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Le Scrutateur.

Blog destiné à commenter l'actualité, politique, économique, culturelle, sportive, etc, dans un esprit de critique philosophique, d'esprit chrétien et français.La collaboration des lecteurs est souhaitée, de même que la courtoisie, et l'esprit de tolérance.

Qu'est-ce que la Franc-Maçonnerie? par Edouard Boulogne.

Qu'est-ce que la Franc-Maçonnerie?


       


                    «  Je m’engage à garder inviolablement le secret maçonnique, à ne jamais rien dire et écrire sur ce que j’aurais pu voir ou entendre pouvant intéresser l’ordre, à moins que je n’en ai reçu l’autorisation et seulement de la manière qui pourra m’être indiquée ».
                        Roger Leray.
                    (Grand Maître du GODF).





Il flotte presque toujours autour de la Franc-Maçonnerie, un parfum de scandale, une aura mystérieuse, assez inquiétante. Elle serait une sorte de secte, mêlée à des affaires- politiques, financières- peu respectables. Telle une pieuvre, ou une mafia, elle étendrait partout des tentacules voraces, placerait des « créatures », ses pions, ses espions, partout, dans tous les lieux de pouvoir ou d’influence, dans les partis politiques, les milieux d’affaires, l’université, la justice, les médias, et même… l’Eglise catholique, apostolique, et romaine !
    Il y a beaucoup de vérité dans cette rumeur. Ce n’est pas cependant cet aspect des choses que j’analyserai dans cette courte étude, car il ne manque pas de livres, de numéros spéciaux de revues ou de magazines qui en parlent abondamment, et parfois talentueusement, comme il en est pour le livre de Ghislaine Ottenheimer et Renaud Lecadre, Les frères invisibles , (1) paru récemment.
Il y a probablement plus de vérité dans cette rumeur, que dans tout ce que la Maçonnerie dit d’elle-même, et pour ma part je ne peux l’évoquer sans penser au mot de Fénelon dans Télémaque : « Des services ! Des talents ! Du mérite ! Bah ! Soyez d’une côterie » !
    Mais je voudrais plutôt mettre la lumière, si j’ose dire, sur l’histoire, et l’idéologie, dont se réclament les F.M , qui n’est peut-être pas la raison principale pour laquelle on adhère, mais assurément celle dont on se réclame, toujours en termes nobles et généraux : « l’amour de l’humanité », « l’humanisme », « la tolérance », la « laïcité », etc, ainsi que de grands noms, dont on se couvre, et se pare : Montesquieu, Voltaire, Proudhon, etc !

(1) Légendes et histoires.

Selon la légende, la F.M aurait plus de 6000 ans. J’ai sous les yeux, par exemple, le livre que vient de publier Alain Bauer, Grand Maître du Grand Orient de France.(2) A la page 170, à la fin de l’ouvrage, juste avant un recueil d’annexes, le grand Maître signe et date : « Orient de Paris, le 1er jour du 7è mois de l’ère maçonnique 6001 ».
L’une des plus anciennes r
éférences de la légende maçonnique est la personne d’Hiram, architecte et fondeur, dont il est question dans la Bible, au livre des Chroniques, et qui fut un maître d’œuvre dans la construction du Temple de Salomon.
    Hiram avait organisé, en vue de la construction du Temple, les artisans en trois groupes : les Apprentis, les Compagnons, et les Maîtres. Tripartition hiérarchisée, les Maîtres étant les détenteurs du plus gra
nd savoir-faire, des plus grands secrets, et de la Sagesse.
Alors que les travaux touchaient à leur fin un complot fut ourdi par trois compagnons, mécontents de leur salaire, et aussi de n’avoir pas été admis au grade de Maître. Ils décidèrent d’en obtenir la collation, par la force, en contraignant le grand Maître Hiram à le faire en prononçant les formules adéquates. Chacun des trois l’attendit à une des trois portes du Temple. Mais, ne pouvant obtenir gain de cause, ils le frappèrent, -Hiram, tentant de fuir, allant de l’un à l’autre-, l’un d’un coup de règle à la gorge, l’autre d’un coup d’une équerre de fer sur le sein gauche, le troisième un coup de maillet sur le front qui l’acheva.
    Récit légendaire mais dont la portée symbolique est importante. Car cet assassinat est au fond un affranchissement d’Hiram l’Initié, sur le triple plan matériel, psychique, et men
tal.(3)
Quittant la légende pour l’histoire il nous faut maintenant évoquer la maçonnerie opérative.
Cette « maçonnerie » ne semble pas avoir grand chose de commun avec la franc-maçonnerie, que j’évoquais tout au début et qu’on appelle la maçonnerie spéculative.  
« L’opérative » concerne les associations de métier du moyen âge, les corporations d’ouvriers maçons, et architectes qui, notamment construisirent églises et cathédrales. Le savoir-faire professionnel s’y transmettait par la coopt
ation et l’initiation qui, par définition implique l’usage du secret. Ces corporations, prestigieuses, échappaient aux servitudes (impôts et taxes) seigneuriales. Leurs membres exerçaient donc des « francs » métiers. Francs, au sens de liberté, exemption. Les ouvriers maçons et leurs encadrements sont donc, dans le langage de l’époque « francs », ou libres. Les corporations, on le sait, commencent à décliner à partir du 15è siècle. Nous sommes loin de la Franc-Maçonnerie actuelle, bien qu’il y ait un lien que nous allons découvrir.

(2) Le 18è siècle et la Franc-Maçonnerie spéculative.

C’est en Angleterre, au début du
18è siècle que va naître la maçonnerie moderne, quand des corporations traditionnelles, entreprenant de se réformer, acceptent en leur sein des ecclésiastiques, des nobles, des bourgeois, bref, ce que nous appelons aujourd’hui des « intellectuels ». Ces corporations vont très vite changer de nature. C’est l’époque où les réunions vont se tenir en « loges ».
    En 1717, quatre loges de Londres décident de fusionner et constituent la Loge de Londres, sous la direction de Jean-Théophile Désaguliers. Cette loge, quelques années plus tard, en 1723, publie ce qui deviendra la Charte de la Franc-Maçonnerie, con
nue sous le nom de Constitutions d’Anderson, du nom de son principal rédacteur.
    L’histoire de la Franc-Maçonnerie se déploie d’abord en Angleterre, où elle suit les vicissitudes du temps. On distingue alors les loges orangistes (protestantes) et les loges jacobistes (catholiques).
    Très vite le nouveau mouvement « philosophique » s'implante en France, dès 1725-26, sous le patronage anglais.
    En 1740 on y compte déjà 25 loges. En 1784 on compte en France (et dans les colonies) 567 loges, et 60000 maçons.
    C’est en 1728, qu’est créée une première Grande Loge, qui se transforme en 1773 en Grand O
rient de France, dont le premier Grand Maître est le duc d’Orléans, cousin du roi, futur régicide, et futur …. décapité !
    Tout au long du 18è siècle, dans toute l’Europe où elle se répand, la Franc-Maçonnerie est très aristocratique ; elle regroupe des gens très différents dont un grand nombre d’ aufklärers, des artistes (Mozart, Beethoven), mais aussi des « illuminés » (branche « mystiques de la F.M : Cagliostro, Mesmer, de St-Martin, etc).C’est à cette branche « mystique » que se rattachent les «Roses-Croix, qui constituent le 4è degré du rite français, et le 18è degré du rite Ecossais Ancien et Accepté.

    Cette progression de la Maçonnerie ne s’effectue pas sans heurts et oppositions, tant internes au mouvement, qu’externes. Par exemple, dès 1738, tombe la première condamnation par l’Eglise catholique, qui restera, à l’époque, non suivie d’effets.
    En Amérique, la F.M se répand très vite, et joue un rôle capital dans la naissance de l’Union. La plupart des pères fondateurs sont en effet des Frères : Franklin, Washington, etc).
    Des controverses passionnées ont lieu également pour savoir si la Franc-Maçonnerie a exercé
la même influence dans la préparation et le développement de la Révolution française, dite de 1789. Toute une école historique, dans la mouvance d’un père jésuite, Augustin Barruel (4) penche pour un complot préparé de longue main contre la monarchie française séculaire. Cette thèse est discutée, mais il est certain que la Franc-Maçonnerie a joué un rôle certain dans ce séisme historique. Certains Frères, et non des moindres, ont joué d’ailleurs le rôle d’apprentis sorciers dans cette affaire, tel le duc d’Orléans qui ne voyait dans la Révolution qu’un moyen d’abattre Louis XVI, pour s’y substituer, mais qui fut très vite, lui-même emporté dans la tourmente. (5)
    Sur le rôle de la F. M dans le déroulement de la Révolution, on peut citer parmi beaucoup d’autres, l’anecdote citées par Serge Hutin dans son livre déjà évoqué, sur la célèbre bataille de Valmy, remportée contre les Autrichiens, et pratiquement sans combattre par les troupes françaises révolutionnaires. « Valmy, une curieuse victoire, écrit Serge Hutin, Les Autrichiens ont été étrangement passifs ce jour-là, et s’en sont retournés sans avoir combattu. Le duc de Brunswick, commandant en chef, était complètement ruiné ; à son retour, il rembourse pour plus de huit millions de dettes, en monnaie de l’époque ». La « victoire » a-t-elle été négociée par les "Frères" Danton, Lebrun et Dumouriez avec Brunswick, neveu de l’ancien chef de la Strict
e Observance ? Il y a anguille sous roche ».

(3) Les vicissitudes du 19è siècle.


Au 19è siècle, tel Protée, la Franc-Maçonnerie, s’adapte aux situations variées qu’offre un siècle tumultueux entre tous. Sous le premier empire, elle est bonapartiste, et le Grand Maître est Lucien Bonaparte. Puis, royaliste, légitimiste, et Orléaniste de 1815 à 1848, rallie la 2è république, avant de se faire Bonapartiste new look sous Napoléon III, avant de connaître son âge d’or sous la 3è République. Gambetta, Jules Ferry, Edouard Herriot, et la plupart des hiérarques de la 3è seront des maçons de haut grade.
    Ils seront présents dans toutes les grandes affaires, dont ils peuvent s’enorgueillir, (affaire Dreyfus), mais aussi les « affaires », (scandale du canal de Panama). Ils président à la séparation, difficile et tumultueuse de l’Eglise et de l’Etat, et coloniseront l’éducation nationale, pour le meilleur et pour le pire.
    C’est durant cette période que le Grand Orient décide de supprimer la référence au Grand Arch
itecte de l’Univers, et l’obligation de la croyance en Dieu, exigée jusqu’alors pour l’admission dans l’Ordre . La Franc-Maçonnerie vire alors, surtout en France à l’athéisme virulent, et à l’anti-cléricalisme radical, ce qui entraîne la rupture avec (et du fait de..) la Grande Loge d’Angleterre. L’article premier du nouveau règlement du Grand Orient est ainsi rédigé : «  La F.M, institution essentiellement philanthropique et progressive, a pour objet la recherche de la vérité, l’étude de la morale universelle, des sciences et des arts et l’exercice de la bienfaisance. Elle a pour principe la liberté absolue de conscience et la solidarité humaine. Elle n’exclut personne pour ses croyances. Elle a pour devise Liberté, Egalité, fraternité. »

(4) Le 20è siècle.

Au 20è siècle, outre les engagements, en France, dans les affaires que l’on vient de rappeler, sous la 3è République, la F.M s’implique un peu partout. Evoquons, au Mexique son immixtion dans ce qu’on a appelé la « guerre du pétrole ». Dans ce pays, la F.M s’est installée dès 1806, à l’initiative des voisins Américains, et devint vite très influente. Or, au début du 20è siècle deux importantes compagnies pétrolières, la Royal Dutch Shell, et la Standard Oil décidèrent de s’approprier chacune le monopole de l’exploitation
du pétrole, et déclenchèrent ce qu’on appela la « guerre du pétrole », chacune s’appuyant sur un clan maçonnique, pour tenter d’évincer l’autre. Cette guerre civile qui dura de nombreuses années, vit se succéder au pouvoir toutes les personnalités maçonniques les plus importantes. La lutte pour la possession du pétrole, s’accompagna de toutes sortes de prétextes idéologiques, et notamment la volonté d’extirper, par la persécution l’Eglise catholique. En 1920, les USA s’étant émus de l’ampleur de la guerre civile constitua une commission d’enquête dont les travaux conclurent ainsi : « 300000 Mexicains tués, plus d’un million morts de faim. Le Mexique ruiné ; 3000 églises désaffectées ; 1500 prêtres chassés ; 364 institutions religieuses (dont plusieurs de femmes) envahies, profanées dans des circonstances qu’on ne peut convenablement décrire ». (6)
Les persécutions continuèrent au point qu’en 1935 le monde entier s’en émut. Mais la Ligue des Droits de l’Homme le 24 février 1935 déclara : « La Ligue n’est pas intervenue dans les affaires du Mexique, parce que l’enquête qu’elle a instituée - enquête presque impossible à mener de si loin (sic) - ne lui a pas révélé d’une façon certaine à qui –gouvernement ou clergé – il était juste d’imputer la responsabilité des tragiques événements qui se sont déroulés au Mexique ».(7) Certains verront peut-être dans cette conduite
de Ponce Pilate, l’embarras d’une Ligue où les Frères sont nombreux, devant la difficulté de choisir entre des obédiences « fraternelles » !
En Europe, on notera aussi que tous les assassins, Serbes, de l’archiduc François Ferdinand, à Sarajevo, en 1914, étaient des F.M. Coïncidence ?
Sous le gouvernement de Vichy, en France, pendant l’occupation, la Franc-Maçonnerie fut interdite, bien que certains membres hauts placés du gouvernement, ainsi, l’amiral Darlan, aient été des « frères ». Depuis la libération l’Ordre, s’est réorganisé, et a repris du poil de la bête. Il a des membres dans tous les partis politiques, et syndicats, mais c’est incontestablement la gauche qui est la plus infiltrée (notamment les gouvernements Mauroy et Jospin). Laissons sur ce point la parole à un expert, Alain Bauer, actuel (2002) Grand Maître du Grand Orient de France : «  La Maçonnerie socialement engagée continue ses travaux sur l’évolution de la société, sa libération, les mœurs, la contraception, l’avortement. Elle construit ce qui apparaît peu à peu comme un programme maçonnique. Mais il y a entre l’obédience et la gauche, le nouveau Parti socialiste, plus que de la porosité (sic). Et le PS se livre tout naturellement à une sorte de « siphonnage » des travaux de l’obédience ». (8)

(4)  Obédiences et grades.


Je ne m’attarderai pas sur la question des obédiences et des grades, à l’intérieur de la maçonnerie, parce que cela nous entraînerait trop loin, et dépasserait les limites d’un article du Scrutateur. Notons seulement les plus importantes obédiences en France, en l’an 2001, telles que nous en parle M. Bauer, le grand Maître du G.O.F, dans son ouvrage déjà cité, et qui sont :
    Le Grand Orient de France (G.D.O.F), qui compte 43000 membres, répartis dans 1000 loges.
    La Fédération Française du Droit Humain (D.H), mixte, 13500 sœurs et frères, en 450 loges.
    La Grande Loge de France (G.L), 23000 frères, et 700 loges.
    La Grande Loge Féminine de France (G.L.F.F), 13000 sœurs, et 350 loges.
    La Grande Loge Nationale Française ( G.L.N.F), 21000 frères, Alain Bauer ne précise pas le nombre de loges.

En ce qui concerne les grades, ils varient selon les pays et les obédiences, ces variations étant la résultantes des conflits séculaires qui ont opposé les « frères » entre eux, notamment les Anglais et les Français. « Les Anglais reprochent aux Français d’avoir créé des ateliers de hauts grades. Outre-manche, on considère de façon définitive que la Maçonnerie ne comporte que les trois grades d’apprenti, compagnon, et maître. Insuffisants, pour les maçons français, qui n’ont pas tardé à ajouter d’autres degrés. Selon les rites, on retrouve au-delà du maître, 5 ordres au rite français, 7 au régime écossais ancien et accepté, 99 dans les ordres égyptiens… Dans sa volonté de réunifier tous les rituels qui avaient surgi un peu partout, le Grand Orient a accepté la création de chapitres de hauts grades. Tout cela semble inconcevable du côté anglais ». (9)

(4) L’idéologie.


Ce qu’il importe de noter d’abord, c’est qu’à ses débuts, britanniques (en 1723), la franc-Maçonnerie semble pouvoir faire bon ménage avec la religion.(10) Le texte majeur à cette époque, les « Constitutions d’Anderson » (du nom de leur principal rédacteur), stipulent : «  Un Maçon est obligé, par son engagement, d’obéir à la loi morale, et s’il comprend correctement l’art, il ne sera jamais un athée stupide ni un libertin irréligieux. Mais quoique dans les temps anciens, les Maçons fussent obligés dans chaque pays d’être de la religion de ce pays ou nation qu’elle quelle fût,(c’est moi qui souligne) aujourd’hui, il a été considéré plus commode de les astreindre seulement à cette religion sur laquelle tous les hommes sont d’accord, laissant à chacun ses propres opinions, c’est-à-dire d’être des ho
mmes de bien et loyaux ou des hommes d’honneur et de probité, quelles que soient les dénominations ou croyances religieuses qui aident à les distinguer, par suite de quoi la maçonnerie devient le Centre de l’Union et le moyen de nouer une amitié fidèle parmi les personnes qui auraient pu rester à une perpétuelle distance ».
    Mais les apparences trompent, et pour un esprit averti le malentendu éclate très vite. Une tolérance apparente saute aux yeux, au premier abord. Qui serait contre l’obligation de respecter la vertu, l’honneur et la probité. Mais ces termes sont un peu trop généraux pour un esprit critique. Montaigne l’avait dit, et Pascal aussi : « Erreur en deçà, vérité au-delà des Pyrénées », . Ici se nourrir de chair humaine est interdit, là-bas c’est un grand bien, et même un « honneur », pour le « patient », dont on reconnaît la valeur, puisque c’est, selon la croyance de ce clan, pour se l’approprier qu’on le croque. Et qui ne sait, certains maçons s’y trompent, que le mot bien peut être entendu au pluriel, ou que les mafias Siciliennes sont souvent très à cheval sur le « point d’honneur » !
    En fait le Dieu de la Maçonnerie, m
ême spiritualiste et anglaise, dès le 18è siècle est celui du déisme, le Grand Architecte, l’horloger dont parlait ce grand maçon de Voltaire. Un Dieu principe (celui du Déisme), qui plane très haut dans un ciel abstrait, indifférent à l’homme et a la vie humaine, « sans voir et sans entendre », comme dit Vigny dans un célèbre poème. Ce Dieu est celui que conçoivent les penseurs de la Maçonnerie naissante en relation avec les recherches scientifiques du grand Newton, une référence pour les frères, ou les autres penseurs Anglais auxquels se réfèrent sans cesse les frères Désaguliers, et Anderson, à savoir les grands empiristes britanniques, particulièrement Locke, et Hobbes.
    Le but de la Franc-Maçonnerie est de fonder la science, mais aussi la politique, la vie morale et sociale, en toute autonomie, par rapport à toute transcendance, à toute révélation religieuse, et sur la seule raison humaine.
    L’on tolérera les religions, mais seulement comme ensemble d’opinions privées, et dans la seule mesure où elle ne heurtera pas les principes de morale ou de politique « naturelle », pensées rationnellement dans les loges, par les Frères. C’est pourquoi une même obédience traditionnelle, (qui admet encore la référence au Grand Architecte) pourra placer dans son  temple de Paris une Bible ouverte, et dans celui du Caire, un exemplaire du Coran. Gare à l’Eglise, qui considérera l’avortement comme un crime. Elle sera considérée comme intolérante, et…. non tolérée !

    La Maçonnerie, dès ses débuts se considère comme le fer de lance du monde nouveau où l’homme est la seule source et le seul fondement légitime du droit. C’est en quoi l’on peut dire qu’elle est « humaniste », et, incontestablement l’un des piliers de ce que l’on peut appeler la « modernité ». Elle tend aussi à se constituer en société séparée, de la société globale, tant que celle-ci ne sera pas « maçonnisée » de part en part. Ainsi s’explique et se justifie, aux yeux des « frères » le secret maçonnique, et une « solidarité » qui peut faire problème. Comme l’écrit Pierre Boutin (11) : « La normativité du droit déployé dans l’article 2 des Constitutions relègue le droit de l’autorité étatique au rang de législation sans compétence pour traiter des affaires intérieures de la confraternité ».

(5) La Maçonnerie et l’Eglise.



*Deux siècles de guérilla.
Dans les débuts, la Maçonnerie attirera nombre de bourgeois (membres du Tiers Etat), d’aristocrates, et d’hommes d’Eglise, y compris des évêques et des cardinaux. On sait qu’à la fin de l’ancien régime, nombre de membres du haut clergé ne brillaient par l’ardeur et la pureté de leur foi catholique.
Pourtant, très vite, l’Eglise et la Maçonnerie entrèrent en conflit.
Le pape Clément XII, en 1738, fulmina une « bulle » (c’est-à-dire une lettre officielle), dans laquelle on pouvait lire : "La rumeur publique nous a appris que certaines sociétés appelées communément libris ou Francs-massons se développent de jour en jour(….). Des hommes de toute religion, de toute secte se donnent une apparence d’honnêteté naturelle, se lient l’un à l’autre par un pacte aussi étroit qu’impénétrable selon les lois et des statuts qu’ils ont créés eux-mêmes et s’obligent par un serment prêté sur la Bible et sous peine de graves peines, à cacher dans un silence inviolable tout ce qu’il font dans l’obscurité du secret ».
    La guerre était déclarée, qui n’allait plus cesser jusqu’à nos jours.
Il peut y avoir de « mauvaises » raisons aux réactions de l’Eglise au 18è siècle. Celle-ci, sous l’ancien régime, était religion d’Etat, elle disposait de pouvoirs non seulement religieux mais civils considérables. Et elle a pu réagir en « puissance » qui se sentait menacée par une association à prétention « spirituelle » qui venait chasser sur son territoire. Il y a certainement de cela.
    Mais les vraies raisons sont plus profondes, de nature métaphysiques et spirituelles, et dépassent les contingences de temps et de lieux.
    La religion des Francs-Maçons, je le disais ci-dessus, est un déisme. Le Christianisme est théiste.
    Parmi les nombreux textes des Pensées, où il analyse l’originalité propre du christianisme dans l’histoire des religions, Blaise Pascal en a écrit un particulièrement remarquable, et qui montre mieux que nul autre la différence du Dieu chrétien, « Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob », et de celui du déisme, le Grand Architecte :  (12) Le Dieu des chrétiens ne consiste pas en un Dieu simplement auteur des vérités géométriques et de l’ordre des éléments ; c’est la part des païens et des épicuriens. Il ne consiste pas seulement en un Dieu qui exerce sa providence sur la vie et sur les biens des hommes, pour donner une heureuse suite d’années à ceux qui l’adorent ; c’est la portion des Juifs. Mais le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob, le Dieu des Chrétiens est un Dieu d’amour et de consolation, c’est un Dieu qui remplit l’âme et le cœur de ceux qu’il possède, c’est un Dieu qui leur fait sentir intérieurement leur misère, et sa miséricorde infinie ; qui s’unit au fond de leur âme ; qui les rend incapables d’autre fin que de lui-même. Tous ceux qui cherchent Dieu hors de Jésus-Christ, et qui s’arrêtent dans la nature, où ils ne trouvent aucune lumière qui les satisfasse, ou ils arrivent à se former un moyen de connaître Dieu et de le servir sans médiateur, et par là ils tombent, ou dans l’athéisme ou dans le déisme, qui sont deux choses que la religion chrétienne abhorre presque également ».
    Le déisme maçon est un naturalisme, un relativisme. Relativisme, car il met, au fond, toutes les religions sur un même pied, et les considère comme des formes inférieures de spiritualité. Naturalisme, et cela, de plus en plus à mesure que les années passeront,  c’est-à-dire un matérialisme qui considère l’esprit comme un simple succédané, un épiphénomène de la matière. Les Maçons ont fait très bon ménage avec le scientisme, qui considère que les cellules du cerveau sécrètent la pensée comme le foie sécrète la bile, ce qui fait sourire quand ils parlent de spiritualisme. Mieux vaut lire Bergson. (13)

* Depuis Vatican 2.

Le bruit court pourtant que depuis une trentaine d’années, depuis le Concile Vatican 2, notamment, un rapprochement se serait opéré entre Catholiques, et Maçons.
    Ce n’est pas ce qui ressort de l’étude des faits, et notamment du livre du Grand Maître Alain Bauer déjà évoqué plus haut.
    C’est dans la 2è partie de cet ouvrage que monsieur Bauer aborde les problèmes de fond qui nous intéressent présentement.  « Que disait vraiment Anderson, ? D’où vient la création de l’ordre à Londres en 1717 ? Lorsque l’on se repose toutes ces questions, on se rend compte immédiatement que la Maçonnerie originelle est extrêmement progressiste, extraordinairement politique, que les choix qui sont faits sont des choix de société, où la seule chose strictement interdite est la religion ». (14)    Plus loin M. Bauer après avoir décrit la F.M comme fondamentalement liée à la laïcité, qui est son identité écrit :  « L’espace laïque que nous défendons n’est pas anti religieux, mais il existe un problème avec un clergé en particulier. La laïcité permet la dissociation entre citoyenneté et confession. Plus qu’un refus de la religion, il crée une distance avec les religions en général, une d’entre elle en particulier » (15) (souligné par moi).
    M. Bauer écrit encore : La maçonnerie n’est pas une Eglise. Elle ne proclame pas seulement aimer les Hommes (la majuscule est de l’auteur !) mais cherche à les améliorer. Dès lors, elle doit dévoiler immédiatement le contenu de ses promesses qui ne peuvent être renvoyées à l’attente du Paradis, du Purgatoire ou de l’Enfer. Il faut immédiatement commencer à expliquer et à instruire. Les promesses des maçons vont aux vivants. Ils peuvent juger de la qualité de ce qui est proposée ». (16)
    Ici, il faut quand même s’interroger. Si M. Bauer n’est pas totalement inculte (et il est Grand Maître du G.O.F !), pour oser suggérer que la religion chrétienne est amour platonique du prochain, vaine promesse, et attente passive d’un Paradis illusoire, c’est qu’il est malhonnête. On aimerait bien savoir combien de ces gras bourgeois repus qui font gras le vendredi Saint, se sont dans l’histoire consacrés totalement aux pauvres, les St-Martin et les St-François, les Saint-Vincent de Paul, et les Soeurs Thérésa, ou Emmanuelle, les abbés Pierre. Sans parler de ces légions de moines défricheurs qui ont réorganisés l’Europe après les invasions barbares, les intellectuels clercs ou laïcs qui ont réellement enracinés les droits de l’homme en Europe, avant de tenter de les « exporter » partout dans le monde.
    Il ne semble pas que tant de mauvaise foi soit l’indice d’un rapprochement sauf peut-être avec tel ou tel clerc (ou laïque), de la catégorie de ceux que les communistes appelaient les « idiots utiles ».
    La pugnacité anti chrétienne d’un Proudhon au 19è siècle, en loge, le jour de son intronisation reste donc d’actualité. Il déclara notamment : « Oui, nous devons faire la guerre à Dieu : il se dit le seul parfait. Pourquoi ne parviendrons-nous pas à la même perfection ? Et jusque-là nous devons lui faire la guerre et lui prouver que, par notre travail et nos constants efforts dans la science de la vie, nous devons atteindre au même degré de perfection ». (17)
    Est-il surprenant dès lors que la position de l’Eglise catholique demeure inchangée comme en témoigne cette déclaration de la Congrégation pour la doctrine de la foi en date du 26/11/1983 : "Le jugement négatif de l’Eglise sur les associations maçonniques demeure inchangé parce que leurs principes ont toujours été considérés comme inconciliables avec la doctrine de l’Eglise et l’inscription à ces associations demeure interdite ».

Edouard Boulogne.

Notes :

(1) Ghislaine Ottenheimer et renaud Lecadre : Les frères invisibles (Albin-Michel).
(2) Alain Bauer : Grand O...(Denoël).
(3) Cf sur ce point, Serge Hutin (historien et franc-maçon) dans Les francs-maçons (éditions du Seuil, collection Le temps qui court).
(4) Augustin Barruel : Mémoires pour servir à l'histoire du jacobinisme (Editions de Chiré).
(5) Sur l'utilisation des princes et d'autres catégories sociales en proie au ressentiment ou à la frustration, légitime ou non, voir le livre de Roger Mucchielli : La subversion (Editions Bordas), et le livre d'Edouard Boulogne : >Libres paroles.
(6) Cité par Georges Virebeau dans son livre : Les mystères des Francs-Maçons.
(7) Ibid, p 23.
(8) Alain Bauer : Grans O..., pp 80-81.
(9)Ibid, pp 97-98.
(10) Sur la "philosophie de la FM", je me suis référé prinipalement à "La Franc-Maçonnerie et la révolution intellectuelle du 18è siècle, de Bernard Faÿ (éditeur : La librairie française) et surtout au remarquable et tout récent ouvrage, publié en 1998 (thèse de doctorat) de Pierre Boutin : La Franc-Maçonnerie, l'Eglise et la modernité" (éditeur Desclée de Brouwer).
(11) Oeuvre citée, p. 117.
(12) Blaise Pascal : Les pensées, Editions Brunschwicg, section 8, p. 556 (éditions : classiques Hachette).
(13) Entre cent textes bergsonniens on pourra lire sur le sujet le texte que j'ai présentement sous les yeux et que je ne peux citer pour ne pas faire trop long, sur le sujet de l'Esprit et de la science. Dans Bergson : Mélanges, pp.886-887 (P-U-F).
(14) A.Bauer : oeuvre citée, pp 82-83.
(15) Ibid. P.155.
(16) Ibid. pp. 130-131.
(17) Cité dans l'Encyclopédie de la Franc-Maçonnerie. (Livre de poche).
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C
bonjour cher scrutateurNous voila dans un domaine qui vous sied sans doute à merveille, l'église catholique et AAAAApostolique de rome la grande la magnifique le summum bonum. JE NE SAIS CE QUE VOUS CHERCHEZ A PROUVER OU A EXPLICITER? A u moins devrais-je louer votre désir votre soif de comprendre, mais comprendre quoi exactement? La franc maconnerie ou ces ramifications légendaires au sein de l'église. La franc maconnerie ces rites et traditions,son emprise sur les hautes sphères,et sa philosophie qui défie le monde des paroissiens. En savez vous l'origine, et ce n'est pas la peine d'user de votre démagogie habituelle afin de me poser la question.Certaines chose sont si rares et précieuses que le simple fait d'y penser est déja un exploit, faut t'il en conclure qu'une étincelle,judéo chretienne a surgit de vos réflexions????? Comme tout catholique qui se respecte,vous jetez sans doute l'anathème sur toute philosophie que n'encadre pas une vision catholique et non christique, qu'argumente les superstitions les plus incohérentes. J'eusse espéré que vous nous dévoiliez vos connaissances à ce sujet, que vous proposiez un point de vue logique et  réaliste. Hélas, trois fois hélas, Là ou ils ont laissé un désert ils disent qu'ils ont laissé la paix.Au faite que pensez vous des rosicruciens, des templiers? Du massacre de la saint Barthélémie, et du message du christ? Qu'enseigne donc notre valeureux philosophe à ses apprentis , finalement quelle rapport pensez vous existez entre l'égypte et les ordres philosophiques.J'espère que vous daignerez explicitez aux humbles motels que nous sommes vos points de vues sur ces questions. JE VOUS SALUE  <br />  
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N
Pourquoi ne pas imaginer que, à défaut de s'en rapprocher, la FM utiliserait encore certains gradés de l'église pour mouvoir encore davantage la société? L'Eglise, même avec Vatican 2, ne reste-elle pas une des dernière garante de valeurs ancestrales dans ce monde anti-sacré?J'aimerais votre avis, n'hésitez pas à me répondre
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E
<br /> Votre question est judicieuse. Vous trouverez une documentation sur ce sujet qui vous interesse, notamment, dans un livre d'Henri Coston "Infiltrations ennemies dans l'Eglise". Ce livre<br /> doit pouvoir se trouver à la librairie Diffusion de la Pensée Française. La Caillauderie. 86190.Chiré-en-Montreuil.<br /> <br /> <br />