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9 Mars 2009
Le sursitaire Jego sur RTL.
Jean-Michel Aphatie : Bonjour, Yves Jégo.
Yves Jégo : Bonjour.
Toujours beaucoup de tensions dans les départements d'Outre-Mer - Réunion, Martinique et la Guadeloupe - qui restent au cœur de cette actualité. Ce matin, dans le
journal "Le Parisien", Laurence Parisot, présidente du Medef, justifie le refus de son organisation de signer l'accord salarial parce que, dit-elle, "on lit dans ce protocole d'accord (je la cite
ou elle cite le protocole, pardon) que l'économie de la Guadeloupe serait une économique de plantations. Cela veut dire, poursuit Laurence Parisot, que c'est une économie esclavagiste. Affirmer
ceci est contraire aux valeurs fondamentales de la république". A-t-elle raison ou a-t-elle tort, Yves Jégo ?
Oui, elle a raison. Le tort a été du Medef local de ne pas participer aux discussions, parce que quand vous n'êtes pas autour de la table, eh bien le protocole qui est signé sans vous, dans
votre dos, est un protocole dont le préambule n'est pas acceptable.
Mais c'est stupéfiant que vous dites ça, Yves Jégo !L'Etat soutient ce protocole d'accord ?
Ah l'Etat ne soutient pas ce protocole d'accord.
Vous soutenez un protocole d'accord contraire aux valeurs de la République ?
L'Etat ne soutient pas le protocole d'accord. Il faut dire des choses justes. C'est un protocole salarial qui n'est en rien ni signé, ni soutenu par l'Etat, qui a été signé...
Vous y participez puisque vous aidez aux augmentations de salaires ?
Mais non, c'est en dehors du protocole d'accord. Le protocole salarial ce sont les augmentations de salaires dans les entreprises, c'est bien ce qui fait d'ailleurs le débat depuis le
début. C'est qu'il fallait trouver un moyen, une méthode pour que les syndicats d'un côté, le patronat de l'autre, signent un protocole d'accord. Ils l'ont fait avec des organisations patronales
minoritaires en Guadeloupe. Ils l'ont fait en Martinique avec le Medef cette fois-ci. J'espère qu'ils vont le faire à La Réunion avec le Medef aussi. Mais l'Etat n'est pas partie prenante dans ce
protocole. L'Etat est partie prenante dans la réforme sociale...
Le préfet, des médiateurs ont participé aux négociations...
Le préfet et les médiateurs étaient là. Ils n'ont rien signé. Ils étaient juste là en médiateurs.
Mais ils cautionnent un protocole d'accord contraire aux valeurs de la République : c'est ce que vous dites, ce matin, sur RTL, Yves Jégo.
Eh bien, ce n'est pas vrai. Ce protocole d'accord, en tout cas son préambule qui en plus n'est pas un objet de droit, qui a été négocié entre le Collectif d'un côté et une partie des syndicats
patronaux de l'autre, ce préambule a des propos qui sont effectivement des propos tout à fait surprenants.
Qui vous choquent, vous aussi ?Comme ils choquent Laurence Parisot.
Evidemment. En quoi ça sert d'avoir...
C'est une information, Yves Jégo.
En quoi ça sert d'avoir dans un protocole salarial un préambule qui met en cause l'histoire et qui met en cause les uns les autres. Le tort et l'erreur qui a été faite, c'est que le Medef local
aurait dû participer à ces négociations parce qu'il aurait pu faire comme en Martinique, c'est-à-dire faire que ces mots ne figurent pas dans le préambule.
Alors, toujours à propos de cet accord. Laurence Parisot dit ce matin : "Le LKP d'Elie Domota est une organisation gauchiste, très politisée qui milite pour
l'indépendance de la Guadeloupe et n'hésite pas à user de menaces et de pressions qui sèment un véritable climat de terreur". Là, vous avez été quelque temps sur le terrain, Yves Jégo. Elle a
raison ou elle a tort, là aussi ?
Laurence Parisot est présidente d'un syndicat de patrons. Elle a sa vision. Elle défend le patronat et elle a sa vision des choses.
Le climat de terreur, l'Etat le fait régner ou pas ?
Je suis ministre de la République, j'ai le souci de la défense de l'intérêt général. Il y a des choses dans l'action du LKP qui ne sont pas admissibles. Je le dis d'ailleurs de façon très claire
; et puis le LKP a fédéré une grande partie de la population de la Guadeloupe sur des combats qui sont des combats qui relèvent des choses qui sont réelles. Il faut savoir dire ce qui est vrai
dans un combat syndical de ce qui est exagéré. Il ne faut pas être manichéen. Il n'y a pas, d'un côté, les gentils et de l'autre, les méchants. Les choses sont beaucoup plus compliquées que ça.
D'ailleurs, si c'était plus simple que cela, ça serait réglé depuis longtemps. Il y a une situation très difficile. Il y a un collectif qui s'est créé. Qu'il y ait dans ce collectif, des gens qui
aient des visées politiques, des visées extrémistes, des visées indépendantistes, même si je ne les ai jamais entendues en parler, c'est vrai. Il y avait aussi à certains moments, 30.000, 40.000
personnes qui soutenaient les revendications de ce collectif ; et on ne peut pas rester sourd à ce qui a été dit par ce collectif. Donc, il y a eu des excès de part et d'autre. Ce qu'il faut
maintenant, c'est qu'on essaie de reconstruire sur les bases républicaines.
Et la Guadeloupe, vous avez l'impression que la situation continuera à se détériorer parce que là, on ne voit pas bien, le climat est quand même très mauvais
encore ?
Non, je n'ai pas le sentiment que la situation va continuer à se détériorer. J'ai le sentiment que notamment les états généraux d'Outre-Mer voulus par le Président de la République offrent une
occasion de travailler à froid, si j'ose dire, sur un nouveau modèle économique, un nouveau modèle social, peut-être même un nouveau modèle politique. La Constitution le permet. Et j'ai le
sentiment qu'après cette période... Vous savez, nous sommes dans des pays de cyclones. Le cyclone, il arrive, il balaie tout et après, on sait qu'il faut reconstruire et qu'il faut reconstruire
ensemble. Eh bien moi j'espère que la force de la République qui est depuis si longtemps, la base même de la société guadeloupéenne, elle permettra de reconstruire et de reconstruire
ensemble avec les patrons, avec les syndicats, avec les hommes politiques locaux, avec l'Etat parce que si on ne le fait pas, on serait bien mal vis-à-vis des générations qui viennent.
Ce sont des vœux assez éloignés de la réalité du terrain, Yves Jégo. Vous voyez bien qu'aujourd'hui, les états généraux, personne n'en parle, personne n'en entend
grand chose.
Pardon de vous le dire. J'ai passé dix jours sur le terrain. Entre vous et moi, je pense que je suis encore celui qui est le plus près du terrain. Si je vous dis que c'est possible de
reconstruire tous ensemble, c'est parce que c'est vraiment ce que j'ai ressenti et qu'au-delà des postures, au-delà des agressions, au-delà des propos inadmissibles des uns et des autres, il y a
quand même une société guadeloupéenne qui est prête à faire ce pari, d'aller de l'avant ensemble ; et c'est sur ce pari-là qu'on doit travailler. Vous savez, la République c'est bien de faire en
sorte qu'on vive tous ensemble et qu'on reconstruise tous ensemble, sûrement pas de voir toujours le pire.
Vous souhaitez que les propos qu'a prononcés Elie Domota, lui vaillent une traduction en justice ?
Non, je n'ai pas à souhaiter. Le procureur s'en est saisi tout comme il s'est saisi, il y a quelques semaines, de propos tenus de l'autre côté, dans un reportage sur Canal Plus. La justice doit
faire son travail. Les lois de la République sont les mêmes pour tout le monde.
Menace de grève générale aussi à La Réunion à partir du 10 mars. Même demande qu'en Guadeloupe : augmenter les bas salaires de 200 euros. C'est justifié ou pas,
Yves Jégo ?
Monsieur Duhamel le disait tout à l'heure, ce n'est pas illégitime que chacun des Départements d'Outre-Mer attende les mêmes réponses. L'Etat appliquera les mêmes mesures. Nous appliquons à La
Réunion le revenu supplémentaire temporaire d'activités, qui est la transformation du RSA, qui n'est pas un accord salarial, qui est un supplément de revenus qui permet d'ouvrir la porte aux
accords salariaux ; et nous apportons avec une loi dont la discussion va commencer demain, les plus fortes réponses jamais apportées pour les entreprises et pour l'économie de l'Outre-Mer...
200 euros de plus pour les bas salaires à La Réunion, c'est justifié ou pas, Yves Jégo ?
Si j'étais chef d'entreprise, je vous donnerais mon sentiment.
Et ce serait non ?
En tant que ministre de la République...
C'est oui ?
... Ce n'est pas à moi de décider du montant de salaires, pas plus dans une entreprise de La Réunion qu'ailleurs.
Mais c'est étonnant ! Vous participez à La Guadeloupe à l'augmentation de salaires puisque l'Etat le finance pour une part, vous ne pouvez pas vous dire extérieur
à ceci, Yves Jégo ?
Je suis extérieur au montant final. Quand l'Etat apporte 100 euros pour les bas revenus avec le revenu supplémentaire temporaire d'activités qui est le RSA transformé, l'Etat apporte une réponse
juste qui est la même réponse que nous apportons en Métrople.
Vous êtes prêt à faire la même chose à La Réunion ?
Oui, bien sûr, à La Réunion, en Guyane et en Martinique. Quand derrière, une entreprise décide d'ajouter à ces 100 euros, 80, 100 euros, 50 euros, ce n'est sûrement pas au ministre à savoir
quelles sont les possibilités de telle ou telle entreprise. C'est comme ça que la société est bien faite. C'est que les patrons défendent les patrons, les entreprises défendent les entreprises,
les syndicats défendent les salariés et le ministre défend l'intérêt général.
On a l'impression que le gouvernement court après les évènements, qu'il est un peu dépassé ?
Ce qui est dépassant, c'est la société telle qu'elle est formatée depuis soixante ans dans ces départements. C'est ça qui est dépassé : c'est le modèle. Le modèle économique, le modèle social, le
modèle peut-être issu de notre Histoire ; et ce qu'il faut reconstruire c'est un modèle plus apaisé, plus fluide, c'est ça le travail à faire. C'est un immense travail et j'avoue qu'il y a du
pain sur la planche.
Yves Jégo, qui a "du pain sur la planche", c'est vrai, était l'invité de RTL ce matin. Bonne journée.
Auteur : Jean-Michel Aphatie