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Le Scrutateur.

Blog destiné à commenter l'actualité, politique, économique, culturelle, sportive, etc, dans un esprit de critique philosophique, d'esprit chrétien et français.La collaboration des lecteurs est souhaitée, de même que la courtoisie, et l'esprit de tolérance.

L'homme qui murmurait à l'oreille des antillais, par Usbek.

( C'est la deuxième fois en dix jours que je cite ici, le chroniqueur du blog "Modernes persaneries" (voir nos Liens permanents). Ce n'est pas ma faute s'il est si souvent pertinent dans ses analyses. Le Scrutateur).






17.07.2009

« L’homme qui murmurait à l’oreille des Antillais » (5)

Sarkozy aux Antilles, Fillon à la Réunion (et dans l’Océan Indien). Hasard, nécessité ou stratégie ? Allez savoir ? Certes, il était plus hasardeux d’aller aux Antilles, mais avec quelques centaines de gendarmes et de CRS (ou assimilés), des itinéraires et lieux choisis, c’était jouable et ce le fut. Pour la Réunion, c’était fastoche et Fillon pouvait tout à fait s’en charger, d’autant qu’il fallait se taper, vite fait, au passage, les Comores et y entrevoir le président Ahmed Abdallah Sambi. Un petit vieux un peu foklorique, le président, avec sa barbiche blanche d’intégriste et son kofia. Comme on dit en comorien « msafara wa moili ouka chindini » (« Quand on part en voyage, il faut tout prévoir »). Un dirigeant habitué à fréquenter les grands de ce monde, d’Obama à Medvedev, n’a nulle envie de se commettre avec pareil menu fretin !

 

En plus à la Réunion, ça roule tout seul ! Aux présidentielles, Paul Vergès (du Parti Communiste Réunionnais, Président du Conseil Régional) avait, dans un premier temps, recommandé de voter Sarkozy, ne reculant que devant les réactions de la petite classe de son propre parti, Huguette Bello en tête ! La Réunion s’est déjà prononcée en faveur de l’article 73, donc de la poursuite de la départementalisation. Fillon n‘a pas manqué d’en faire compliment aux braves Bourbonnais ! Voulant leur faire plaisir, il a toutefois tenu des propos qui ont déplu à certains aux Antilles, quand il a dit (ou à peu près) : "Aujourd’hui, la départementalisation ne fait plus l’unanimité : alors que Mayotte s’y engage, la Martinique envisage une autre voie et la Guadeloupe se donne du temps pour y réfléchir".

 

Le propos est quadruplement inexact.

 

1.« Aujourd’hui, la départementalisation ne fait plus l’unanimité ». Elle ne l’a jamais faite et dans les DOM, l’autonomie (sans parler de l’indépendance) est dans la revendication de certains partis (comme le PPM ou le PCR pour ne prendre que les plus anciens) depuis un demi-siècle. Les conseillers de Matignon ne sont décidément pas meilleurs que ceux de l’Elysée !

 

2. « Aujourd’hui ». L’exaltation du rôle providentiel de notre Président-magicien étant l’élément majeur de la survie ministérielle, F. Fillon omet de préciser que le débat et les prises de positions sur la départementalisation et plus largement le statut, ne datent nullement d’«aujourdhui ». Les referendums de 2003 avaient déjà posé la question à propos de la création d’une Assemblée unique et en Guadeloupe les trois-quarts des électeurs (73%) s’étaient prononcés en faveur du statu quo antea (contre 50,48% en Martinique).

 

3. L’emploi du terme « l’unanimité » fait sourire. La stratégie de l’homme qui murmure à l’oreille des Antillais est précisément de diviser (mais elle y parvient assez bien toute seule) la gauche antillaise, dans ses composantes politiques et/ou syndicales. Je vais y revenir plus en détail car c’est ici mon propos central.

 

4. S’il est vrai que la Guadeloupe se donne clairement le temps de la réflexion, il est difficile de dire, comme F. Fillon, que la Martinique « envisage une autre voie ». Ce n’est pas, en tout cas , de façon claire, le choix affirmé du leader du PPM, Serge Letchimy, héritier de Césaire, à la fois à la tête de ce parti, historiquement autonomiste, et de la mairie de Fort-de-France.

 

Tout observateur de bon sens note, même si cela ne va pas forcément dans le sens de ce que souhaitent nos gouvernants, sans oser le dire (d’où les murmures à l’oreille des uns et des autres) que la départementalisation (ou en tout cas tous les avantages matériels et, pour la France, les coûts qui s’y attachent) réunit, au contraire, de plus en plus de partisans, dont les motivations profondes sont sans doute très différentes. La seule certitude est que l’amour de la patrie française arrive en dernière position parmi elles!

 

A la différence de l’homme d’Etat (espèce rarissime, qui ne fut guère représentée en France, dans le siècle passé, que par De Gaulle et Mendès-France, pour prendre un exemple dans chaque bord), le politicien (j’use à dessein de ce terme qui, a la différence d’homme politique, a une connotation péjorative) n’a que des stratégies personnelles et à court terme.

 

Un des éléments qui, dans les reférendums de 2003,ont rendu les politiciens très réticents face à l'idée d’une assemblée unique, premier pas vers un abandon du statut départemental, est que deux assemblées offrent inévitablement deux fois plus de postes, de sinécures et de prébendes qu’une seule. D’autres calculs peuvent toutefois intervenir. En 2003, Lucette Michaux-Chevry, chiraquienne historique, comme ancienne présidente du Conseil Régional de la Guadeloupe, pouvait espérer rebondir en raison du prévisible conflit entre les deux présidents PS, Victorin Lurel (ce « Cher Victorin ! ») et Jacques Gillot, qui se seraient sans doute affrontés pour la présidence d’une assemblée unique. D’où son adhésion à cette idée de réforme « départementicide » qu’à suivie d’ailleurs un ralliement immédiat au bord opposé, compte tenu des résultats du vote.

 

En Guadeloupe, tous les hommes politiques comme les syndicalistes (UGTG / MKP) ne sont nullement pressés de solliciter l’avis du peuple guadeloupéen, car la réponse de 2003 leur paraît claire. En outre, le mouvement du LKP, non seulement a laissé les politiciens sur le bord du chemin, mais ses troupes ont même envahi le « palais » du Conseil général à Basse-Terre (présidence socialiste !), cet acte étant, dans la suite, justifié par Elie Domota lui-même au nom de la « démocratie directe » !

 

Même si les politiciens s’y sont vus aussi, un moment, confisquer le pouvoir par le LKP, le cas de la Martinique est différent et plus complexe, comme le vote de 2003 le marque de façon nette. Trois hommes y tiennent le haut du pavé. Au Conseil régional, Alfred Marie-Jeanne (73 ans), figure pittoresque toujours coiffé de son emblématique chapeau de paille, est le fondateur du Mouvement Indépendantiste Martiniquais, et le rival historique de Césaire, tant sur le plan idéologique qu'à la mairie de Fort-de-France.  Claude Lise (68 ans), éternel président du Conseil général (6 mandats !), ancien socialiste rallié au PPM avant de s’en séparer en 2006, est le deuxième homme fort de la Martinique ; le troisième, Serge Letchimy (56 ans), a pour lui son âge ; il tient à la fois le PDM (parti autonomiste fondé par Césaire), la mairie de Fort-de-France et le siège de député. Difficile pour lui de briguer un troisième mandat et, par ailleurs, le partage du reste du pouvoir local entre Marie-Jeanne et Lise (de 15 ou 20 ans ses aînés) lui convient tout à fait. Ces détails le poussent donc à trouver bien des charmes à l’article 73 et donc à la départementalisation, en dépit de ses convictions résolument autonomistes.

 

« Lescrutateur », site tenu d’Edouard Boulogne en Guadeloupe, est une source précieuse d’informations et de réflexions sur les Antilles. J’ai constaté avec plaisir qu’y avait été repris mon récent post sur l’épisode « Marie-Luce Penchard à la séance des questions de l’Assemblée nationale », ce qui montre que la perception et la lecture qu’en a eues E. Boulogne ne sont  nullement celles du Zoïle du blog du Nouvel Obs. Il a même trouvé pour mon texte un titre bien meilleur que le mien : "Allo Maman Bobo!"! Je ne saurais que recommander la fréquentation de ce blog à tous ceux qui s’intéressent à ces questions antillaises.

 

Dans l’un des textes cités par ce blog, on rappelle un slogan du MASU (mouvance communiste, sauf erreur de ma part) « ça ki bon pou zoi, bon pou canna ! » (Faut-il traduire ? « Ce qui est bon pour les oies est bon pour les canards »). L’auteur poursuit ainsi  « C’est l’exacte traduction de cette permanente revendication des Guadeloupéens depuis 1946… le droit commun… le même salaire pour les fonctionnaires… le même passeport… la même citoyenneté… le même smig… le même statut… la même culture… les mêmes valeurs… le même drapeau… le même hymne… la même ambition… les mêmes contraintes… les mêmes obligations… ».

 

Je connaissais ce proverbe créole sous une forme un peu différente : « Sa i pa bon pour zwa, pa bon pour kanna ». Canard martiniquais? Oie réunionnaise ou guadeloupéenne? Autonomie ? Article 74 ? Départementalisation. ? Article 73 ? Bon ? Pas bon ?  ça marche dans les deux sens ! 

 

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M
La plus maligne est encore La Réunion. Dans l'article 73 de la Constitution Française est inscrit que l'île de La Réunion ne sera plus concernée par le changement statutaire. On ne la dérangera plus avec cette question. Alors que nous aux Antilles, nos élus, mécontents de notre réponse au dernier référendum, insistent lourdement, en utilisant toutes sortes de stratégies et de faux prétextes, pour nous faire changer d'avis.
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E
<br /> "Maligne" au sens de "rusée", "intelligente".<br /> La précision est utile, car ce mot est amphibolique, comme aimait à dire le vieux philosophe Vladimir Jankélévitch qui employait volontiers cet adjectif  convenant si bien, sinon à sa pensée,<br /> du moins à son expression!<br /> Le scrutateur;<br /> <br /> <br />
E
Il y'a des années et des années que je murmure sur internet des bribres de mots numérisé à l'éxtreme dans des circuits qui hachent la plus intime de mes convictions politique .
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C
Toujours réagir à "la seule certitude que l'amour de la patrie française arrive en dernière position parmi les motivations".  Cher monsieur, ni plus ni moins que dans n'importe quel département français :Corse, Lozère,Bretagne ou Aveyron... Encore une fois, pas de confusion entre des discours remplis d'arrière- pensées  politiciennes qui,malheureusement monopolisent les médias, et la REALITE d'hommes et de femmes pour lesquels l'appartenance à nation fran-çaise est tellement naturelle, que la question ne se pose même pas! Elle "va de soi". Actuelle-ment en Métropole, je n'entends aucun parisien ou montpellierain ou toulousain, témoigner àlongueur d'onde de son amour pour la patrie... Mais il semble certain que pas une famille gua-deloupéenne (ou martiniquaise) ne soit sans un parent ( au MOINS) en Métropole ; en cette fin d'année scolaire, combien de jeunes antillais ne trouvant pas de formation adéquate à leur orientation sur leur île, sont partis rejoindre des frères,soeurs,oncle,cousins, en métropole, pour acquérir les compétences nécessaires au métier qu'ils envisagent? Combien de guadeloupéens (ou martiniquais), en vacances ou à la retraite, apprécient de faire des séjours plus ou moins longs pour découvrir la France et le racontent à leur retour; exactement comme des compatriotes métropolitains savouraient, jusqu'en Janvier 2009, de venir passer les "rigueurs de l'hiver " chez nous. La multiplicité et la diversité des échanges humains est l'un des "piliers" d'une nation, comme la variété au sein d'une même espèce en fait sa richesse et son originalité; ainsi que sa puissance d'adaptation. Nous en avons bien besoin à l'ère de la mon-dialisation. Les droits à l'éducation, à la santé, à la culture, tous fruits d'une civilisation  font partie intégrante de notre NATIONALITE FRANCAISE historique, qu'on ne saurait nous contester pour des questions de "gros sous".  "Il n'est de richesse que d'Hommes" et l'Outre-mer français y a autant contribué que n'importe quel autre département français,au cours du temps. A ce titre, nous demandons à le rester!                                                                                                               Chantal Etzol    
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