1 Mai 2023
Au fond, qui paye les retraites des vieux en France ? Les jeunes évidemment. Et moins il y en a, plus les cotisations devraient s'élever pour que les anciens, aujourd'hui retraités (et anciens cotisants) ne soient pas frustrés de leurs droits acquits.
Or en France, il y a moins d'enfants qu'autrefois du fait des changements de mentalités et de l'inflation de l'égoïsme. N'envisage t-on pas d'ailleurs d'introduire dans la Constitution le droit à … l'avortement ?
Les syndicats ont observé ces derniers mois, sur ce sujet délicat de des pudeurs de ….. Mélenchon ?
L'article du Point sur « nos » grèves ne manque pas d'intérêt. Lisez plutôt. (LS).
Les Français veulent le beurre et l’argent du beurre
Militants de la décroissance quand ils vont manifester contre la
retraite à 64 ans, ils réclament la croissance quand il s’agit de
leurs salaires.
Par Pierre-Antoine Delhommais
Au moins deux leçons économiques passablement inquiétantes peuvent
être tirées du psychodrame politico-social autour de la réforme des
retraites et du rejet massif dont elle a fait l’objet dans la
population. La première est que, dans leur très grande majorité, les
Français se contrefichent de l’état de santé des finances publiques,
des niveaux actuel et futur des déficits et de la dette. Parfaitement
indifférents aux prévisions selon lesquelles, avec un âge de départ
maintenu à 62 ans, le régime des retraites aurait affiché dès 2032 un
trou annuel dépassant les 20 milliards d’euros.
La seconde est celui du grand désamour des Français pour le travail,
qu’aucun autre peuple dans le monde ne semble éprouver à un tel degré
et que les sociologues sont mieux placés pour interpréter que les
économistes. « C’est l’ensemble de la société qui est imprégnée d’une
image passablement peu avenante du travail, constate Monique Dagnaud,
directrice de recherche à l’EHESS, dans une tribune publiée sur le
site Telos. C’est autour d’une promotion de la qualité de la vie et du
soin de soi que se construit le discours médiatique dominant. » Lequel
adore mettre en avant les exemples très minoritaires, mais qui
imprègnent l’imaginaire collectif de personnes ayant choisi de rompre
avec l’enfer du travail aliénant et du capitalisme productiviste. «
Les podcasts pullulent sur les récits de bifurcations de vie : le
diplômé en management qui choisit de vivre au RSA (tout de même !)
avec l’à-peu-près du quotidien qu’on imagine (il fouille les
poubelles), le startupeur chanceux qui vend ses actions et opte pour
un mode de vie modeste pour le restant de ses jours. » Et la
sociologue d’ajouter : « Beaucoup de témoignages circulent dans les
médias vantant les charmes d’une vie choisie où le travail rémunéré
n’a pas de place ou occupe une place résiduelle et intermittente, des
préceptes éclairés à la lumière de l’écologie, sobriété de
consommation et décroissance obligent. »
Moins on bosse, mieux on se porte. « Le droit à la paresse »
revendiqué par Sandrine Rousseau s’inscrit dans cette logique
décroissante qui est aussi celle, dans une version plus light, d’un
Nicolas Hulot « favorable à une décroissance sélective » et
suffisamment proche idéologiquement de Laurent Berger pour que les
deux hommes aient, en mars 2019, corédigé « un pacte écologique et
social » du « pouvoir de vivre ». Il n’est pas étonnant que le leader
syndical, pour qui la réduction du temps de travail reste la clé de
l’amélioration du bien-être « des travailleuses et des travailleurs »,
pour qui « les 35 heures ont constitué une grande conquête sociale de
la CFDT », se soit retrouvé à la pointe du combat contre la réforme
des retraites. Il n’est pas étonnant non plus que sa cote de
popularité soit montée en flèche auprès de Français qui adhèrent avec
lui à une vision malthusienne de rationnement et de partage du
travail, ou, pour dire les choses autrement, à l’idée que moins on
bosse, mieux on se porte.
Dans un contexte où la productivité se retrouve pourtant en panne
sèche (elle s’est même repliée de 3 % en France entre 2019 et 2022),
refuser de travailler davantage, c’est faire le choix implicite de la
décroissance, c’est-à-dire d’un recul du PIB par habitant, d’une
baisse des salaires réels, d’une diminution du pouvoir d’achat et du
niveau de vie. Le problème est que, dans leur immense majorité, les
Français ne sont pas prêts à assumer les conséquences d’un tel choix.
Ils veulent le beurre et l’argent du beurre, disposer de plus de temps
pour leurs loisirs mais aussi de plus de revenus afin de mieux en
profiter. Ils sont des militants de la décroissance quand ils vont
manifester contre la retraite à 64 ans, mais ils se posent en
farouches défenseurs de la croissance quand ils réclament une hausse
de salaire. De cette totale contradiction découlent nécessairement des
sentiments de perpétuelle insatisfaction, d’extrême frustration et
d’immense colère.