31 Mars 2009
Philosophie : Ontologie du secret, de Pierre Boutang.
( J'ai connu et un peu fréquenté, au début des années 1960 le philosophe Pierre Boutang, à l'époque où il dirigeait l'hebdomadaire La nation française.
Pierre Boutang est né en 1916, à Sainte-Etienne. Très brillant élève, normalien (rue d'Ulm), agrégé de philosophie à l'âge de 22 ans, Boutang avait été l'élève et le disciple de Vladimir Jankélévitch, de Jean Walh, de Joseph Hours, le condisciple d'Althusser, de Jean-Toussaint Desanti, le compatriote et l'ami de Jeanne Parain-Vial. Après un long détour par le journalisme (de 1946 à 1967) il revenait à l'université en 1967, et soutenait en 1973, devant un jury prestigieux une thèse de doctorat d'Etat, qui fut publiée la même année sous le titre de Ontologie du secret. Mais son oeuvre ne ce limite pas à cet ouvrage qui fait date.
Elle couvre plusieurs champs, outre la philosophie. Le roman, la poésie, la critique littéraire (ses articles et études de critique ont été réunis dans deux livres de toute première force Les abeilles de Delphes (éditions des Syrtes) et La source sacrée ( Editions du Rocher). Parmi une trentaine d'ouvrages je note particulièrement l'Apocalyse du désir (Grasset), La Fontaine politique (Albin Michel), Sartre est-il un possédé? (La Table Ronde), Maurras, la destinée, et l'oeuvre (Plon).
L'ontologie du secret, oeuvre capitale vient d'être rééditée dans la prestigieuse collection Quadrige aux P-U-F.
On pourra lire ci-dessous l'appréciation du philosophe Gabriel Marcel, à l'issue de la soutenance de thèse, à la Sorbonne en 1973. Cette "ontologie" est un livre magistral, de lecture difficile parfois, où les philosophes véritables trouveront la matière la plus ample pour réfléchir et s'enrichir de ce trésor d'érudition maîtrisée, arme irremplaçable pour comprendre et combattre le nihilisme qui ronge notre civilisation. Cette édition est préfacée par Jean-François Mattéi, dont j'ai rendu compte récemment sur Le Scrutateur de son beau livre Le regard vide. (Voir dans la catégorie « Philosophie » du blog).
Edouard Boulogne.
ontologie du secret.
Ce livre a fait l'objet d'une soutenance de thèse d'Etat en Sorbonne, le 27 janvier 1973. Au cours de son intervention le philosophe
Gabriel Marcel, qui avait accepté d'être membre du jury, s'adressait en ces termes à l'auteur :
« Je pense, sans aucune exagération, que c'est là un des ouvrages les plus considérables et profondément originaux que nous ayons pu lire depuis des années ; c'est un « monument ». et ceci de bien des manières : par la richesse de l'analyse, par la profondeur de la méditation, et surtout par quelque chose d'autonome qui est exceptionnel. Et, en même temps, cette autonomie n'est pas présomptueuse : on sent que vous êtes toujours heureux de pouvoir vous référer aux plus grands philosophes, à Platon, certes, à Aristote quelquefois, mais aussi à d'autres plus modernes comme Nicolas de Cuse et Vico. Vous ne vous référez pas seulement aux philosophes, mais aussi aux poètes, et il est extrêmement important de noter que ces poètes — je pense à Blake, à Rimbaud — ont joué un rôle absolument positif dans le développement de votre pensée.
« ... J'ai dit que votre thèse est un monument ; je le maintiens, bien que le mot convienne assez mal à quelque chose qui est en effet un itinéraire, le récit d'un voyage; et ici nous pouvons penser à ce qu'a pu être, par exemple, l'Odyssée de la conscience pour Schelling (...) Mais Schelling, comme Fichte, a cru à la possibilité de définir un périple de « la conscience en général » (même si ces mots ne se trouvent pas chez lui) ; cela ne me semble pas du tout conforme à votre manière de penser : nous sommes ici plutôt en présence d'un voyage, je dirais presque une aventure, qui a été vécue. Le mot indique par lui-même ce qu'il y a quelquefois d'un peu hasardeux, de toujours intrépide dans votre démarche. »