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Film : Ne touchez pas à la hache, par Marie Deval.
26 Avril 2007
Rédigé par Edouard Boulogne et publié depuis
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« Ne touchez pas la hache »
Cette nouvelle d’Honoré de Balzac est la deuxième de la trilogie des Treize, elle même partie intégrante de La Comédie Humaine. Le film débute, à Majorque où le Général de Montriveau, au cours d’une campagne militaire, retrouve Madame de Langeais, cloitrée sous le nom de Mère Thérèse, et parvient à l’approcher
après cinq années de vaines recherches…. Puis, l’intrigue nous renvoie, cinq années plus tôt, sous la Restauration, dans la société aristocratique, nantie et percluse de conventions du boulevard Saint
Germain La Duchesse de Langeais, (Jeanne Balibar) belle et seule, coquette et gâtée, charmeuse et comédienne, décide que le héros du jour, le général Armand de Montriveau (Guillaume
Depardieu) doit déposer ses armes et son cœur entre ses mains. Pour la satisfaire, il sera contraint de capituler et de soupirer de la manière la plus courtoise et la plus flatteuse
du monde…. Or, Montriveau est un des chefs des « Treize », une société secrète d’hommes « assez forts pour se mettre au dessus de toutes les lois, assez hardis pour tout
entreprendre, et assez heureux pour avoir presque toujours réussi dans leurs desseins », et de plus « c’est une créature de Bonaparte ». Tout nous laisse deviner, chez Armand,
cette double appartenance : l’humeur sombre et mystérieuse, l’attitude souvent méprisante, le peu d’intérêt affiché quant aux conventions de la société et jusqu’à sa façon
impatiente et brusque de courtiser une femme…C’est un homme de pouvoir et s’il tombe, en effet, dans les rets d’Antoinette de Langeais, il exige d’elle un amour partagé et
des preuves tangibles autant que charnelles. Antoinette pousse le jeu tellement loin, sous des prétextes de bienséance puis des raisons religieuses, que le général, touché à l’extrême de sa passion, lui prédit un malheur
imminent en citant le mot du gardien de la hache ayant tranché la tête du roi Charles Ier d’Angleterre « Ne touchez pas à la hache »…or il semblerait bien, qu’aux yeux de l’amant exaspéré… elle n’y ait touchée ! Avec l’aide de ses amis des Treize, Montriveau fait enlever Antoinette et la menace de la marquer sur le front, au fer rouge. Antoinette laisse alors éclater sa passion et se soumet avec
délectation, à la volonté de son amant qui, lui, soudainement, renonce. Il renonce au jeu, à l’attente, à cette femme désormais soumise, comme le ferait un cheval qui s’ébroue après une
course folle et n’aspire qu’au repos…. « L’amour crée dans la femme une femme nouvelle : celle de la veille n’existe plus le lendemain » ( Balzac, Les Marana.). La Duchesse de Langeais ne sera plus jamais ce qu’elle a été et devient pour toujours « la créature » de Montriveau. Elle bascule dans une passion totale qui va
l’exalter, l’obséder, la mener, sans plus aucun repère, jusqu’à l’Absolu. Jacques Rivette, à son habitude, jette un regard synthétique et magistral sur la société du temps, nous en montre les compromissions et les faux semblants mais aussi le panache, et la
démesure. On sera émerveillé par l’atmosphère de l’époque qu’a su rendre avec finesse, goût et précision l’équipe du film : décors d’hôtels particuliers d’origine, lumières, meubles, bruitage,
costumes…. Le tout est très exigeant et semble, pourtant, couler de source. Le scénario ainsi que les dialogues sont respectueux du texte d’origine et en restituent le phrasé, le rythme et jusqu’au non dit. Pour ce qui est des acteurs, Madame Jeanne Balibar est une très grande dame cueillie à contrepied par la maladie mortelle de l’amour sans merci. Elle a de ces façons qui vous
font rêver de galanterie et de badinage, elle a de ces désespoirs qui vous font craindre l’enfer, elle a de ces fermetés qui vous font croire à l’Eternité… Des rôles de « conseillers » sont merveilleusement tenus par Bulle Ogier et Michel Piccoli dont on a grand plaisir à retrouver le savoir-jouer. Monsieur Guillaume Depardieu campe un général d’Empire ténébreux, brut et maladroit à souhait. Décidément les femmes ont des penchants inexplicables autant qu’inexcusables….et c’est
souvent là leur grandeur….
Marie Deval.
Genre: Drame Durée: 2h17 Pays: Italie, France Réalisé par: Jacques Rivette
Avec: Jeanne Balibar, Guillaume Depardieu, Bulle Ogier, Michel Piccoli, Marc Barbé, Thomas Durand, Nicolas Bouchaud, Mathias Jung, Julie Judd, Victoria Zinny, ...