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Le Scrutateur.

Blog destiné à commenter l'actualité, politique, économique, culturelle, sportive, etc, dans un esprit de critique philosophique, d'esprit chrétien et français.La collaboration des lecteurs est souhaitée, de même que la courtoisie, et l'esprit de tolérance.

La chrestomathie du Scrutateur (T).

La chrestomathie du Scrutateur (T).



undefined (St-Paul, par Rembrandt).


T :

Temps : (1970) "Le plus sceptique de tous
Est le temps,
qui fait du "Oui" avec du "Non",
de l'amour avec de la haine,
et le contraire;
Et si le fleuve ne remùonte à sa source,
si la pomme ne rebondit
et ne se remarie à la branche,
c'est faute de patience que tu le crois".

Paul Valéry.

Temps : (1967). "Quelle est la première et la dernière exigeance d'un philosophe vis-à-vis delui-même? Vaincre son temps et se mettre "en dehors du temps". Avec qui devra-t-il donc soutenir le plus rude combat? avec ce par quoi il est l'enfant de son temps".

Frédéric Nietzsche.

Temps modernes (voir aussi "modernité"). (1967) : "L'avènement des temps modernes a marqué la chute d'un grand nombre de puissances de force et d'esprit et ce champ libre n'a guère profité quà l'argent".

Charles Péguy.

Tocsin.

Tocsin : ( 2009) : 

«  En France, on laisse en repos ceux qui mettent le feu et on persécute ceux qui sonnent le tocsin ».

Chamfort.








Tradition : TRADITION :





(1980) : Tradition : "Tradition ne désigne pas principalement ni même peut-être proprement ce qui est tout oral ; ni ce qui pourrait être écrit, compris et traduit par une réflexion analytique et didactique. Autrement on ne s'expliquerait pas qu'on parle (comme dans les textes conciliaires),de traditiones scriptae, de traditions transmises sive voce sive scripto, sive praxi; et il faudrait admettre que la tradition disparaît peu à peu devant les progrès de l'érudition historique qui recueille les témoignages et met sur le papier toutes les formes du folklore. Or de l'aveu commun, la tradition (surtout en matière religieuse) est une source originale, qui ne peut être épuisée, supprimée, remplacée; en sorte que d'après une remarque de Bossuet, dans ce qui est noté littérairement des traditions subsiste un élément irréductible à la notation même. C'est que, selon l'image qu'évoque le sens actif de l'étymologie, et qui n'est pas une simple métaphore, la tradition véhicule plus que des idées susceptibles de forme logique : elle incarne une vie qui comprend à la fois sentiments, pensées, croyances, aspirations et actions. Elle livre par une sorte de contact fécondant ce dont les générations successives ont également à se pénétrer et ce qu'elles ont à léguer comme une condition permanente de vivification, de participation à une réalité où l'effort individuel et successif peut indéfiniment puiser sans l'épuiser. Dès lors, elle implique communion spirituelle d'âmes qui sentent, pensent et veulent, sous l'unité d'un même idéal patriotique ou religieux ; et elle est, par la même aussi, condition de progrès dans la mesure où elle permet de faire passer de l'implicite vécu à l'explicite connu quelques parcelles du lingot de vérité qui ne saurait être complètement monnayé : car, principe d'unité, de continuité, de fécondité, la tradition, à la fois initiale, anticipatrice et finale précède toute synthèse reconstructive et survit à toute analyse réfléchie."

Maurice BLONDEL.

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*(1966) : Tradition et mémoire :

Qui dit esprit dit avant tout conscience. Mais qu'est-ce que la conscience? Vous pensez bien que je ne vais pas définir une chose aussi concrète, aussi constamment présente à l'expérience de chacun de nous. Mais sans donner de la conscience une définition qui serait moins claire qu'elle, je puis la caractériser par son trait le plus apparent : conscience signifie d’abord mémoire. La mémoire peut manquer d'ampleur; elle peut n'embrasser qu'une faible partie du passé; elle peut ne retenir que ce qui vient d'arriver; mais la mémoire est là, ou bien alors la conscience n'y est pas. Une conscience qui ne conserverait rien de son passé, qui s'oublierait sans cesse elle-même, périrait et renaîtrait à chaque instant : comment définir autrement l'inconscience? Quand Leibniz disait de la matière que c'est "un esprit instantané", ne la déclarait-il pas, bon gré, mal gré insensible? Toute conscience est donc mémoire, -conservation et accumulation du passé dans le présent.
Mais toute conscience est anticipation de l'avenir. Considérez la direction de votre esprit à n'importe quel moment : vous trouverez qu'il s'occupe de ce qui est, mais en vue surtout de ce qui va être. L'attention est une attente, et il n'y a pas de conscience sans une certaine attention à la vie. L'avenir est là, il nous appelle, ou plutôt il nous tire à lui : cette traction ininterrompue, qui nous fait avancer sur la route du temps, est cause aussi que nous agissons continuellement. Toute action est un empiétement sur l'avenir."

H.BERGSON.

*(1980) : La tradition ((est la moelle de nos os).

« Quoi de plus simple, dirait-on, que de comprendre la nature de la tradition? D'elle nous savons tout ce qu'on peut savoir. Bien mieux, nous vivons avec elle : la tradition est la moelle de nos os, elle est omniprésente dans notre vie, c'est grâce à elle que notre vie est bien nôtre, c'est-à-dire qu'elle n'est pas la vie des autres. La tradition est notre manière d'être, nos moeurs, ce qui caractérise notre famille, notre religion, notre milieu social, notre nation. C'est parce qu'ils ont leur tradition propre que les Russes sont des Russes, les puritains des puritains, les Sudistes des Sudistes. Que pourrait-on imaginer de plus limpide?
Il faut répondre : presque tout. Car si la tradition est ce que nous venons de dire -et il semble difficile de chicaner cette description-, la tradition est cachée, et elle est cachée par son essence même, par le mode d'action qui lui est propre. La tradition nous forme dans son moule; mais nous restons toujours dans ce moule : impossible de le regarder de l'extérieur. D'ordinaire, les hommes ne connaissent pas leur tradition parce qu'ils la vivent. Cette affirmation n'est pas un paradoxe amusant, ni la plaisanterie d'un bel esprit philosophique. C'est un fait que l'on constate partout : quand les Chinois rencontrèrent pour la première fois des peuples qui parlaient ce que, dans les mêmes circonstances nous appellerions des langues étrangères, ils déclarèrent que ces peuples n'avaient pas du tout de langage, mais gazouillaient comme des oiseaux; et les Grecs, en présence du même phénomène, forgèrent ce mot qu'ils nous ont légués : barbares; car ces êtres, qui avaient l'apparence humaine, en fait émettaient seulement des sons dépourvus de sens : barbarbar. La tradition est ce qui va sans dire pour celui qui vit dans la tradition. Découvre-t-il un être humain qui se conforme à une autre façon de vivre, il s'étonne : ce n'est pas du tout une façon de vivre, il n'est pas naturel de se comporter de cette manière, il est inhumain de brûler des veuves, de manger des grenouilles, d'admettre la polygamie, e manger avec des baguettes, de ne pas accumuler de l'argent. On pourrait allonger la liste indéfiniment. Une remarque suffira : pour chaque exemple, son opposé serait tout aussi naturel du point de vue de cet autre que nous considérons comme barbare; on est toujours le barbare de quelqu'un ».

Eric WEIL.
(In Essais et conférences, tome 1,page 10.)


*Tradition. ( Descartes et la…)

« Il est vrai que nous ne voyons point qu'on jette par terre toutes les maisons d'une ville pour le seul dessein de les refaire d'une autre façon, et d'en rendre les rues plus belle; mais on voit bien que plusieurs font abattre les leurs pour les rebâtir, et que parfois même ils y sont contraints quand elles sont en danger de tomber d'elles-mêmes et que les fondements n'en sont pas bien fermes.A l'exemple de quoi je me persuadai qu'il n'y aurait véritablement point d'apparence qu'un particulier fit dessein de réformer un Etat, en y changeant tout dès les fondements, et en le renversant pour le redresser; ni même aussi de réformer le corps des sciences, ou l'ordre établi dans les écoles pour les enseigner; mais que, pour toutes les opinions que j'avais reçues jusques alors en ma créance, je ne pouvais mieux faire que d'entreprendre une bonne fois de les en ôter, afin d'y en remettre par après, ou d'autres meilleures, ou bien les mêmes, lorsque je les aurais ajustées au niveau de la raison. Et je crus fermement que par ce moyen, je réussirais à conduire ma vie beaucoup mieux que si je ne bâtissais que sur de vieux fondements, et que je ne m'appuyasse que sur les principes que je m'étais laissé persuader en ma jeunesse, sans avoir jamais examiné s'ils étaient vrais. Car, bien que je remarquasse en ceci diverses difficultés, elles n'étaient point toutefois sans remède, ni comparables à celles qui se trouvent en la réformation des moindres choses qui touchent le public. Ces grands corps sont trop malaisés à relever étant abattus, ou même à retenir étant ébranlés, et leurs chutes ne peuvent être que très rudes. Puis, pour leurs imperfections s'ils en ont, comme la seule diversité qui est entre eux suffit pour assurer que plusieurs en ont, l'usage les a sans doute fort adoucies, et même il en a évité ou corrigé insensiblement quantité auxquelles on ne saurait si bien pourvoir par prudence. Et enfin elles sont quasi toujours plus supportables que ne serait leur changement; en même façon que les grands chemins, qui tournoient entre des montagnes, deviennent peu à peu si unis et si commodes, à force d'être fréquentés, qu'il est beaucoup meilleur de les suivre, que d'entreprendre d'aller plus droit, en grimpant au-dessus des rochers et descendant jusques en bas des précipices

C'est pourquoi je ne saurais aucunement approuver ces humeurs brouillonnes et inquiètes, qui, n'étant appelé ni par leur naissance ni par leur fortune au maniement des affaires publiques, ne laissent pas d'y faire toujours, en idée, quelque nouvelle réformation. Et si je pensais qu'il y eût la moindre chose en cet écrit par laquelle on me pût soupçonner de cette folie, je serais marri qu'il fut publié. Jamais mon dessein ne s'est étendu plus avant que de tâcher à réformer mes propres pensées, et de bâtir dans un fonds qui est tout à moi ».

DESCARTES.
(Discours de la méthode,2ème partie, in Pléiade,pp:134-135.)

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(1967) : Tradition (et le holisme des sociétés archaïques).

(Holisme: du grec Holos: "tout entier": point de vue d'après lequel il y a dans le tout quelque chose de plus que dans la somme des parties ).Si la modernité tend à un individualisme de plus en plus grand, à un émiettement social -"le désert de sable" dont parle Maurras-la société traditionnelle est, dans le meilleur des cas solidaire, mais dans ses outrances elle devient contraignante, voire écrasante pour l'individu. Les travaux des ethnologues, Lévi-Brulh, Durkheim, Lévy-Strauss, etc le montre bien dans leur description des sociétés archaïques. Le texte qui suit est extrait du 1er chap d'un livre de Philippe Muller: "La psychologie dans le monde moderne", éditions Dessart.

* « L'individu ,dans le monde archaïque ne compte pas, sinon dans la mesure où il est l'exacte incarnation de ce qu'exige la tradition, de ce que demande l'étroite observance des rites, c'est-à-dire justement par ce qui, en lui, ressemble à chacun, et non par ce qui l'en distinguerait. Le rite prime. Le monde archaïque est comme un organisme fermé sur lui-même, qui renouvelle bien ses cellules composantes, mais seulement sous la forme, et dans le nombre qui sont compatibles avec les besoins de l'organisation elle-même. Et encore l'image nous égare t-elle dans la mesure où elle implique une différence fonctionnelle entre les composantes : non, nous venons de le noter, le "corps social" archaïque n'est pas différencié en classes permanentes, en milieux d'importance comparable, il est plutôt une collection d'individus interchangeables, qui évoque des images de coraux ou de végétaux.(.....)Les procédures de socialisation sont rudes comme la nature ambiante. La société met au pas les individus : ils se soumettent ou s'excluent. Certes, il y a place, dans la collectivité paysanne pour des "déviants" que notre propre société, trop organisée, ne tolère guère : l'idiot du village est un rôle utile, comme la femme qui ne se marie pas, comme l'estropié. Mais ce ne sont que des compromis très limités : dans l'ensemble, il n'y a pas de tolérance pour les déviations. Tellement peu que la déviation a la plus grande peine à se manifester : c'est dès les tout premiers départs dans la vie que la société conforme à ses exigences le nouveau né, dans la façon dont il est accueilli par la sage-femme à l'instant même où il voit le jour, la façon dont il est nourri, dont on répond à ses cris, dont on le berce. Il faut ajouter que ces procédures de socialisation ne sont pas "personnalisées", incarnées par des personnes bien identifiables. Dans les villes plus tard, on sera obligé d'introduire des forces de police, qui ne sont rien que des "spécialistes en socialisation". Il n'y a pas de police dans le village paysan : mais chacun est un peu le policier du voisin. Chacun sait de chacun tout et rien, les moindres incartades les faiblesses(......).
Le sociologue américain Riesman résume cette situation archaïque en disant que l'homme y est dirigé de l'extérieur. Le moule collectif est si étroit, que l'individu ne peut guère en varier les prescriptions. Mais cela signifie aussi que l'individu, comme originalité, ne parvient pas à s'affirmer. Il ne compte même pas comme vie propre.".

Philippe MULLER.

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(1972) : Tradition : (Le texte qui suit est du philosophe et théoricien Charles Maurras(1868-1952).Maurras était monarchiste. Il fondât et dirigea pendant plus de 40 ans le mouvement l'Action Française. Dans son livre (une anthologie de textes écrit à différentes périodes de sa vie)"Mes idées politiques", il écrit notamment dans une importante préface "La politique naturelle" ce texte qui peut servir à une critique et à une meilleure appréciation des idées de J.J Rousseau dans le Contrat social. EB) :

"Le petit poussin brise sa coquille et se met à courir. Peu de choses lui manque pour crier : "Je suis libre...".Mais le petit d'homme?
Au petit homme, il manque tout. Bien avant de courir, il a besoin d'être tiré de sa mère, lavé, couvert, nourri. Avant que d'être instruit des premiers pas, des premiers mots, il doit être gardé de risques mortels. Le peu qu'il a d'instinct est impuissant à lui procurer les soins nécessaires, il faut qu'il les reçoive, tout ordonnés, d'autrui.
Il est né. Sa volonté n'est pas née, ni son action proprement dite. Il n'a pas dit Je ni Moi, et il en est fort loin, qu'un cercle de rapides actions prévenantes s'est dessiné autour de lui. Le petit homme presque inerte, qui périrait s'il affrontait la nature brute, est reçu dans l'enceinte d'une autre nature empressée, clémente et humaine : il ne vit que parce qu'il en est le petit citoyen.
Son existence a commencé par cet afflux de services extérieurs gratuits. Son compte s'ouvre par des libéralités dont il a le profit sans avoir pu les mériter, ni même y aider par une prière, il n'en a rien pu demander ni désirer, ses besoins ne lui sont pas révélés encore. Des années passeront avant que la mémoire et la raison acquises viennent lui proposer aucun débit compensateur. Cependant, à la première minute du premier jour, quand toute vie personnelle est fort étrangère à son corps, qui ressemble à celui d'une petite bête, il attire et concentre les fatigues d'un groupe dont il dépend autant que sa mère lorsqu'il était enfermé dans son sein.
Cette activité sociale a donc pour premier caractère de ne comporter aucun degré de réciprocité. Elle est de sens unique, elle provient d'un même terme. Quant au terme que l'enfant figure, il est muet, infans, et dénué de liberté comme de pouvoir; le groupe auquel il participe est parfaitement pur de toute égalité : aucun pacte possible, rien qui ressemble à un contrat. Ces accords moraux veulent que l'on soit deux. Le moral de l'un n'existe pas encore.
On n'en saurait prendre acte en termes trop formels, ni assez admirer ce spectacle d'autorité pure, ce paysage de hiérarchie absolument net.
Ainsi, et non pas autrement, se configure au premier trait le rudiment de la société des hommes.
La nature de ce début est si lumineusement définie qu'il en résulte tout de suite cette grave conséquence, irrésistible, que personne ne s'est trompé autant que la philosophie des "immortels principes", quand elle a décrit les commencements de la société humaine comme le fruit de conventions entre des gaillards tout formés, pleins de vie consciente et libre, agissant sue le pied d'une espèce d'égalité, quasi pairs sinon pairs, et quasi contractants, pour conclure tel ou tel abandon d'une partie de leurs "droits" dans le dessein exprès de garantir le respect des autres.
Les faits mettent en pièces et en poudre ces rêveries. La Liberté en est imaginaire, l'Egalité postiche. Les choses ne se passent pas ainsi, elles n'amorcent même rien qui y ressemble et, se présentant de toute autre manière, le type régulier de tout ce qui se développera par la suite est essentiellement contraire à ce type-là. Tout joue et va jouer, agit et agira, décide et décidera, procède et procédera par des actions d'autorité et d'inégalité, contredisant, à angle droit, la falote hypothèse libérale et démocratique."

Charles MAURRAS.
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