10 Août 2009
08 mai 2009
(Intéressant article de notre compatriote réunionnais Hugues Maillot, dont on pourra lire les principales étapes biographiques à
la suite de son texte, auquel Le Scrutateur souscrit pleinement).
Les Etats Généraux de l’Outre-mer sont donc l’occasion de voir surgir à nouveau le thème de l’autonomie des Départements d’Outre-mer (DOM), essentiellement revendiquée par les élus des Antilles.
Le discours antillais pose la question de l’identité au coeur de la revendication autonomiste et fait du statut départemental l’héritier du statut colonial. Il oublie au passage que la
départementalisation est d’essence républicaine et qu’elle marque une rupture avec la colonisation. La départementalisation outre-mer s’inscrit dans la perspective historique ouverte par
l’abolition de l’esclavage et exprime d’abord le principe d’égalité entre les citoyens. C’est le même principe d’égalité qui fonde la déclaration universelle des droits de l’Homme et donne à la
République Française une identité singulière. Chacun peut y adhérer quelle que soit son origine ethnique ou sociale ou encore la nature de ses convictions religieuses. L’une des conséquences de
l’application de ce principe est, pour un enfant, que le droit d’être français ne s’acquière pas seulement par les origines des parents mais aussi par le sol de naissance. Ainsi la République
Française a vocation à rassembler tous ceux qui se reconnaissent dans ses valeurs d’où qu’ils viennent.
Dans les Départements d’Outre-mer, Charles de Gaulle a rappelé la force de cette identité républicaine à un moment crucial de l’Histoire coloniale de la France dans un vibrant “Mon Dieu, comme vous êtes Français !” prononcé en introduction de son allocution du 22 mars 1964 à Fort de France.
Le discours du fondateur de la Vème République est d’autant plus important que c’est celui du Chef de l’Etat qui aura su tourner la page de l’histoire coloniale française, en acceptant et en accompagnant en 1960 l’émancipation du Sénégal, du Soudan, du Niger, de la Côte d’Ivoire, du Gabon, du Tchad et de Madagascar, et en 1962 l’indépendance de l’Algérie, dans la douleur. C’est le cri du cœur d’un Français qui parle à d’autres Français à part entière. Et de quoi donc leurs parle-t-il ? Non de spécificités ou de particularismes régionaux, comme à tous ses compatriotes, il leur parle de la France, du Gouvernement et de l’action générale du Premier Ministre, du progrès économique et des avancées sociales, conséquences de la solidité des nouvelles institutions.
Comme l’a bien ressenti et compris Le Général de Gaulle, les Français des Départements d’Outre mer partagent avec les Français de l’Hexagone une véritable communauté de destin, bâtie non pas sur un rapport de domination, comme avec les autres anciennes colonies, mais sur un fort sentiment d’appartenance à la même entité nationale. Pourtant, les occasions n’ont pas manqué à ces lointains confettis de l’Empire colonial de se désolidariser d’avec la France. Au moment des défaites napoléoniennes, lorsque l’Angleterre leur tend presque les bras. Au moment de l’abolition de l’esclavage, lorsque la République menace l’équilibre de leurs économies. Comme au moment de la défaite de la bataille de France en 1940, alors que les populations ultra-marines sont une fois de plus contraintes à l’autarcie. Au contraire, les habitants des DOM ont toujours répondu présents aux appels de la Nation. Ils ont participé activement aux deux conflits mondiaux. Ils ont contribué et contribuent encore à former les élites du pays tels que Roland Garros, Félix Eboué, Raymond Barre, Thierry Henry ou Jackson Richardson.
Le caractère français de ces territoires s’est construit au cours de seulement trois siècles d’Histoire caractérisés avant tout par la fidélité de ses populations à une certaine idée de la France. Idée, sans doute mythique, de grandeur et de générosité, parfois lien unique mais suffisamment solide entre des populations éloignées de milliers de kilomètres; idée révolutionnaire de la République qui libère les hommes et les met à égalité; lien universel entre des populations diverses sur les plans ethnique, culturel et cultuel.
Comment ne pas reconnaître que c’est sans doute dans les Départements d’outre mer que la République Française est vraiment et totalement elle-même ? Car elle y est le symbole de la liberté conquise sur l’esclavage, de l’égalité entre des hommes et des femmes originaires de continents différents, de la fraternité retrouvée dans la cohabitation puis le métissage de ces différences.
Cette France des DOM a été consacrée par le vote unanime de la loi de Départementalisation en 1946 ainsi que par la loi fondamentale de 1958. A l’époque, dans l’esprit des rédacteurs de la Constitution, dont Michel Debré, il ne fait aucun doute que les DOM sont la France. Cette appartenance pleine et entière à l’ensemble national se concrétise sur le plan juridique par une distinction franche entre les Départements français, dont les départements d’outre mer, et les territoires d’Outre mer. Ces derniers recouvrant une histoire et une réalité différente de celles des DOM avec comme résultat, l’affirmation par les populations autochtones d’origines, de valeurs, de cultures, de coutumes étrangères à celles des autres populations de France, et d’un attachement d’une autre nature à la République. Cette vraie différence dans la France s’exprime au travers de l’article 72 de la Constitution qui définit comme “collectivités territoriales de la République”, d’une part “les communes, les départements”, et d’autre part “les territoires d’outremer”. Les Départements d’Outre mer ne sont donc pas identifiés en tant que tels. Alors que l’article 74 reconnaît pour les territoires d’outre mer “une organisation particulière tenant compte de leurs intérêts propres dans l’ensemble des intérêts de la République”. L’unique distinction faite entre les départements hexagonaux et les départements d’outre mer se trouve dans l’article 73 suivant lequel “le régime législatif et l’organisation administrative des Départements d’outre mer peuvent faire l’objet de mesures d’adaptation nécessitées par leur situation particulière”. La différence est donc de taille entre les Départements d’outre mer, où les législations nationales “peuvent” éventuellement faire l’objet d’une adaptation, et les territoires d’outre mer qui “ont” une organisation et un statut particulier dans la République.
Même si elle permet d’aller plus loin dans l’adaptation de la loi aux réalités locales, la réforme constitutionnelle de 2003 n’a pas fondamentalement remis en cause cet équilibre juridique et c’est heureux.
Car depuis 1958, la nature des Département d’Outre mer a-t-elle changé ? C’est-elle rapprochée de celle des Territoires d’Outre mer ? Sans revenir sur le bilan de la Départementalisation, la réponse est largement négative. L’intégration des DOM dans la République n’a jamais cessé de progresser. Il s’agit d’abord de l’intégration par l’égalité des droits, avec l’application quasi identique des législations nationales et européennes. Même s’il reste encore des inégalités sociales à gommer (extension du Revenu de Solidarité Active), des spécificités fiscales à supprimer (Octroi de mer) et certains avantages de certaines catégories sociales à renégocier (surrémunération des fonctionnaires). Il s’agit aussi de l’intégration par l’intensification des échanges économiques avec la Métropole et l’Union Européenne. Car le flux des transferts vers l’Outre-mer a entraîné un flux en valeur au moins équivalent d’importation de marchandises et de moyens de production venus de Métropole et d’Europe. De manière globale, les structures des économies se sont rapprochées avec une domination du secteur tertiaire dans les économies insulaires comme dans les régions métropolitaines. Il s’agit encore de l’intégration par l’intensification de la circulation des femmes et des hommes dans l’espace national. Des métropolitains vers les DOM qui représentent pas moins de 12 % de la population guyanaise ou plus de 10 % de la population réunionnaise. Mais aussi, des domiens vers l’Hexagone, avec une diaspora réunionnaise, antillaise et guyanaise de plus de 300 000 âmes qui participent pleinement à l’animation économique, sociale et citoyenne de la France hexagonale. Il s’agit enfin et surtout de l’intégration par le partage d’une éducation, d’une langue et d’une culture communes. En 1946 seulement 1000 Réunionnais étaient scolarisés dans le secondaire, ils sont aujourd’hui plus de 95 000 dans les collèges et lycées de La Réunion, près de 100 000 au total dans ceux de La Guadeloupe et de La Martinique, près de 50 000 dans les établissements de la Guyane.
Les Départements d’Outre mer sont donc la France, dans l’Histoire et dans le quotidien. Parce que leurs droits et les droits des départements métropolitains sont les mêmes. Parce que les intérêts de leurs entreprises et des entreprises hexagonales sont liés. Parce que leurs populations et les populations “zoreilles” se mêlent. Parce que leurs enfants et les enfants de la France continentale reçoivent la même éducation.
Cependant, il existe bien une différence, une spécificité, mais elle est moins d’ordre culturel ou historique que géographique.
Contrairement aux Départements de l’Hexagone, la Réunion, la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane ne participent pas à la continuité territoriale de la France. La France, c’est un espace où le sentiment d’appartenance résulte aussi de la proximité et de l’imbrication des territoires qui le compose, de leurs frontières naturelles, des moyens de communication et de télécommunication qui les traversent et qui les relient physiquement.
C’est l’Hexagone dans son intégrité dont on n’imagine pas qu’il puisse être amputé de son “cœur” ou de ses “côtes”. Une intégrité qui balaye toutes les considérations qui pourtant nourrissent régulièrement le scepticisme continental sur l’appartenance des DOM à la France. Qui, un jour, s’est posé la question de savoir combien coûte la Lozère à la France ? Et pourtant la Lozère et ses moins de 100 000 habitants participent aujourd’hui certainement moins à la vitalité économique et démographique de notre pays que le moindre des Départements d’outre mer. Hors la continuité physique du territoire, la proximité du continent n’est pas même une garantie d’appartenance. L’insulaire Corse risque d’en faire elle aussi un jour les frais.
À cause de la discontinuité territoriale et de l’éloignement, les DOM sont ressentis comme une excroissance de la France, mais pas comme la France elle-même. Ils sont davantage vécus comme une abstraction de notre pays que comme sa réalité. Pour être, ils doivent manifester leur existence, démontrer leur utilité. La désertification de la Creuse ne remettra jamais en question sa place dans l’ensemble national. Que La Réunion se dépeuple et il est à parier que les Français ne verront aucun inconvénient à ne plus y faire valoir leur souveraineté. Les Départements d’outre mer sont de la France Républicaine, celle des idées universelles, et non de la France physique, celle des frontières hexagonales. Mais pour participer pleinement à l’une, il faut qu’elle prouve son existence et soit reconnue par l’autre. Par cette “France profonde” inconsciente du fait que l’image que peut donner la France des DOM n’est finalement que le miroir de ses propres choix. Que l’inutilité supposée des Départements d’outre mer ne fait qu’illustrer l’abandon auquel elle se résigne. Abandon de ses valeurs, abandon de ses intérêts. Que le renouveau des Départements d’outre mer est intimement lié à la volonté de la France Hexagonale de faire face au principal défi qui menace son identité et son modèle social. Ce défi s’appelle mondialisation, et les Départements d’Outre mer sont un des principaux atouts qu’elle possède et que possède l’Union Européenne pour le relever.
Hugues MAILLOT
Qui est Hugues Maillot?
EXPÉRIENCE PROFESSIONNELLE
- Depuis juillet 1997 : Cadre administratif territorial à La Région puis au Département de La Réunion, actuellement Directeur de l’Insertion au Conseil Général.
- de septembre 1995 à Juin 1997: Assistant Parlementaire de Monsieur André-Maurice PIHOUÉE (RPR), Député de La Réunion.
- de septembre 1993 à août 1995: Journaliste à Réunion FM, chargé des informations économiques et sociales.
FORMATIONS, DIPLÔMES ET CONCOURS
- juin 2008 : Lauréat de l’examen d’Attaché Territorial Principal,
- juin 2001: Auditeur régional de l’Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale (IHEDN),
- juin 1999 : Lauréat du Concours d’Attaché Territorial ,
- Sept. 1993 - juin 94 : DESS de Gestion et Administration des Collectivités Locales à l’Université de La Réunion,
- Juin 1993: Maîtrise de Sciences Economiques mention Gestion d’Entreprise à l’Université de La Réunion;
- Juin 1992: Licence de Sciences Economiques à l’Université de La Réunion;
- Juin 1991: DEUG de Sciences Economiques à l’Université de La Réunion;
- Juin 1989 : Baccalauréat Sciences Economiques et Sociales au Lycée Leconte de Lisle à Saint-Denis de La Réunion.
ENGAGEMENTS ASSOCIATIFS ET CITOYENS
- Depuis janvier 2003 Membre de l’Association Régionale
des anciens élèves de l’Institut des Hautes
Etudes de la Défense Nationale (IHEDN);
- De janvier 2001 à janv. 2002 Administrateur de Réunion Equitable,
association pour le développement du
commerce équitable dans l’Océan Indien.
- De sept. 1996 à mai 1999 Délégué départemental des Jeunes du
Rassemblement pour la République
- De nov. 1989 à juin 1994 Président de l’Association des Représentants
des Etudiants de La Réunion.
Administrateur de l’Université de La Réunion,
Membre du Conseil des Etudes et de la Vie
Universitaire et du Conseil de la Faculté de
Droit, de Sciences Economiques et Politiques.