouvelle COM de gérer de nombreuses compétences. Initialement, les compétences fiscales sont celles qui intéressaient le plus la COM St Martinoise.

Nous aurions aussi souhaité prendre en charge les questions de séjours, d’immigration et d’accès à l’emploi des étrangers et des non résidents comme l’art.74 le permet en droit interne. On nous a conseillé de n’en rien faire car cela aurait pu nous créer des difficultés avec la Commission Européenne. Nous sommes RUP et avons grand besoin des aides communautaires à finalité régionale : nous avons une usine de dessalement à construire (projet de 50 M€) et le concours de l’Europe nous est indispensable.

«  Concernant ce qui relève des politiques et lois sociales, nous avons préféré rester dans l’assimilation législative de l’article 73 et ne rien revendiquer : c’est une « patate chaude », que seul l’Etat a le pouvoir et le budget de garantir. 80% du nôtre est consacré aux prestations sociales : RMI, CAF, CMU, chômage, etc.… géré comme dans un conseil général ou une URSSAF avec des fonds publics .St Martin est une vraie ONG !

«  Pour la fiscalité, notre objectif prioritaire est le recouvrement qui est très faible. Nous voulons le porter à 65%, niveau de la Guadeloupe. Nous avons une compétence fiscale totale certes, mais nous ne prendrons que progressivement la TVA, l’octroi de mer, puis pour finir les droits de douanes.

«  Se posera alors la question de l’appartenance de St Martin à l’Europe ; en fait l’UE nous donne très peu. A terme, il nous semble plus intéressant de mettre en place une politique douanière : nous importons à peu près tout ce dont nous avons besoin et même avec des taxes raisonnables, nous pourrions remplir les caisses de la Collectivité. En clair, à l’horizon de 5 à 10 ans il nous faudra quitter l’Europe ; nous aurons alors toute liberté pour ce faire. De plus nous normaliserons nos échanges commerciaux avec St Marteen, non RUP mais classé en PTOM, car aujourd’hui, des restrictions existent pour l’importation de produits alimentaires de la partie hollandaise, par exemple, qui doivent respecter des normes sanitaires rigoureuses. De sorte que certains achats réalisés chez notre voisin posent de véritables problèmes. Nous avons supprimé l’ISF, non pour attirer des capitaux et des résidents étrangers mais pour endiguer l’effet « Ile de Ré ». De nombreux Saints Martinois vivent très modestement mais ont des terres, souvent arides et improductives, mais qui ont, en raison de l’explosion du prix du foncier, pris une valeur inestimable. La question est donc réglée. 


« Vous nous dites que le 18 juin dernier, le congrès de la Martinique a décidé de soumettre à référendum, le changement statutaire de votre Région. Le choix serait celui d’une collectivité avec une assemblée unique, régie par l’article 74. Les compétences seraient assez larges en vue d’une autonomie renforcée, qui pourrait ressembler au statut de la Polynésie Française.

La loi organique ? Mais ne vous y trompez pas. L’Etat vous écoutera mais choisira à votre place ; il fixera les termes de celles-ci pour le fonctionnement et le champ des compétences qui vous reviendront. Vos résolutions issues du Congrès du 18 juin 2009, excusez moi, « panier» (SIC). On est loin des régions autonomes espagnoles ou des länder allemands !. Mais comme la Martinique pourrait être le 1er Département Français à évoluer en COM, ce grand saut qualitatif serait assez innovant et inquiétant»





St Barth :


ILS NOUS ONT DIT :


« Nous avons le même statut que St Martin. Notre population est faible : moins de 7000 habitants. Notre principale activité est liée au tourisme (10 hôtels 4 **** et luxe) et à la location touristique de grand standing. La collectivité a un budget très excédentaire qui nous permet de ne lever aucun impôt sur les revenus : pas d’IR, d’IS, d’ISF. Nous percevons la TP, la TF (bâti et non bâti) et un droit de quai. Nous prévoyons toutefois de mettre en place de nouvelles taxes  sur les profits immobiliers, versement d’une contribution annuelle des entreprises, droit de quai porté à 5%, mise en place d’une TVA touristique, etc. … »


« Nous situation financière est plus que saine !. Le tourisme avec ses 350 000 touristes par an est une manne, notre unique richesse, qui tire tout le commerce et dynamise l’Ile. Le PIB/habitant est de 34 000 €/h soit le PIB/h le plus élevé des régions françaises !. Pour une population de 7000 habitants, c’est très performant !.

Notre chômage est quasi inexistant, et nous ne comptons que 34 Rmistes…La couverture sociale est identique à celle des autres régions françaises.

Nous sommes RUP et ceci constitue, paradoxalement, un inconvénient : nous sommes probablement la seule Collectivité que ce statut pénalise. Rien d’étonnant : nous faisons venir nos carburants du Nord, des Etats Unis traités aux normes Européennes (le taux de benzène ne doit pas dépasser 1% à 3%).Coût : 3cts d’EURO par litre ce qui représentent 9 M€ par an.

Pour notre petit territoire (le budget est de 25 M€), c’est très pénalisant pour les consommateurs. Nous reversons même à l’Etat un excédent de recettes de 5,6 M€ sur les encaissements des impôts ou charges diverses.

Une sortie de l’Europe ne serait pas un handicap car les 3 M€ d’EUROS que nous verse l’UE seront vite compensés. Nous aurions intérêt à devenir rapidement PTOM ce qui nous permettra de mettre en place des droits de douanes aux produits importés. C’est une compétence à laquelle nous tenons.


«  En final, il faut constater deux choses :


Lors de nos discussions avec l’Etat concernant l’élaboration de la loi organique et quelques que soient nos revendications concernant les blocs de compétences, nous avons constaté que nos interlocuteurs nous écoutaient de façon polie.


En vérité, l’Etat nous a « octroyé » une loi organique, votée par le Parlement en 2007 dont le contenu obéissait à des impératifs géopolitique, budgétaire ou autre. L’Etat garde la main, et l’autonomie dont nous jouissons est toute relative.

Notre sentiment est que l’article 74 correspond bien à de petites collectivités comme les nôtres. Il y a en effet un consensus réel au sein de notre société insulaire; les clivages politiques sont à peine perceptibles, l’objectif commun étant la réussite économique avec plus de prospérité et de bien être pour les étrangers et les résidents. C’est notre seul programme, peut on dire, ….politique !

Pour la Martinique ou la Guadeloupe, la situation nous parait toute différente ; votre vie publique est riche et contient de forts antagonismes, vous avez des lignes de fractures que nous ne connaissons pas car notre population est très homogène. Nous vivons dans une société largement consensuelle, alors que la votre est conflictuelle, dans votre vie politique, sociale et culturelle. Si vous optez pour le 74, vous risquez de connaitre une grande instabilité juridique et budgétaire et pourriez ressembler rapidement à la Polynésie Française où rien ne va plus, comme chacun sait ! 




CONCLUSION



L’impression générale est que l’autonomie de l’art 74 semble satisfaire la population et les autorités de St Barth, avec en perspective une sortie de l’Europe à bref délai.

A St Martin, c’est plutôt le mécontentement qui prévaut. Une récente déclaration du L-C Fleming, Président du CESR de St Martin, laisse percer sa déception. Sans regretter le changement institutionnel,

«A la question : selon vous, quand le nouveau système sera-t-il stabilisé : « 


Il répond :

«  Dans une dizaine d’années. Avec l’évolution institutionnelle, nous avons constaté «  de nombreux départs d’entreprises. Nous travaillons à l’attractivité de notre «  territoire pour redonner confiance aux investisseurs : les fruits seront pour nos «  petits enfants !


La souplesse de l’article 74 offre des possibilités d’un statut « à la carte » comme le souhaitait J. Chirac lors de la révision constitutionnelle de mars 2003. Chaque territoire a ses propres motivations et intérêts. Les Iles du Nord prouvent à l’évidence qu’il n’y a pas d’autonomie politique sans autonomie économique…Pour la Martinique, contrairement aux Iles du Nord qui ont évalué budgétairement leurs décisions, l’approche semble, à ce jour, plus politique, plus dogmatique, pour tout dire, plus idéologique. C’est vrai qu’il y a quelque chose de grisant pour des élus toujours dans une quête de responsabilités à souhaiter un changement statutaire en vue de mettre en place une gouvernance locale mais à ne pas vouloir en évaluer le coût économique et social, alors que les turbulences de la planète en crise se font quotidiennement sentir, le réveil pourrait être pénible. Avec JC Fleming, rappelons-nous ce qu’écrivait dans un raccourci fulgurant, le poète Jean Cocteau :

« Les révolutions sont belles les 8 premiers jours »…


Ste Luce, 1er Août 2009,


Claude GELBRAS Jean Louis DE LUCY

Expert judiciaire Chef d’entreprises

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Commenter cet article
T
           Art 73 ou pasje connais une commune-ile-aussi amante qu'infidèle-nominée aux désordres sismiques..Valet  peureux ,train manigances,cerbère  à  vie de sa placefaim d'éloges dithyrambiques
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O
En résumé:" SA KI BON POU ZWA PA BON POU KANNA "
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