3 Octobre 2023
ÊEre catholique (comme je le suis, (en intention), ne signifie pas être papiste. Nôtre longue histoire quand nous y prêtons une attention critique (au sens suivant :
activité intellectuelle qui consiste à juger les ouvrages de l'esprit, les œuvres littéraires, artistiques) nous rappelle que des papes furent parfois indignes de leur magistère, tel le pape Borgia, Alexandre VI, père biologique de César Borgia, qui servit de modèle au célèbre Nicolas Machiavel dans sa description de l'idéologue type dont les préceptes ne sont pas particulièrement conformes aux principes évangéliques. Je ne voudrais pas identifier Alexandre Borgias et l'actuel pape François. Mais je voudrais seulement rappeler que les papes, dans le principe, sont des disciples du Christ, et non des calculateurs au service de leurs plus ou moins pures intentions individuelles. Le Scrutateur. |
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On voudrait en rire, tant les contradictions de ses détracteurs sont ridicules, mais hélas. Cet incident est révélateur d’une tendance beaucoup plus générale et décidément inquiétante : la banalisation d’une remise en cause radicale de la liberté de pensée.
Commençons par ces catholiques qui s’offusquent d’une déclaration de Sonia Mabrouk datant d’avril, dans laquelle elle expliquait qu’à ses yeux la « proposition chrétienne » (ce sont ses mots) n’est pas incarnée par François ni par les prises de position du Pape no-borders. On peut naturellement débattre de ce point, mais là n’est pas le sujet. En effet, ce qui est reproché à Sonia Mabrouk c’est, en substance, d’oser contredire le Pape au sujet du christianisme alors qu’elle-même n’est pas chrétienne. Critique paradoxale, pour ne pas dire hypocrite.
Car enfin ! Ces belles âmes ne jurent que par l’Autre, mais cet Autre est soigneusement choisi. C’est le migrant, ou plutôt le Migrant, archétypal, exalté, idolâtré. Mais l’Autre, objet de toutes leurs attentions, n’est certainement pas (par exemple) cette adolescente de 14 ans violée près de la gare du Nord par un migrant guinéen en situation irrégulière. Envers elle, envers toutes les autres victimes de migrants, les belles âmes n’ont, comme le Pape, que ce « fanatisme de l’indifférence » que François aime reprocher aux autres, mais dont lui-même ne cesse de faire preuve envers les Européens. Et que l’Autre ne s’avise pas de s’opposer au narratif des belles âmes ! Il s’agit pour elles de mettre l’Autre en avant, pas de lui donner le droit d’être…. autre que ce qu’elles attendent de lui.
Ceux-là veulent que nous accueillions quiconque s’impose sur notre sol, ce qui veut dire à moyen terme lui octroyer le droit de vote, et acceptent ainsi que n’importe qui puisse avoir un avis sur l’avenir du pays et même contribue à en décider, mais attention : qu’une musulmane ne s’avise pas d’avoir un avis sur le christianisme ! Attitude typiquement woke, que celle qui confond systématiquement le témoignage et l’analyse, alors qu’en réalité il n’est pas nécessaire d’avoir eu un cancer pour devenir oncologue.
Paradoxe aussi car l’Église ne s’est jamais privée de dire ce qu’elle pensait des autres religions (et elle a bien le droit de s’exprimer) : pour ceux qui en douteraient, il n’est qu’à lire Nostra Aetate, la déclaration du concile Vatican II sur les relations entre l’Église et les religions non-chrétiennes.
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Paradoxe enfin, car François nous dit en substance que la seule civilisation a avoir connu pendant un millénaire et demi l’influence, pour ne pas dire la domination, de l’Église, ne mérite pas d’être préservée, alors que toutes les civilisations non-chrétiennes doivent pouvoir se perpétuer telles qu’elles sont, et même s’étendre – c’est très exactement ce qui signifie sa condamnation de l’assimilation. Autrement dit, le Pape en personne considère que les civilisations non-chrétiennes valent mieux que la chrétienté, et, s’il a raison, la conclusion évidente est que le christianisme n’a rien de bon à apporter au monde, et donc que le Pape ferait mieux de se taire…
N’oublions pas non plus que François lui-même ne cesse de clamer qu’il veut aller vers l’Autre, s’adresser à l’Autre : eh bien cette fois, l’Autre lui répond. Sonia Mabrouk est l’Autre qui dit à l’Église – avec respect, et même avec affection – ce qu’il comprend de la « proposition chrétienne », et pourquoi il ne la retrouve pas chez François. Ceux qui se targuent d’annoncer au monde l’Évangile et à qui le monde répond « je ne reconnais pas l’Évangile dans tes paroles » feraient bien d’y réfléchir au lieu d’intimer silence au monde dès que sa réponse leur déplaît.
Mais je généralise à outrance : Sonia Mabrouk n’a jamais prétendu parler au nom du monde entier, et tous ne partagent pas ses réserves. Houria Bouteldja, dont la sinistre réputation est pleinement méritée, a chaleureusement applaudi le Pape : on reconnaît un arbre à ses fruits (Matthieu 12:33), et elle a reconnu dans la prédication de François des fruits à son goût. Ce n’est pas rien. Il y a plus de mille ans un homme admirable, l’empereur Taizong[1], a dit : « avec un miroir de bronze, on peut ajuster sa mise ; avec l’histoire pour miroir, on peut comprendre l’essor et le déclin d’une nation ; avec les hommes pour miroir, on peut distinguer le bien du mal. » La critique de Sonia Mabrouk et les applaudissements de Houria Bouteldja sont un miroir tendu à l’Église, qui en dit long sur ce qu’elle est devenue.