17 Août 2023
Dans le Figaro de ce jour, le philosophe Luc Ferry, administre une correction méritée au trotskiste Edwy Plenel. La crapule s'en fout. Mais il n'est pas certain que les gens de la Nupes, et Mélenchon en sortent totalement indemnes. (LS)
CHRONIQUE - Il est sain que des directeurs de journaux affichent sans
fard leurs engagements, estime le philosophe après la nomination
polémique de Geoffroy Lejeune à la tête du JDD.
J’ai toujours été fasciné par le «deux poids deux mesures» qui
traverse l’intelligentsia française dès qu’il s’agit de distribuer des
bons ou mauvais points à droite ou à gauche. Le procès qu’on fait à
Geoffroy Lejeune depuis qu’il a pris la direction du JDD (comme à la
secrétaire d’État à la Ville, Sabrina Agresti-Roubache, qui a eu le
courage d’y publier) n’est pas seulement injuste, il est surtout d’une
rare bêtise.
Dieu sait que je ne partage pas les opinions d’Éric Zemmour sur
Pétain, les femmes, les prénoms, Clemenceau, Robespierre, etc. Reste
que s’il a occupé une place non négligeable dans la dernière campagne
présidentielle, c’est parce qu’il a dit malgré tout quelques vérités
sur les territoires perdus de la République. En toute hypothèse,
Geoffroy Lejeune me semble infiniment plus modéré. Je ne le dis pas au
hasard, mais pour l’avoir écouté un certain nombre de fois sur CNews
où je ne l’ai jamais entendu dire un mot qui soit antirépublicain,
raciste, antisémite ou sexiste. Je ne partage pas tous ses points de
vue, loin de là, cela va sans dire pour le vieux gaulliste
social-démocrate que je suis, mais ils m’ont toujours semblé
argumentés.
La démocratie requiert un pluralisme assumé plutôt qu’une fausse
neutralité doublée d’une pseudo-objectivité comme celles que
pratiquent allègrement « Le Monde » ou Franceinfo
Oui, il est de droite, c’est clair, et alors? Faut-il rappeler que le
Rassemblement national est le premier parti de France et que la
démocratie requiert un pluralisme assumé plutôt qu’une fausse
neutralité doublée d’une pseudo-objectivité comme celles que
pratiquent allègrement Le Monde ou Franceinfo parmi tant d’autres
médias clairement engagés à gauche sans le dire? La vérité, c’est que
nous crevons du «en même temps» et qu’il est sain que des directeurs
de journaux affichent sans fard leurs engagements, ce qui ne doit
nullement les empêcher de donner la parole à ceux qui ne pensent pas
comme eux. Quand, en 1972, le groupe palestinien Septembre noir prend
en otage des athlètes israéliens pendant les JO de Munich, une prise
d’otages qui se soldera par la mort de 17 personnes dont 11 athlètes,
Edwy Plenel, la rage au cœur, déclare que cette fin tragique a été
voulue et «provoquée par les puissances impérialistes et tout
particulièrement par Israël» (sic!). Il précise sa pensée sous le
pseudonyme de Joseph Krasny dans Rouge, l’hebdomadaire de la Ligue
communiste révolutionnaire: «Aucun révolutionnaire ne peut se
désolidariser de Septembre noir, nous devons défendre
inconditionnellement les militants de cette organisation face à la
répression.»
Bien entendu, l’air du temps ayant changé (comme il le reconnaît
lui-même: il ne faisait alors qu’exprimer l’opinion générale de
l’extrême gauche), il s’est désolidarisé depuis de ces propos aussi
ignobles qu’imbéciles, mais toujours trotskiste, il a continué à
poursuivre de sa vindicte (on pense à l’atroce affaire Baudis…) tous
ceux qui ne partageaient pas ses opinions, déclarant par exemple,
encore récemment, que «CNews est une chaîne de guerre civile» (sic!).
Et Mediapart alors, un vecteur de paix ou de haine? Si je rappelle ces
quelques vérités, ce n’est pas pour raviver des critiques qui lui
furent déjà adressées fort à juste titre, mais tout simplement pour
rappeler que quand Plenel prend la direction du Monde en 1996 (et
jusqu’à 2004…), le journal ne se met pas en grève et la gauche bien
pensante ne trouve rien à y redire.
Le grand drame de la gauche aujourd’hui, [c’est] que la
social-démocratie se soit couchée devant Mélenchon pour vendre son âme
à la Nupes
Dans son excellent petit livre Présent soviétique et passé russe,
Alain Besançon, pourtant proche de Raymond Aron, se séparait de lui au
sujet des méfaits du nazisme et du stalinisme. Dans Démocratie et
totalitarisme, Aron faisait en effet observer que le communisme avait
pu séduire des braves gens par son projet d’émancipation alors que le
nazisme était d’entrée de jeu et de manière explicite une ignominie.
Besançon lui répondit non sans raison que ce qui comptait n’était pas
tant les professions de foi affichées, mais le fait qu’on avait
affaire dans les deux cas à des idéologies aussi dévastatrices l’une
que l’autre, l’expérience communiste s’étant du reste soldée par plus
de morts encore que le nazisme, l’affaire des «blouses blanches» ayant
qui plus est montré qu’elle n’était pas non plus exempte d’un
antisémitisme virulent.
Le grand drame de la gauche aujourd’hui, ce n’est pas que le JDD soit
dirigé par un homme de droite qui joue cartes sur table, mais que la
social-démocratie se soit couchée devant Mélenchon pour vendre son âme
à la Nupes. Plutôt que de vouloir museler le pluralisme au nom d’un
sempiternel sectarisme de gauche, c’est sur ce sujet qu’on aimerait
voir les grandes consciences du «camp du bien» prendre la plume!
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