26 Février 2023
Merci au lecteur fidèle qui m'a envoyé cet article intéressant, sans me préciser d'où il vient. Il doit, selon moi, s'agir du Figaro.
Cet article a évoqué en moi le souvenir d'une comédie du XIX ème siècle, où l'auteur, Eugène Labiche, met en scène Pérrichon, bourgeois, pas très futé, mais friqué, qui cherche à marier sa fille, Emelyne. Fric aidant deux soupirants fréquentent assidument la maison, et décident d'accompagner la famille Perrichon en vacances dans la Alpes du côté de Chamonix.Un soir au cours d'une promenade Perrichon glisse au bord d'une petite dénivellation d'où il est extrait par le plus franc des soupirants (appelons-le X). Celui-ci est persuadé d'emporter « le morceau », c'est-à dire d'épouser la jeunefille (nous sommes au siècle où souvent ce sont encore les parents qui décident de qui épousera qui. Le deuxième garçon (Y) bien plus psychologue, éclate de rire, et dit à X que ce dernier, bien peu psychologue, n'a rien compris au caractère de son « beau-père » putatif, et que dans leur guerre de conquête il vient de perdre toutes ses chances. Le lendemain tout ce petit monde retourne sur les lieux de « l'accident » de la veille.Or voiçi que que Y glisse dans un petit fossé, d'où il est extrait par Perrichon. Aussitôt le sauveur se jette au cou du sauvé en lui disant, tout en pleurant de joie « je n'oublierai jamais que je vous ai sauvé la vie ». C'est Y qui aura la jeune Emelyne. La Fontaine l'avait dit : « Tout flatteur vit aux dépends de celui qui l'écoute ».
(Le Scrutateur).
En Afrique, les décolonisateurs perpétuels entretiennent le
ressentiment antifrançais pour masquer leurs carences, quitte à livrer
leurs pays à de nouveaux « protecteurs ».
Par Kamel Daoud
Une sentence internationale revient dans les actualités : « La France
est invitée à partir rapidement. » D’où ? D’Algérie, du Mali, de
Tunisie, du Burkina Faso, etc. La liste s’allonge à la mesure de
l’empire d’antan ou des zones d’influence d’aujourd’hui. Question :
jusqu’où ira la guerre imaginaire contre la France dans ses
ex-colonies ? Car elle reste bel et bien imaginaire : la France est à
peine présente dans ces pays, beaucoup moins en tout cas que le
supposent et le dénoncent les néodécolonisateurs autochtones de nos
jours.
Le plus souvent, cette présence se résume à des accords militaires,
une coopération pour endiguer le djihadisme, des contrats
d’exploitation et des manœuvres limitées de cooptation politique,
expliquent les spécialistes. N’empêche : le fanatisme de la guerre
généralisée contre la France est là, même si cette bataille est
onirique. Elle est vitale pour les régimes locaux et pour les élites
organiques qui alimentent les nouveaux hypernationalismes. En effet,
que faire d’autre de soi et des siens si à ces derniers on n’offre pas
une épopée à revivre ? Comment expliquer les échecs si on n’encourage
pas « les masses » à l’héroïsme rétrospectif contre la France ? Faute
de construire la liberté, on refait l’Histoire. Du moins celle de la
décolonisation, dernière success story que l’on tentera de ressusciter
au détail près. Comment ? Par la théorie du complot – la France est
accusée de tout en Afrique. Par les intox sur les réseaux sociaux. Par
les médias, eux-mêmes au service de cette passion flambante. Par le
putsch contre les « traîtres ». Par les expulsions de diplomates.
Habitude de l’illusion. La guerre contre la France apparaît comme
l’antidote du désenchantement et le pain nourricier des vétérans de
tous bords. Le sujet n’est ici pas l’Histoire mais son usage perverti.
C’est la définition exacte de la décolonisation imaginaire dans les
pays d’Afrique qui aujourd’hui découvrent le « mal français » pour
soulager, croient-ils, tous leurs maux. On dénonce des accords, on «
chasse la France » et ainsi on refait son portrait de grand
libérateur. Et la haine est discrètement instruite par de récents
alliés « africains » : Russes, Iraniens ou Turcs. Ceux-là exploitent
efficacement la mémoire coloniale et la culpabilité induite. Et les
ex-colonies, fières de leurs récentes libertés, en offrent l’usage à
de nouveaux « protecteurs ». Rien de neuf pour ces indépendances
parfois bradées. Elles ont l’habitude de l’illusion.
Jusqu’au où ira cette guerre imaginaire ? On croit qu’elle va
s’arrêter à une perte d’influence de la francophonie, à des intérêts
économiques français bridés ou à des dénonciations d’accords de
présence militaire au profit de milices tierces ; ce n’est pas vrai.
Elle ira plus loin. Pire : il y a un effet de corrélation entre la
débâcle internationale et les poussées populistes intérieures. La
France, aujourd’hui divisée, paralysée par un populisme anarchiste,
remontée contre elle-même, égarée par ses agitateurs, sonne le glas de
sa géographie internationale symbolique. La « rétraction » extérieure
figure la conséquence secondaire de la débâcle entreprise du dedans.
Et le contraire aussi est vrai.
Éloge de l’impérialisme français ? Que non ! Seulement une critique
amère des nouvelles illusions africaines qui bernent les populations
sur la vraie guerre. Et rappel à la France que la passion du déclin ou
le mauvais solde du passé ont des retentissements§