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Le Scrutateur.

Blog destiné à commenter l'actualité, politique, économique, culturelle, sportive, etc, dans un esprit de critique philosophique, d'esprit chrétien et français.La collaboration des lecteurs est souhaitée, de même que la courtoisie, et l'esprit de tolérance.

Défense du Français : un combat économique aussi.

Défense du Français : le combat est économique aussi.

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A la fin de la récente page de son "Journal" : "Le choc des photos, l'écume des rédactions", Aramis, déplorait le massacre de la langue française, dans les médias, mais pas seulement hélas!

Le combat pour la défense de notre langue n'est pas seulement l'affaire d'hommes de lettres épris de beauté.
Un de nos amis parisiens vient de nous adresser un extrait du Journal Officiel, reproduisant un débat récent au Parlement sur cette question où l'on voit que le recul du Français a aussi de graves conséquences économiques. Mais lisons plutôt.
EB).


Assemblée nationale
XIIIe législature
2ème Session extraordinaire

Compte rendu intégral

Séance du mercredi 26 septembre 2007
PRÉSIDENCE DE M. Rudy Salles

Convention sur la délivrance de brevets européens
Motion d'ajournement


M. Jacques Myard. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, j'espère que vous allez bien. (Rires.) C'est l'honneur du député que de parler selon ses convictions, et je n'ai pas pour habitude d'en changer.

M. François Goulard. Hélas ! (Rires.)

M. Jacques Myard. Puissiez-vous faire de même !

C'est le devoir du député de se lever pour dire non lorsqu'il estime que les intérêts de la nation sont en cause.

M. Bernard Deflesselles. Debout, Myard !

M. Jacques Myard. Je suis debout, mon cher collègue. Et si vous ne me voyez pas, vous allez m'entendre !

C'est l'attitude constante que j'ai eue et que j'aurai, même si je dois dire non à mes amis, avec lesquels je partage nombre de valeurs.

Il nous faudrait donc ratifier le Protocole ou Accord de Londres, qui modifie le régime linguistique de la convention sur le brevet européen. Puis-je vous rappeler pourtant, madame la ministre, que vous vous félicitiez, au mois de juillet, du nombre élevé de nos brevets. Dans les Cahiers de la compétitivité, nous lisons que la France se porte bien en matière de dépôts de brevet, puisque nous sommes au deuxième rang européen. Mais voilà qu'aujourd'hui vous estimez que rien ne va plus, que nous ne déposons pas assez de brevets à cause du coût des traductions. J'aimerais donc plus de cohérence dans l'attitude du Gouvernement. On ne peut pas, d'un côté, se féliciter du nombre de brevets déposés en France et, de l'autre, venir nous dire ici que la situation est catastrophique.

Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Nous ne voulons pas nous contenter de la deuxième place !

M. Jacques Myard. Pourquoi devrions-nous donc aujourd'hui impérativement ratifier ce protocole ?

M. Bernard Deflesselles. Parce que c'est le bon sens !

M. Jacques Myard. Oui, mais le bon sens qui va à reculons. J'ai, à ce propos, entendu avec beaucoup d'intérêt, monsieur Novelli, les mesures que vous proposez et qui, à l'évidence vont, elles, dans le bon sens.

Car vous avez conscience que ce protocole de Londres, deus ex machina qui prétend améliorer le dépôt de brevets, ne servira en réalité à rien. Vous affirmez que le nombre de dépôts a augmenté en France de 2 ou 3 % quand on a baissé les coûts, alors qu'il s'agit en réalité d'une quasi-stagnation, en comparaison des autres pays. Cela constitue bien, à mon sens, un aveu de votre part que ce protocole est inopérant.

Soyons clair, il présente certains avantages, puisque nous n'aurons plus à demander la traduction des descriptions en allemand. Dont acte. Mais que l'on ne dise pas pour autant que c'est le coût de la traduction qui fait obstacle aux dépôts de brevet.

J'ai entendu ce matin M. Jouyet expliquer sur France Info qu'il était scandaleux que coexistent vingt-trois régimes linguistiques dans le système européen des brevets. Vous n'avez pas démenti, mais c'est de la manipulation ! C'est faux, parce qu'en l'état actuel, il n'est pas besoin de demander la validation dans les trente États et les vingt-trois régimes linguistiques. Si vous étiez un tant soit peu doué en droit communautaire, vous sauriez qu'il suffit de valider les brevets dans quatre ou cinq États. C'est suffisant pour bloquer le système.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Eh oui !

M. Jacques Myard. Demander la validation en RFA, en Angleterre, en Italie et en Espagne permet d'obtenir immédiatement un marché de trois cents millions d'habitants et d'interdire à de petits États d'exploiter une invention similaire, car la législation européenne et la jurisprudence de la Cour de Luxembourg empêchent leurs produits de pénétrer votre marché.

M. Benoist Apparu. Évitez quand même de déposer en RDA, ça ne marchera plus !

M. Jacques Myard. Ne vous en déplaise : il s'agit bien de la République fédérale d'Allemagne !

Cessez donc de dire qu'il faut traduire les brevets en vingt-trois langues. C'est de la manipulation totale ! Une traduction dans quatre ou cinq langues suffit, et c'est la raison pour laquelle le brevet communautaire ne progresse pas : on n'en a pas besoin. Un brevet national fait l'affaire et il reste moins cher, à moins que l'on ne baisse les redevances sur les validations.

Vous prétendez que le coût des traductions serait rédhibitoire, car il représente, selon le rapporteur, de 30 à 40 % du coût du dépôt. Mais le problème, ce n'est pas le coût du dépôt : c'est le coût global qu'il faut prendre en compte.

Car la validation et la traduction n'interviennent que trois ou quatre ans après le dépôt du brevet à Munich, c'est-à-dire à un moment où l'invention est exploitée sur un marché de trois à quatre cents millions d'habitants. À ce stade, votre brevet vous confère une situation de monopole pour vingt ans et, dans ces conditions, le coût de la traduction ne représente plus que 10 % du coût global.

J'ai ici des lettres de gérants de PME on ne peut plus éloquentes : « Je souhaiterais vous apporter mon témoignage de gérant de PME » dit l'une d'elles. « La traduction des brevets d'invention, cheval de bataille du Protocole de Londres, ne représente qu'une goutte d'eau dans l'océan des taxes de maintien que nous payons pour protéger nos brevets. » C'est ça la vérité : 75 % du coût du brevet européen sont liés aux redevances versées à l'OEB et non aux dépenses de traduction. Comparons ce qui est comparable ! Le coût d'une traduction pour les cinq grands pays que j'ai cités tout à l'heure, c'est 6 000 euros sur 70 000. Personne ne pourra me prouver le contraire. Il faut donc prendre en compte le coût global et non le coût du dépôt.

M. Jean-Michel Fourgous. Mais le problème du coût se pose dès le dépôt ! Avez-vous jamais déposé un seul brevet ?

M. Jacques Myard. Pas plus que vous ! Le problème ne se pose pas au début, car on ne valide qu'a posteriori. Il existe une différence entre le chercheur et l'entreprise qui va s'offrir un marché de trois cents millions d'habitants et faire des profits en conséquence. La traduction n'intervient qu'au bout de quatre ou cinq ans.

M. Jean-Michel Fourgous. Elle ne sert plus à rien, alors !

M. Jacques Myard. C'est l'OEB qui valide et vous ne demandez pas de traduction si vous n'obtenez pas la validation.

Vous prétendez que nous sommes les derniers à bloquer et que les autres vont suivre. Mais vous n'entraînerez ni l'Espagne ni l'Italie, qui ont compris où était leur intérêt et n'adhéreront jamais à ce système.

M. Jean-Michel Fourgous. Ne faites pas croire que l'Espagne et l'Italie défendent votre position : elles préfèrent le tout-anglais !

M. Jacques Myard. Non, vous serez obligés de traduire pour l'Espagne et l'Italie. De surcroît, l'Autriche et l'Irlande ont décidé qu'elles ne participeraient pas non plus.

Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. L'Irlande a déjà signé !

M. Jacques Myard. C'est une première asymétrie, car les entreprises autrichiennes ou irlandaises bénéficieront du Protocole de Londres, mais pas nous. Au surplus - et c'est le point important, même si M. Novelli le repousse d'un revers de main -, la plus grande asymétrie réside dans l'OEB et le système mondial des brevets. Or je n'ai eu aucune réponse lorsque j'ai mis en avant cet argument.

Vous avez déclaré, monsieur Plagnol, que ce qui se passait avec les États-Unis n'était pas notre problème, car nous nous situions sur le segment européen. La belle affaire ! Le système mondial des brevets repose sur l'accord sur la coopération en matière de brevets de 1970, le Pattern Cooperation Treaty, qui permet de bénéficier, à partir de Munich ou de la France, de l'extension d'un brevet européen aux États-Unis. Ce qui fait que les Français - car, monsieur Novelli, la plupart des brevets déposés à Munich sont des brevets pour lesquels les entreprises françaises demandent une extension vers les États-Unis - sont obligés de traduire leurs brevets en anglais.

Nenni pour la réciproque ! Par le jeu combiné de l'accord sur la coopération des brevets et de l'OEB, les brevets américains sont applicables en France sans être traduits. Bravo ! (M. Philippe Folliot et M. Nicolas Dupont-Aignan applaudissent.) Nous servons sur un plateau d'argent aux Américains un avantage prodigieux.

M. Jean-Michel Fourgous. Et revoici le couplet anti-américain !

M. Jacques Myard. Je ne suis pas anti-américain, je suis avant tout Français, ne vous en déplaise.

Les Américains ont parfaitement compris qu'un brevet n'est pas simplement un monopole d'exploitation, mais également une arme anticoncurrentielle. Là-dessus, je vous rejoins, madame la ministre : c'est ce qu'il faut enseigner, pas simplement dans les écoles d'ingénieurs comme une sous-option, mais dans les écoles de commerce. Les Américains utilisent le brevet moins pour l'exploiter que pour empêcher les autres de le faire en monopolisant le marché. Ils présentent pour cela des patterns tickets, dans lesquels s'agrègent, autour d'un brevet valide, des dizaines de brevets qui ne valent pas un clou mais qui seront automatiquement étendus à la France, sans qu'il soit possible de vérifier ce qu'ils valent, puisque, pour le vérifier, il faudrait les traduire.

Cela revient à renverser la charge de la preuve, ce qui met les entreprises françaises en difficulté. En effet, si une petite entreprise française veut exploiter un brevet et le dépose d'abord à l'INPI, puis à l'OEB, elle reçoit un coup de fil d'un cabinet américain qui l'avertit que les États-Unis possèdent déjà une dizaine de brevets sur la même technique et fait peser sur lui la menace d'un procès. Fin de l'histoire pour la PME, alors que les brevets américains ne valaient pas un clou !

Et ne venez pas me parler, madame Pecresse, de la recherche d'antériorité de brevets de l'OEB. Même si les choses fonctionnent mieux qu'au Japon et aux États-Unis, l'OEB n'est pas à la hauteur de sa tâche en matière de brevetabilité. Il pratique, on le sait, une politique de boutiquier, car sur chaque brevet accepté il touche une redevance. C'est aussi simple que ça !

Le jeu combiné de l'accord sur la coopération des brevets et du Protocole de Londres futur va donc mettre nos entreprises en situation de concurrence déloyale. Gribouille n'aurait pas fait mieux !

Au-delà des avantages à court terme, il faut donc regarder où l'on va. Ce n'est pas en baissant les coûts que l'on va augmenter le nombre de brevets déposés dans notre pays, puisque nous avons en France les brevets les moins chers d'Europe.

M. le secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur. Ce n'est pas non plus en les augmentantŠ (Sourires.)

M. Jacques Myard. Il y a plus grave encore, et je m'adresse à vous, madame la ministre, qui sortez d'une maison du Palais-Royal où quelques Hurons, pour reprendre un article bien connu, pensent encore le droit : c'est la question, déjà évoquée par M. Vauzelle, de l'accès au droit dans sa langue.

On nous explique que les revendications sont traduites en français. Mais c'est un français de très mauvaise qualité, auquel on ne comprend souvent rien.

Rappelons que Munich, c'est aujourd'hui cent mille brevets par an, dont 93 % libellés en anglais et en allemand. Wer spricht deutsch hier ? 27 % concernent notamment la chimie lourde. Pas facile de comprendre la chimie lourde sans traduction, même quand vous êtes ingénieur.

Nous dire que le système prévu par le protocole de Londres est bon, ce dernier ne retenant que l'obligation de traduire les revendications, n'est franchement pas sérieux. Avez-vous déjà vu un brevet ? (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur. On en a même déposé !

M. Jacques Myard. Alors, vous avez un avantage sur moi. Je vais quand même vous dire ce qu'est un brevet.

M. Jean-Michel Fourgous. Nous sommes très impressionnés !

M. Jacques Myard. J'ai travaillé sur la propriété intellectuelle avant vous !

Qui dit brevet dit descriptions. Or, monsieur Jouyet, vous avez dit que les revendications constituent le c¦ur du brevet et que les descriptions ne sont faites que pourŠ je ne sais pasŠ la concierge ! Monsieur le secrétaire d'État, vos propos, qui figureront au Journal officiel, vous seront reprochés votre vie durant ! (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes. S'il n'y a que ça !

M. Jacques Myard. Je vais vous montrer ce qu'est un brevet !

En voici un, avec sept pages de revendications ! Je vous en lis une : « Appareil destiné à appliquer une tension sur un enroulement de bande selon la revendication 1 ou 2 dans lesquelles les éléments d'application de pression (2, 3, 6, 7, 102, 103, 106, 107, 202, 203, 302, 303) sont supportés par une structure (4, 41, 45, 8, 81, 85, 104, 141, 145, 204, 241, 245, 304), etc., etc. » (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Pouvez-vous abréger, monsieur Myard !

M. Jacques Myard. Non, monsieur le président, j'utilise mon temps de parole !

À quoi ces chiffres correspondent-ils ? Eh bien ! ils renvoient directement aux descriptions : 178 pages ! Et vous voulez nous faire croire, monsieur Jouyet, qu'on pourra comprendre ce qu'est une revendication sans la traduction des descriptions ?

M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes. Mais vous les aurez !

M. Jacques Myard. Monsieur Jouyet, calmez-vous ! (Rires.)

M. le président. Monsieur Myard, pas vous, pas ça !

M. Jean-Michel Fourgous. C'est vraiment Au Théâtre ce soir !

M. Jacques Myard. Cher monsieur le secrétaire d'État, j'ai beaucoup d'amitié pour vous, mais vous ne pouvez pas comprendre la portée du brevet et les revendications si vous ne disposez pas de la description dans votre langue. C'est une évidence ! Tous les conseils en brevets, tous les industriels le savent. Prétendre le contraire procède d'une malhonnêteté intellectuelle !

M. Nicolas Dupont-Aignan. Très juste !

M. Jacques Myard. Il a fallu quatre ingénieurs musclés pour arriver à traduire les descriptions de ce brevet, d'origine japonaise, que j'ai entre les mains !

M. Jean-Michel Fourgous. Mais quel rapport ?

M. Jacques Myard. Monsieur Fourgous, si vous ne voyez pas le rapport, c'est que vous n'avez pas compris ce qu'est un brevet ! Ce que j'explique est la preuve que la pauvre petite PME, face à un « buisson de brevets », va être complètement perdue !

J'en viens à l'accès au droit.

Selon M. Goulard, l'important est la veille technologique. Dans ce domaine, toutes les entreprises rencontrent de réels problèmes : il n'y a pas de traduction au moment où les brevets sont déposés à l'OEB ; les traductions seront effectuées s'ils sont validés, soit quatre ou cinq ans après.

Ce problème existe pour la Chine, pour l'Inde, pour tous les États. On peut regretter que, au moment du dépôt, en dehors de la langue de travail, il n'y ait pas des traductions minimales. Monsieur le secrétaire d'État, en prétendant que les revendications sont importantes et qu'on se moque des descriptions, vous oubliez une chose.

M. Jean-Michel Fourgous. Mais qui a dit cela ?

M. Michel Piron. C'est vous qui le dites !

M. Jacques Myard. Un brevet vit vingt ans, pas seulement quinze ans, monsieur le secrétaire d'État. Et les PME ont des difficultés à se retrouver dans la masse de brevets - 100 000 par an en France. Au bout de cinq ans, elles auront oublié ou pas vu ce qui s'est passé, et seront incapables d'accéder aux descriptions en langue anglaise - sans même parler de l'allemand, car il y a aujourd'hui encore moins de Français qui parlent l'allemand que l'anglais, alors que l'allemand est la langue la plus parlée en Europe.

Se pose dès lors un problème constitutionnel grave : celui de l'accès au droit dans sa langue.

Imaginons que je sois une PME française. (« Une TPE ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Rires) Si vous voulez : une petite PME, une TPE ! Small is beautiful ! (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Au bout de cinq ans, un Américain, ou un Allemand, me tombe sur le râble en m'accusant de contrefaçon. La contrefaçon est un délit objectif, un délit pénal ! Nous nous retrouvons donc au tribunal pour un procès ; et j'exige alors la traduction.

M. Jean-Michel Fourgous. C'est le président du tribunal qui décide ! C'est quasi-automatique !

M. Jacques Myard. Ça passe devant le TGI, cher ami !

Au procès, je dis : je suis désolé, je n'ai pas vu qu'il y avait contrefaçon parce je n'ai pas compris le brevet ! On ne peut pas m'appliquer une loi pénale en se fondant sur une langue qui n'est pas la mienne !

C'est un problème grave sur lequel le Conseil constitutionnel ne s'est pas prononcé dans la fameuse décision que vous avez évoquée et que j'avais provoquée.

M. Jean-Michel Fourgous. Et qui a été rejetée !

M. Jacques Myard. Comme vous.

Donc, je vous souhaite bien du plaisir ! Nous sommes face à un réel problème : on va pouvoir condamner une entreprise française sur la base d'un texte étranger. Et ne venez pas me dire qu'il sera traduit : ce sera trop tard, la contrefaçon sera établie !

M. Jean-Michel Fourgous. Soyons concrets : cela arrivera dans combien de cas ?

M. Jacques Myard. La contrefaçon étant un délit objectif, l'entreprise française sera coincée sur la base d'un texte étranger qu'elle n'aura pas compris. Il y a donc un problème constitutionnel majeur !

Nous avons tout à l'heure accepté la CBE 2000 - et j'ai voté pour. Cela veut dire qu'on peut modifier les revendications en fonction des descriptions - article 105 b de la Convention - et que l'on peut modifier la portée juridique du brevet en cours de vie, sans examen au fond par l'OEB. Cela signifie, et c'est extrêmement important, que le brevet va évoluer dans ses revendications en fonction des descriptions, car il faut aller chercher dans les descriptions non traduites les éléments supplémentaires pour limiter la portée du brevet : c'est le sens de l'article 105 b !

Cela crée une incertitude juridique majeure à partir du moment où les revendications vont évoluer en fonction de descriptions non traduites. 178 pages, chers collègues ! Vous pouvez hocher la tête, messieurs, mais c'est la vérité ! (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

J'entends dire ici que les descriptions ne seraient pas consultées. Il y a quand même 2 000 consultations par an !

M. Jean-Michel Fourgous. Nous n'avons pas les mêmes chiffres !

M. Jacques Myard. Cela signifie que 2 000 entreprises vont voir ce qu'il en est à l'INPI, ce qui n'est pas négligeable - sans compter toutes celles qui n'y vont pas, découragées par la perspective d'avoir à chercher dans le fatras de papiers de l'INPI, alors que Google est en train de mettre tout cela en ligne ! Je le regrette, et j'espère que vous donnerez des instructions très fermes à l'INPI pour la mise en ligne des brevets, traduits bien sûr.

Je vais maintenant soulever un point qui me reste en travers de la gorge.

Nous avons signé en 2000 ce fameux protocole. Seulement, ce que vous oubliez de préciser, c'est que le chef de la mission française qui l'a signé à l'époque l'a fait en contradiction flagrante avec ses instructions. Voilà la réalité.

M. François Goulard. Et alors ?

M. Jacques Myard. Je vais plus loin, car je connais un peu ce milieu-là.

J'ai trop souvent vu de hauts fonctionnaires français - et je peux vous donner des noms, madame la ministre (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) - bafouer les intérêts nationaux et faire de belles risettes aux Anglo-Saxons. Savez-vous pourquoi ? Tout simplement parce qu'ils pensent qu'après avoir été directeur de l'INPI, il y a mieux : on peut devenir directeur à l'OEB, directeur des marques, et, bien sûr, si on peut avoir le vote des Anglais, des Allemands, des Américains, c'est mieux.

Et voilà ce qui s'est passé pour la signature du Protocole de Londres. Je le dis solennellement du haut de cette tribune : l'individu qui a lâché la langue française l'a fait en contradiction avec les instructions gouvernementales de l'époque !

La langue française est notre identité, comme l'ont joliment souligné M. Vauzelle et mon collègue Nicolas Dupont-Aignan. Je voudrais donc vous mettre en garde : qu'on le veuille ou non, dans dix ans, la bibliothèque des brevets en France sera une immense bibliothèque scientifique en anglais, en allemand, mais à 10 % seulement en français.

M. Jean-Michel Fourgous. C'est le cas actuellement !

M. Jacques Myard. Pas du tout, ils sont tous traduits aujourd'hui ! Ils sont tous traduits dans les descriptions et nous avons une bibliothèque phénoménale en langue française ! Mais à cause du Protocole de Londres, la bibliothèque scientifique mise à disposition de l'ensemble de la communauté nationale sera essentiellement en langue anglaise et en langue allemande.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Absolument !

M. Jacques Myard. Quelle avancée fantastique de la place du français dans notre propre pays ! C'est grave.

Je vais vous dire une chose que je ne suis pas seul à penser. Les hommes ne se battent pas pour un coût dérisoire de traduction : les hommes se battent pour leur langue. La Belgique est en train d'imploser ; la Yougoslavie a explosé à cause de querelles linguistiques ; l'URSS - qui en a rajouté avec son système obsolète - et l'Autriche-Hongrie également. Je suis convaincu que, demain, les États-Unis auront un problème avec la poussée des hispanophones.

Prenez garde ! Car, aujourd'hui, une formidable colère est en train de monter dans les entreprises françaises, relayée par tous les syndicats, y compris de cadres, face à l'emploi de l'anglais. Cette ratification vient à un mauvais moment et est perçue, que vous le vouliez ou non, comme allant dans le sens du tout-anglais. Cette colère va se retourner contre vous - cela a d'ailleurs déjà commencé.

Les bénéfices promis par le Protocole de Londres sont donc parfaitement illusoires. Comme je vous l'ai dit, le faible nombre des dépôts en France est dû à l'absence d'enseignement - nous l'avons tellement clamé que vous commencez à l'entendre, et je m'en réjouis. Il ne faut pas oublier non plus, même si cela ne fait pas plaisir, et l'ancien garde des sceaux ici présent le sait, que si les entreprises françaises ne déposent pas de brevets, c'est qu'elles n'ont pas confiance dans le système judiciaire français. Pourquoi déposer un brevet si l'on met dix ans à gagner un procès en contrefaçon ? C'est la raison pour laquelle les entreprises se concentrent sur leurs secrets de fabrication, gardent jalousement leurs procédés, qu'elles ne divulguent jamais. Voilà la réalité.

On me rétorque : si nous ne ratifions pas le Protocole, nous serons isolés. Et alors ? (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. François Goulard. Regardez vous ! Voilà ce que ça donne d'être isolé !

M. Jacques Myard. Je ne suis pas isolé, j'ai derrière moi une immense majorité de gens !

M. le président. Il vous faut conclure, monsieur Myard.

M. Jacques Myard. Je vais conclure, monsieur le président.

Permettez-moi de vous dire, messieurs, et M. Jouyet l'a d'ailleurs indiqué : vous avez juridiquement tort, donc politiquement tort. Pourquoi avez-vous juridiquement tort ? Parce que, aujourd'hui, le français est la langue de l'OEB, qu'aucun accord ne peut s'y opposer - même s'il y avait un accord germano-je-ne-sais-quoi, quel en serait l'intérêt ? Relisez la Convention de Vienne sur les traités : il n'y a aucun danger ! Certains peuvent craindre d'être isolés, mais quand on tient bon, on résiste et on gagne !

© Assemblée nationale
 

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