Noël : Et le coq chanta, un conte de Gisèle de Goustine.
20 Décembre 2007
Rédigé par Edouard Boulogne et publié depuis
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Noël : Un conte de Gisèle de Goustine.
( Il y a quelques années, Gisèle de Goustine, un grande amie de la Guadeloupe, offrit au journal Guadeloupe 2000, ce magnifique conte de
Noël, dont les lecteurs du Scrutateur vont bénéficier à leur tour).
Et le coq chanta.
par Gisèle de Goustine.
Ecoutez-moi, vous tous qui avez le cœur doux, le cœur gonflé de tendresse, illuminé d'espérance, vous tous qui
avez le coeur émerveillé. Je vais vous chuchoter à l'oreille ce qui m'advint une nuit de Noël, et qui, depuis, est resté pour moi plus beau, plus certain que toutes
les tristesses, toutes les incompréhensions du monde.. Le monde, si plein de mystère, n'est ni sourd, ni muet; il répond au langage du coeur. C'est en cette nuit là que j'ai découvert la joie ! Une joie toujours fidèle, frémissante d'une présence certaine, croyante en la vie, en l'amour, en la compréhension de tout ce qui nous
entoure, bêtes et choses. M'écoutez-vous ? Fermez les yeux....
Je vais vous parler à l'oreille, si bas, si bas, que vous ne saurez pas, lorsque je me tairai, qui, de vous ou de moi, vous a raconté cette
belle histoire, plus vraie que vos jouets, que vos friandises, vraie comme le regard infiniment doux de votre maman,la force chaude qui vous pénètre quand vous cachez votre petite main dans celle
de votre papa, vraie ! vraie comme la joie de rêver... C'était le 24 Décembre, Maman me borda soigneusement ; dors, Pierre mon chéri, me dit-elle. L'an prochain, tu seras un petit homme et nous t'emmènerons à la Messe de Minuit. Elle baisa mon front et s’en fut, tira la porte lentement, laissant une raie de lumière blonde couper le pied de mon lit. Je m’endormis. Je
fus réveillé par des bruits de pas, des portes se fermaient avec un tintement de clefs ; je me retournais cherchant de nouveau le sommeil, quand je sentis venir vers moi, à pas feutrés mon
petit compagnon, le chat. Il était tout noir et soyeux avec de grands yeux de topaze. ?IL se glissa dans mes draps, se roula sur ma poitrine entre mes bras et ronronna. Mais à ma grande surprise, je m’aperçus qu’il parlait. Il dit : -Dans une heure il sera minuit, Noël ! veux-tu passer cette nuit avec nous ?
J’ai obtenu cette faveur pour toi parce que tu es toujours gentil avec les animaux, tu respectes les fleurs , tu n’arraches pas les branches sans raison, tu ne détruis pas, tu aimes !
Veux-tu me suivre ? Je m'assis d'un bond, tout heureux des compliments de mon chat, heureux aussi d'apprendre qu'il m'aimait, et très excité à l'idée de passer
la nuit de Noël avec lui et ses amis. — Je viens ! Je viens dis-je, un pied déjà enfoui dans la laine de mes pantoufles. — Mets ta robe de chambre, me dit Minet. Et, sautant au bas du lit il s'assit dans la raie de lumière pour surveiller mon
ha-billement. — Prends ma queue, dit-il enfin satisfait, car l'escalier descen-du, je t'emmène dans le noir. Ma main se posa, un peu tremblante, sur la belle queue soyeuse et nous partîmes. En bas, il se faufila le long de l'entrée, gagna la cuisine déserte et m'entraîna vers le perron au pied duquel une nappe de neige immaculée
s'étendait sur le jardin. Le chien remua frénétiquement la queue en me voyant apparaître, et dit : — Sois le bienvenu, petit homme, mon ami, pour toi aussi la nuit de Noël sera une nuit inoubliable. — Tu peux me libérer la queue, dit le chat gentiment, ronron-nant très fort. Je me baissai un peu et posai ma joue sur la tête velue de mon chien, regardant autour de moi. La lune était éblouissante. Une troublante musique enchantait mon oreille. Le chien nous entraîna vers la basse-cour ; les poules y caquetaient à voix couverte ; je vis des centaines de souris groupées dans un
coin. J'avançais vers elles sans crainte, admirant leurs yeux de jais brillant, mais le chien m'arrêta : — Viens t'asseoir dans le foin, tu auras chaud, ne bouge pas, écoute et regarde ! Le long de la grange on avait tassé du foin à l'abri de la pluie ; je m'y enfonçai avec délice ; le chien s'assit auprès de
moi. Et le coq chanta ! Il sortit aux rayons irréels de la pleine lune, suivi des autres coqs, des poules, des canards, des pintades, des oies, des
dindons. Parfois il s'arrêtait en déployant ses ailes, Jamais je ne l'avais entendu chanter de pareille façon : il semblait appeler et prier en même
temps. Derrière les dindons vinrent les souris, toute une jolie famille de hérissons et, solennels, silencieux, tous les chats de la ferme et des
environs. Le coq chanta de nouveau ! La lumière ruisselait sur la neige, l'air pur résonnait tel un cristal. Le coq se tut sur un magnifique CURUCURUCU UU! qui vibra sans fin de colline en colline. Dans le silence revenu, je vis s'avancer d'audacieux écureuils à la queue en panache, sautant et pirouettant, derrière eux, les lapins
marchaient en remuant gracieusement leurs lon-gues oreilles, puis, venaient faisans et faisannes, perdrix et per-dreaux. Mais quel ne fut pas mon étonnement en voyant pa-raître de nombreux loups au pelage rouge, marchant flanc à flanc, la tête doucement
inclinée. Toutes ces bêtes, sans hâte, trouvèrent place dans la cour et les jardins. Je les suivais des yeux avec émerveillement, lorsqu'un piétinement
sourd se fit entendre : je vis venir les va-ches, les taureaux trapus et magnifiques, les chevaux aux pat-tes velues, aux croupes énormes, les moutons en rangs serrés, avec leurs
chiens. Soudain, se dressant, les ailes ouvertes, le coq chanta plus fort qu'il n'avait jamais chanté. Alors, tous les autres coqs, debout sur leurs ergots, l'entourèrent en levant la tête vers le ciel criblé d'étoiles. Ce fut à cet instant qu'apparurent les oiseaux ; tous les oiseaux des forêts et des champs, des jardins et des cours. •Je discernais des pigeons, des colombes, des moineaux farceurs, des pinsons aux voix hautes, des rouges-gorges fami-liers, des alouettes
escaladeuses d'azur, des rossignols enchan-teurs des nuits d'été. Jamais vous n'eussiez pensé qu'il y en eût tant et vo-tre étonnement eût égalé le mien. — Que va-t-il se passer demandais-je au chien ? Il secoua la tête sans répondre, mais ses yeux, embués de larmes, ne cessaient de regarder au loin. Me serrant contre lui j'attendis en silence, pendant que les oiseaux se perchaient sur les arbres blancs de givre. Les cloches se mirent à tinter au loin dans la campagne. La lune, qui s'était cachée, émergea d'un nuage et nous vîmes venir une
douce brebis toute blanche. Auprès d'elle, marchait un superbe bélier noir. Un âne et un boeuf les suivaient. Aussitôt qu'elles aperçurent CE CHARMANT cortège les
souris accoururent portant chacune une couche de paille dorée. Les oiseaux se mirent à chanter éperdument pendant que la neige se couvrait d'un beau tapis d'or rutilant sur une couche de paille
épaisse faisait un lit moelleux. La brebis blanche poussa un gémissement de lassitude et se laissa tomber au plus profond de la paille souple. Il y eut un long silence pendant lequel on entendait respirer le sombre bélier anxieux. Le coq chanta de nouveau ! Le bélier s'avança, écarta la paille haute et désigna de sa lourde tête le petit agneau resplendissant de beauté qui venait de
naître. Les cloches carillonnaient impétueusement ; ON entendait des chants au loin qui se rapprochaient peu à peu. Les oiseaux volaient
alentour, chacun jouant son arpège de bienvenue. Un à un, humblement, les animaux vinrent se prosterner devant le petit agneau blanc couché entre les pattes soyeuses de sa
mère. L'âne et le boeuf alternaient leur souffle autour de lui et l'enveloppaient d'une vapeur d'argent. Chacun portait un
présent. Les crapauds et les grenouilles faisaient des bulles diamantines tout en coassant en cadence. Les hirondelles et les cigognes avaient apporté
des pays chauds des fleurs odorantes. Lorsque tous eurent défilé devant la mère et l'enfant la neige autour d'eux fut couverte de dons précieux. Les cloches sonnaient toujours,
proches ou lointaines, selon la brise. Les oiseaux se répondaient, égayant la basse des crapauds. Je voulus à mon tour m'approcher du petit agneau dont les yeux s'étaient clos. • Je me levai pour aller vers lui, mes mains étaient vides, je n’avais pas de chanson ! pas de fleur ! pas de goût rosée ni d'herbe tendre,
ni de noisette, ni de petite carotte ciselée comme un corail. Je ramassais de la neige immaculée et, me mettant à genoux près de lui, je lui tendis cette blancheur, mais elle fondit entre mes
doigts chauds et maladroits. Mon regard s'éleva vers lui, désolé, suppliant. Quellee ne fut pas ma surprise de voir à la place de l’agneau un petit enfant radieux, souriant sur les genoux d'une dame
merveilleusement belle. Je saisis alors mon coeur gonflé d'admiration et d'amour et l’élevai vers eux dans le creux de mes paumes tremblantes, il
palpitait sous la lune tel un rubis vivant ; mon âme fondait comme une neige tiédie dans mon corps
frissonnant d’allégresse. - Petit Jésus! Petit Agneau de Dieu ! ai-je crié. Et le coq chanta ! COCOCURUCU-u-u ! Il t'a recon-nu-u-u ! L'aube blanchissait l'horizon. J'envoyais des baisers à la ronde et, suivi du Minet, regagnais mon lit. Quand je m'éveillais tous les coqs chantaient.....