9 Novembre 2024
Fort-de-France, le 1er novembre 2024
18h00
En seulement deux mois, Rodrigue Petitot, ancien trafiquant de drogue au passé judiciaire lourd, s’est imposé en Martinique comme une figure inattendue. Armé de rancoeur et de haine il a profité d’une Collectivité Territoriale critiquée par tous pour son incompétence, Petitot a pris place sous les feux de la rampe.
Ce parcours fulgurant aurait été facilité, par quelques élus corrompus ayant fait allégeance à des États totalitaires et par le silence gênant des autres élus.
Un imposteur au sommet de l’agitation
Ni syndicaliste, ni historien, ni sociologue, ni politologue, Rodrigue Petitot se serait auto-proclamé "leader d’opinion" pour asseoir sa présence dans l’espace public martiniquais. En utilisant les tensions sociales qui rongent l’île, ses actions et ses déclarations ont attisé un climat de violence et d’instabilité. Rapidement, il a montré ses vrais talents : "pyromane", "terroriste", "émeutier" "pillard", vu l’ampleur des troubles ayant marqué son passage tout cela était bien programmé.
Une Martinique marquée par le chaos
Ces semaines de tumulte laissent derrière elles des traces profondes : des familles meurtries, des salariés au chômage, des entreprises pillées et incendiées, des enfants déscolarisés, l’apologie du racisme.
Pour nombre de Martiniquais, les actions de Petitot incarnent des années de travail et de vie désormais réduites en cendres, des pertes qu’il faudra des années pour surmonter et reconstruire. La colère monte aussi parmi ceux qui reprochent à la CTM et à ses élus de ne pas avoir agi à temps pour endiguer cette escalade.
Le départ d’un homme, des questions qui demeurent
Ce jour, Rodrigue Petitot quitte la Martinique pour un retour au pays natal. Si son départ met peut-être fin à son rôle direct dans les récents événements, il ne tourne pas la page des interrogations. Comment un homme au passé aussi controversé a-t-il pu en si peu de temps gagner une telle influence ? Quel a été le rôle exact de la CTM et de certains élus dans cette montée en puissance ? Les Martiniquais attendent des réponses.
Une île à reconstruire, une mémoire blessée
Alors que Petitot s’envole chez lui retrouver les siens, il laisse derrière lui une Martinique en deuil de ses entreprises ravagées, de ses emplois disparus, et de son tissu social abîmé.
Son passage sur l’île pose un défi monumental aux autorités locales : restaurer la confiance, encourager la reconstruction, et tirer des leçons pour éviter qu’une telle situation ne se reproduise. L’île aura besoin de temps pour tourner cette page sombre de son histoire.
Les seules chaines qui tiennent la jeunesse sont les chaines en or.
Alors que le taux de chômage n’a jamais été aussi bas en hexagone, il ne semble jamais diminuer chez nous. Les offres d’emploi non pourvues à Pôle Emploi sont le signe d’une inadéquation entre l’offre et la demande…ou un manque d’appétence pour le travail. On ne peut pas manquer d’artisans, et dans le même temps avoir des filières de formation en manque de candidats; alors que des investissements publics conséquents ont été faits. On ne peut clamer sa volonté de manger local et dans le même temps avoir des éleveurs qui galèrent pour trouver des salariés et n’avoir que de nos frères haïtiens pour continuer à travailler notre terre.
Il y a malheureusement une partie des jeunes (et moins jeunes) qui est tout simplement perdue, en manque de repères. La raison parait évidente: l’absence d’Educations (éducation familiale, éducation civique, éducation morale, éducation scolaire). Les parents, voire déjà les grands parents, ont failli mais nous avons aussi collectivement failli.
Des proverbes qui ont cimenté notre société comme « debrouya pa péché » ou « bèf douvan bwè dlo klè » ont simplement attisé l’individualisme au dépens de la solidarité et incité à des arrangements permanents avec la loi. Quand la loi ne nous arrange pas, on la rejette et on la qualifie de coloniale. Et quand elle doit servir nos intérêts, on s’empresse de réclamer son application en tant que citoyen pleinement français.
Par son abstention systématique, la population est complice de cette mascarade de démocratie où des politiciens élus avec autant de voix qu’un opposant à Poutine se sont montrés incapables de gérer des services publics de base (eau, déchets, transports publics, etc…) depuis des décennies. Et ces mêmes bras cassés souhaiteraient avoir plus de pouvoir décisionnel localement??? Regardez leurs CV. A t’on les martiniquais les plus brillants pour gérer une situation aussi complexe? D’autres pourraient légitimement être fatalistes et se dire que nous avons les dirigeants, et les opposants, que l’on mérite.
Nous semblons nous complaire dans une posture victimaire, à chercher toujours un bouc-émissaire et ne jamais faire notre auto-critique. Cette posture a conduit à régulièrement défendre des intérêts individuels ou corporatistes au détriment de l’intérêt collectif. Derrière les mauvaises gestions dénoncées par la cour des comptes, il y a certes des fautes de management mais aussi l’incurie de certains martiniquais, fonctionnaires nationaux et territoriaux, amnésiques de leur mission: servir la population.
L’attitude populiste des politiciens locaux et le désintérêt de l’état a aussi conduit à une tolérance aux outrances et aux exactions qui sont devenus inacceptables aux yeux d’une partie de la population. Nous n’avons pas choisi notre passé mais on ne peut pas être fiers de notre construction du présent. On se voile avec plaisir les yeux avec notre culture et notre patrimoine mais on n’évoque jamais, entre deux crises, notre part de responsabilité dans le virage au rouge de TOUS les indicateurs socio-économiques et sanitaires depuis des décennies. On préfère danser un gros shatta sur le Titanic.
A titre d’exemple, l’analyse des conséquences du Covid n’a jamais été faite. C’est un sujet trop clivant qui pourtant mériterait d’être abordé à froid avec les données maintenant disponibles, localement, nationalement et internationalement.
Le naufrage de la politique locale a permis l’émergence de groupements citoyens qui en s’appuyant sur des causes légitimes ont timidement pu faire avancer leurs causes mais aussi complètement déstabilisé le pays par les débordements qu’ils ont suscités. Le vrai scandale du chlordécone en 2024 c’est que personne ne se fait tester alors que c’est gratuit. Tout le monde se dit inquiet et concerné mais visiblement pas au point de se faire tester. Or, comment analyser et envisager des solutions pour l’avenir sans avoir ce panorama. La judiciarisation de l’affaire revêt une importance morale indéniable mais elle ne va pas faire diminuer les taux dans les sols et nos organismes. On ne va s’acheter pas des prostates!!!
La vie est trop chère ici. C’est un truisme. Le RPRAC dénonce une situation inacceptable mais pourtant acceptée depuis bien longtemps. Ainsi, il exige des résultats immédiats, sans apporter de propositions. Ce ne peut être suffisant. Casser les oligopoles et redistribuer les richesses mérite un projet plus abouti que mettre des mineurs encagoulés et pyromanes, des religieux ou des syndicalistes grisonnants au milieu des routes. Ça c’est un programme de politicien martiniquais: des belles poses et du vent, la violence en plus. Cela n’est ni constructif, ni révolutionnaire.
Mais comment pouvait on espérer une réflexion élaborée quand personne ne s’offusque que toutes les librairies de l’île (sauf Cultura) aient fermé et que la principale source d’information soit les réseaux sociaux? L’ironie est que le seul à avoir un peu bossé le sujet n’a même pas été réélu et que le porteur du débat est un repris de justice en quête de rédemption à 42 ans. On devrait vendre le scénario à Hollywood pour financer les reconstructions.
Ces manifestations publiques, qui ont souvent connu des épisodes violents, ont vraiment mis à mal notre vie en communauté. Elles ont touché tout le monde, mais surtout les moins favorisés. Sainte Thérèse n’est pas le Cap Est.
Nous ne vivons pas dans une démocratie parfaite, mais j’invite ce qui ne l’ont pas encore fait à vivre quelques années dans une belle dictature (Arabie saoudite, Chine, Russie, Azerbaïdjan, Nicaragua…). Faites en l’expérience. Vous verrez les CRS et votre liberté d’expression différemment.
Enfin, on ne peut pas exiger le respect de nos droits, espérer des services publics dignes et collectivement autant manquer à nos devoirs. Cela va bien au delà du vote. C’est le médecin qui n’accepte que le cash, l’employé municipal qui se sert aux services techniques, le prof qui dit qu’il travaille trop mais a le temps de donner des cours privés, l’organisateur de soirées qui aménage un coffre de voiture pour y déposer les armes de ses invités, le jobeur qui ne veut pas être déclaré, l’élu qui ne remplit pas sa déclaration de patrimoine, le patron qui ne paie pas son URSSAF, les coffee shop à ciel ouvert devant chaque station, la délinquance routière avec la disparition des radars, l’artisan qui jette ses déchets de chantier dans la nature, ou mieux faire le seul carnaval du monde en plein covid…
Toutes ces entorses aux règles arrangent un peu tout le monde, au besoin se justifie par « Péyi’a cé ta nou », donnent sa saveur bando au péyi. Mais à quel coût?
Avec nos modes de consommation capitalistes occidentaux, la débrouillardise martiniquaise a perdu ses garde-fous et s’est muée en une société anarchique et auto-destructrice. Elle est aussi l’arbre qui cache la misère. Derrière les chiffres de la pauvreté se cachent aussi bien le smicard, la retraitée ou la mère célibataire qui eux galèrent pour manger que le ptit dealer ou le gros jobeur qui roule en Audi et flambe en clubs. Personne ne nous met sous le nez les chiffres de la consommation d’une population dite pauvre comme la nôtre: kg de viande consommé annuellement/habitant (versus l’hexagone), le nombre de bouteilles de champagne consommées/habitant, abonnement canal+, bijoux ou le ratio nombre de voitures neuves achetées/ nombre total de voitures vendues, etc…
En réalité, certains se plaignent boudin plein, zyé sek. Et les plus malheureux sont probablement les moins audibles. Ils sont trop occupés à survivre par le fruit de leur travail dans des conditions de vie toujours plus difficiles, sans voiture, sans bières fraiches, sans tambours, sans t.shirt rouge-vert-noir. Juste survivre.
C’est cette image détestable qu’on donne à la jeunesse désoeuvrée, à nos voisins et à l’Etat.
Mais qui a vraiment envie de donner plus? De travailler plus? De partager plus? Or, c’est justement en travaillant, donnant et en partageant qu’on peut faire société. Les vrai(e)s rebel(le)s sont à chercher par là. Ils n’ont ni chaînes dans la tête pour comprendre les enjeux géopolitiques, ni chaînes aux pieds pour aller travailler le matin. Ils ne sont pas des nègres de maison narcissiques, juste des nègres émancipés qui ne cautionnent pas non plus la mainmise révoltante d’une caste sur l’économie martiniquaise.
A mon sens, notre modèle social et économique doit impérativement changer. Mais le changement doit être lucide et pragmatique. On doit gagner notre autonomie par notre capacité à construire équitablement et durablement, pas à détruire. Ce sera le seul chemin vers une indépendance qui serait la belle réponse à notre passé. Mais il ne fera pas l’économie de l’analyse des chiffres, la promotion de la connaissance et la remise en cause de notre égo.
(Et je ne parle même pas du peu de conscience environnementale…Ce sera peut-être pour 2074 si la Martinique est toujours habitable.)
Man té ni sa pou di
Benjamin Zecler
Qui est Rodrigue Petitot : https://www.20minutes.fr/societe/4115857-20241016-violences-martinique-rodrigue-petitot-figure-mouvement-contre-vie-chere