6 Février 2023
Le modèle de société en Guadeloupe du milieu du XX e siècle combinait la modernisation économique et technologique, la rénovation urbaine, l'instruction scolaire, les interventions de l’État et le progrès de la justice sociale. Mais ce modèle semble épuisé, car nous sommes aujourd’hui selon toute vraisemblance au début d’une nouvelle ère. Les mouvements de contestation du pouvoir et les projets de réforme ne peuvent plus être politiques, comme ils l’ont été au XIXe siècle, ni sociaux, comme ils l’ont été au XXe siècle.
Nous nous trouvons maintenant dans l'ére du numérique et de l'intelligence artificielle, au-delà du capitalisme et du socialisme industriels d'antan , et faisons face à une rupture entre les acteurs et le système, que le sociogue Alain Touraine qualifie de mutation profonde. Il s’agit de « la fin du social, voire même abandon de l’idée de société »
Le temps s'est considérablement raccourci et tout ira désormais en s'accélèrant.
Les conséquences sur le devenir de notre société seront selon toute vraisemblance les suivantes : Augmentation exponentielle des actes de délinquance, processus larvée de guerre civile en France entre blancs et immigrés, explosion du racisme , de l'augmentation folle des vols, larcins, aggressions en tout genre. Des actions de multiplication des squatters et impayés de loyer, des gens qui fréquentent en masse les restos du cœur, d'une crise financière et sociale sans précédent, effondrement général du niveau de vie , déclassement de la classe moyenne, de la baisse du niveau scolaire et universitaire , de la robotisation qui va entraîner un chômage de masse, surgissement de la crise de la dette, etc...
Demain fera place à un nouveau modèle économique et social en Guadeloupe avec une transition qui va être indéniablement douloureuse pour bon nombre d'entreprises et d'individus. (Transition de 3 ans d'après mes calculs et études prévisionnelles.)
Dans l’inquiétude et l’incertitude actuelle concernant l’évolution de notre société, nous sentons bien que nous vivons à une époque de grandes mutations.
Le monde d’aujourd’hui est plus complexe, dynamique et connecté que jamais. De nombreux phénomènes de crises multiples et imprévisibles ( situation géopolitique mondiale) déséquilibrent les sociétés provoquant des crises aiguës , des points d’arrêts qui peuvent menacer de tout submerger. Entreprises et menages sont confrontés à cette complexité croissante et doivent anticiper la survenance de crises qui vont littéralement déchirer le tissu sociologique et surtout économique de la France et par effet boomerang ceux de la Guadeloupe et surtout de la Martinique.
Alors dans ce contexte ,nous devons nous intéresser à la littérature académique sur les crises, les catastrophes et les turbulences à venir très prochainement .( lire ou relire le discours d'Albert Camus à Stockholm) . Bref , passons dès à présent aux étapes de prévention/préparation, de gestion et enfin d’apprentissage post-crise. ...
JMNOL
Albert CAMUS — DISCOURS DE STOCKHOLM
[...] L’art n’est pas à mes yeux une réjouissance solitaire. Il est un moyen d’émouvoir le plus grand nombre d’hommes en leur offrant une image privilégiée des souffrances et des joies communes. [...] les vrais artistes ne méprisent rien ; ils s’obligent à comprendre au lieu de juger. Et, s’ils ont un parti à prendre en ce monde, ce ne peut être que celui d’une société où, selon le grand mot de Nietzsche, ne régnera plus le juge, mais le créateur, qu’il soit travailleur ou intellectuel.
Le rôle de l’écrivain, du même coup, ne se sépare pas de devoirs difficiles. Par définition, il ne peut se mettre aujourd’hui au service de ceux qui font l’histoire : il est au service de ceux qui la subissent. Ou, sinon, le voici seul et privé de son art. Toutes les armées de la tyrannie avec leurs millions d’hommes ne l’enlèveront pas à la solitude, même et surtout s’il consent à prendre leur pas. Mais le silence d’un prisonnier inconnu, abandonné aux humiliations à l’autre bout du monde, suffit à retirer l’écrivain de l’exil, chaque fois, du moins, qu’il parvient, au milieu des privilèges de la liberté, à ne pas oublier ce silence et à le faire retentir par les moyens de l’art.
[...] l’écrivain peut retrouver le sentiment d’une communauté vivante qui le justifiera, à la seule condition qu’il accepte, autant qu’il peut, les deux charges qui font la grandeur de son métier : le service de la vérité et celui de la liberté. Puisque sa vocation est de réunir le plus grand nombre d’hommes possible, elle ne peut s’accommoder du mensonge et de la servitude qui, là où ils règnent, font proliférer les solitudes. Quelles que soient nos infirmités personnelles, la noblesse de notre métier s’enracinera toujours dans deux engagements difficiles à maintenir — le refus de mentir sur ce que l’on sait et la résistance à l’oppression.
Pendant plus de vingt ans d’une histoire démentielle, perdu sans secours, comme tous les hommes de mon âge, dans les convulsions du temps, j’ai été soutenu ainsi par le sentiment obscur qu’écrire était aujourd’hui un honneur, parce que cet acte obligeait, et obligeait à ne pas écrire seulement. Il m’obligeait particulièrement à porter, tel que j’étais et selon mes forces, avec tous ceux qui vivaient la même histoire, le malheur et l’espérance que nous partagions. Ces hommes, nés au début de la première guerre mondiale, qui ont eu vingt ans au moment où s’installaient à la fois le pouvoir hitlérien et les premiers procès révolutionnaires ont été confrontés ensuite, pour parfaire leur éducation, à la guerre d’Espagne, à la deuxième guerre mondiale, à l’univers concentrationnaire, à l’Europe de la torture et des prisons, doivent aujourd’hui élever leurs fils et leurs œuvres dans un monde menacé de destruction nucléaire. Personne, je suppose, ne peut leur demander d’être optimistes. Et je suis même d’avis que nous devons comprendre, sans cesser de lutter contre eux, l’erreur de ceux qui, par une surenchère de désespoir, ont revendiqué le droit au déshonneur, et se sont rués dans les nihilismes de l’époque. Mais il reste que la plupart d’entre nous, dans mon pays et en Europe, ont refusé ce nihilisme et se sont mis à la recherche d’une légitimité. Il leur a fallu se forger un art de vivre par temps de catastrophe, pour naître une seconde fois, et lutter ensuite, à visage découvert, contre l’instinct de mort à l’œuvre dans notre histoire.
Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde ne se défasse. Héritière d’une histoire corrompue où se mêlent les révolutions déchues, les techniques devenues folles, les dieux morts et les idéologies exténuées, où de médiocres pouvoirs peuvent aujourd’hui tout détruire mais ne savent plus convaincre, où l’intelligence s’est abaissée jusqu’à se faire la servante de la haine et de l’oppression, cette génération a dû, en elle-même et autour d’elle, restaurer à partir de ses seules négations un peu de ce qui fait la dignité de vivre et de mourir. Devant un monde menacé de désintégration, où nos grands inquisiteurs risquent d’établir pour toujours les royaumes de la mort, elle sait qu’elle devrait, dans une sorte de course folle contre la montre, restaurer entre les nations une paix qui ne soit pas celle de la servitude, réconcilier à nouveau travail et culture, et refaire avec tous les hommes une arche d’alliance. Il n’est pas sûr qu’elle puisse jamais accomplir cette tâche immense, mais il est sûr que, partout dans le monde, elle tient déjà son double pari de vérité et de liberté, et, à l’occasion, sait mourir sans haine pour lui. C’est elle qui mérite d’être saluée et encouragée partout où elle se trouve, et surtout là où elle se sacrifie. C’est sur elle, en tout cas, que, certain de votre accord profond, je voudrais reporter l’honneur que vous venez de me faire.
Du même coup, après avoir dit la noblesse du métier d’écrire, j’aurais remis l’écrivain à sa vraie place, n’ayant d’autres titres que ceux qu’il partage avec ses compagnons de lutte, vulnérable mais entêté, injuste et passionné de justice, construisant son œuvre sans honte ni orgueil à la vue de tous, toujours partagé entre la douleur et la beauté, et voué enfin à tirer de son être double les créations qu’il essaie obstinément d’édifier dans le mouvement destructeur de l’histoire. [...]
Albert Camus — Extrait du discours de réception Prix Nobel, Stockholm, le 10 décembre 1957. Littérature et Poésie