Rédigé par Edouard Boulogne et publié depuis
Overblog
La subversion par la langue.
(Dans le journal « Le Monde » du 31 mai 2007 on peut lire cet article sur le procès intenté par Ségolène Royal et François Hollande à deux journalistes [Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin]
pour des « diffamations » proférées dans un livre qui vient de paraître sous le titre « La femme fatale ». L’affaire suivra son cours. Mais quelque chose me frappe dans cet article, étranger à
son propre objet, dont je dirai quelques mots après lecture dudit papier. EB).
L'image ci-contre représente Vaugelas, le premier grammairien qui formalisa la langue française.
« Ségolène Royal et François Hollande demandent 150 000 euros de dommages et intérêts à l'éditeur Albin Michel et aux deux auteures du livre La Femme fatale, que le couple accuse de
"diffamation" et de "violation de l'intimité de la vie privée". Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin, co-auteures de l'ouvrage, sont grand reporters au Monde.
Dans le texte de l'assignation délivrée officiellement cette semaine, l'avocat du couple, Me Jean-Pierre Mignard, précise qu'il réclame 30 000 euros pour Ségolène Royal et 50 000 euros
pour François Hollande au titre de la violation de l'intimité de la vie privée, et 70 000 euros pour Ségolène Royal au titre de la diffamation.
Est poursuivi comme diffamatoire un passage qui relate un supposé épisode de la campagne dans lequel Julien Dray rapporte devant des journalistes une menace de Ségolène Royal à François
Hollande, formulée en ces termes : "Si tu vas chercher Jospin pour me faire barrage, tu ne reverras jamais tes enfants". Sont également visés comme attentatoires à l'intimité de la vie privée du
couple de dirigeants socialistes des passages du livre qui, à leurs yeux, "insinuent que François Hollande [avait] une liaison avec une journaliste".
Le procès se déroulera dans les prochains mois à Paris. »
(L’affirmation des journalistes est vraie ou fausse. Le procès devra déterminer ce qu’il en est et dire le droit. Ce qui me frappe dans ce texte c’est l’usage scandaleusement fautif de la
langue des auteurs, et ceci dans un journal comme « Le Monde » qui se présente, sans pudeur excessive, comme LE journal de référence de la presse française. Les lecteurs et auditeurs attentifs de
la presse nationale ne sont pas sans remarquer, pour le déplorer, les ravages exercés au quotidien par la mode de la féminisation des noms, lancée par un certain nombre de « dames », (Ségolène
Royal Elizabeth Guigou, etc), à des fins politiciennes, dans la foulée du souffle de décadence que fut le mouvement dit de « mai 68 ». (Un linguiste de l’époque, Roland Barthes avait en effet
doctoralement affirmé que « la langue est d’essence fasciste ». Faschiste parce que contraignante, coercitive).
Ainsi, au mépris de toute syntaxe, de toute tradition, on a vu surgir ces expressions « madame la ministre », « madame la juge », « la magistrate, etc !
Dans l’article ci-dessus, on nous parle des « auteures » de « La femme fatales. Or « auteur » est un mot du genre masculin. Il fallait dire « les auteurs, mesdames …..
etc».
Cette logorrhée (logorrhée, dit le Robert est un « besoin irrésistible, morbide de parler ». J’aime à en dire qu’il est une vraie diarrhée verbale) est devenue la maladie de la quasi
totalité de nos journalistes, et, faut-il le dire de nombre de professeurs, en Guadeloupe et ailleurs. L’exemple vient de haut, dit-on.
Le goût du beau langage, et même une exigence vitale élémentaire incitent à la résistance. Des hommes aussi remarquables que Georges Dumézil, ou Claude Lévy-Strauss ont fait remarquer que le genre dit masculin, est en français un genre non marqué, un neutre, et que la
féminisation des mots, créant une catégorie dans une classe, n’a qu’une valeur réductrice, et ouvre la voie à toutes les dérives, à toutes les outrances et débordements.
Une langue est bien plus qu’un système de communication élémentaire, et utilitaire. Elle est le conservateur de l’âme d’un peuple, et particulièrement pour la France, dont l’identité
n’est pas fondée sur la race, mais sur la culture et la tradition, qui se communiquent par la langue.
Au train où vont les choses, ce ne sont plus seulement Racine, Corneille et Molière qui deviendront incompréhensibles aux enfants de 2007, mais aussi Voltaire, Rousseau, (18ème siècle) ou
Victor Hugo, Balzac, et Zola (19ème), mais les auteurs du 20ème siècle qui écrivent encore en Français (Bernanos, Mauriac, Maurras, Camus, Sartre). Privés de toutes références, les jeunes, de moins en citoyens, seront de plus en plus livrés à leurs pulsions et au jargon pâteux qui sert de langue aux journalistes et aux enseignants de
la décadence.
Docteur est un nom commun du genre masculin. Il désigne un titre universitaire ou une profession, que son titulaire soit un homme ou une femme. Parlera-t-on de docteuse ?
De même pour un « entraîneur » Il existe, certes, des « entraîneuses ». Mais, nous précise le dictionnaire, il s’agit alors d’une « jeune femme employée dans les bars, les dancings pour
engager les clients à danser, à consommer ».(Et le Robert ne précise pas la nature de ladite consommation !).
Et quand il s’agit d’un sapeur pompier, le terme reste au masculin même si la personne est une charmante jeune femme, laquelle ne saurait être légitimement qualifiée de « sapeuse-pompière
». Le mot souris reste du genre féminin, même quand il s’agit d’un mâle. Et Molière, dans sa fable, n’a pas écrit « monsieur le souris » !
Je souligne que mon propos n’est pas celui d’un vieux « réac », mais qu’il traduit l’inquiétude d’un citoyen lucide devant la débâcle de la pensée des pseudos « élites » qui ont fait main
basse sur l’éducation nationale et le vaste secteur de ce que l’on appelle couramment « la culture » depuis une quarantaine d’années. On se plaint souvent du laisser-aller de la jeunesse, mais
comment le lui reprocher, quand on ne lui apprend plus à se tenir, et d’abord par l’apprentissage d’une langue châtiée (expression qui était celle, jadis, de ma vieille institutrice, et qui a
pratiquement disparu), premier fondement d’une pensée solide.
Il faut entrer en résistance. Il faut dire « non » à tous ceux qui s’abandonnent, qui « se lâchent ».
Il y a quelques années, j’écoutais, à la télévision, l’interview d’une femme, qui venait d’être nommée préfet, dans le sud de la France métropolitaine. « Faut-il vous appeler « madame la
préfète » ? » lui demanda le journaliste. « Madame LE préfet , s’il vous plait », répondit-elle.
Je manquai chavirer de fierté.
Madame le préfet était Guadeloupéenne.
"Rome n'est plus dans Rome, elle est toute où je suis"!
Edouard Boulogne).
Nota bene : Le mot « préfète » existe bien en français. Mais il désigne la femme du préfet.