6 Novembre 2022
Il y a quelques jours à peine, nôtre blog était suspendu contre son gré du scrutateur, le peintre Pierre Soulages recevait aux Invalides l'hommage de la nation prononcé, évidemment par le président des peoples Emmanuel Macron.
Loin d'être anecdotique, l'évènement me paraît représentatif de l'arrogance des nihilistes qui ont fait main basse sur la culture française, et pas seulement elle, au détriment de n^$otre civilisation.
En 2014, déjà Le Scrutateur avait publié sur Soulages un article de Luc Ferry, philosophe et professeur d'université.
Cet article n'a rien perdu de sa pertinence, et je le réédite ci-dessous. J'y ajoute quelques photographies qui éclaire nôtre colère et celle Luc Ferry.
Le Scrutateur.
9 Octobre 2014
Rédigé par Edouard Boulogne et publié depuis Overblog
Nous ne sommes pas, au Scrutateur, pour les interdits systématiques, pour les censures idiotes. Notamment dans le domaine de l'Art et des Belles Lettres.
En revanche, nous ne mettons pas toutes choses, toutes les créations ( en fait ce qui se présente ainsi est souvent du domaine de la décréation, du nihilisme pur et simple ) ou qui se présentent comme telles.
Tous les livres ne se valent pas. Toutes les oeuvres picturales, architecturales, musicales, etc, ne sont pas également belles ( malgré le postulat relativiste – A chacun selon ses goûts, des goûts et des couleurs on ne discute pas » - qui les sous-tend ).
Il en est qui sont même franchement laides.
Comment distinguer le beau du laid? Il y a certes un « sens du beau », mais celui-ci est fragile, influençable, souvent peu capable de justifier son dire au moyen d'arguments rationnels recevables.
Toujours-est-il que le culte du Beau est la marque des sociétés hautement civilisées, et la préférence pour le laid la marque d'une dégénérescence spirituelle, intellectuelle, et morale.
Le culte du laid n'est pas toujours innocent. Ceux qui, il en a toujours existé, à toutes les époques de l'histoire humaine, aspirent à transformer l'humanité en troupeau docile, ont vu l'intérêt qu'il y avait à faire descendre le sens du discernement, en général, et dans le domaine esthétique en particulier, en dessous du médiocre.
Nous reviendrons ici, dans les semaines qui viennent sur ces problèmes qui sont aussi des problèmes politiques ( au sens noble de ce terme ).
En attendant, réfléchissons sur cet article de Luc Ferry, qui est l'objet, comme Eric Zemmour ( malgré les différences entre ces deux hommes ) de violentes attaques des tenants de l'Art contemporain ( une école de pensée , et non tout ce qui est peint ou composé dans le domaine de l'art, aujourd'hui, dont une bonne partie est méprisée, et censurée, étouffée, par les maîtres de « l'école » dite de l'AC ).
Luc Ferry répond vivement aux attaques, dans le Figaro.
J'ajoute un lien avec un article d'un partisan de Soulages ( un « maître » de l'AC ) et quelques photographies éloquentes.
LS.
Luc Ferry: le sectarisme et le snobisme des «gardes rouges» de l'art contemporain
FIGAROVOX/TRIBUNE -Accusé par Guillaume Cerruti de mépriser l'art contemporain, Luc Ferry lui répond de manière cinglante...
J'ai eu l'audace d'écrire ici même que certaines œuvres contemporaines purement intellectuelles, telles que les monochromes noirs de Soulages, qu'on nous somme d'adorer parce qu'il «est l'artiste français le plus cher au monde (sic!)», ne répondent à aucun des critères qui constituent à mes yeux une œuvre d'art authentique: ni vision du monde, ni sens, ni beauté, ni géniale innovation.
Malgré les discours obscurs et pompeux qui les entourent d'ordinaire, ils m'apparaissent comme de simples marchandises portées par une triple logique: celle du snobisme, appuyée par la puissance mercantile du marché et les aberrations de l'État culturel. Comme j'ai argumenté, tant sur un plan historique que philosophique, en évoquant l'histoire de la bohème, mais aussi la logique capitaliste de «l'innovation destructrice» dont l'art contemporain est trop souvent le reflet servile - ce qui explique l'engouement qu'il suscite dans l'univers de la finance -, ça n'a pas plu à tout le monde. Je m'y attendais. J'ai vu paraître ici ou là, comme dans Art, la pièce de Yasmina Reza, les rituelles réponses «indignées».
Je ne suis ni vendeur, ni collectionneur, je n'ai aucun intérêt dans l'affaire, juste une passion pour l'art et les idées.
Parmi d'autres, celle que M. Cerutti a publiée dans Le Figaro de la semaine dernière. Lui ne cherche pas à argumenter, mais, PDG de Sotheby's, il protège des intérêts, défend le dogme. C'est sa fonction. En théologie, on parle de «gardiens du temple», dans la Mafia, de «porte-flingues», et sous Mao, de «gardes rouges». Je ne suis ni vendeur, ni collectionneur, je n'ai aucun intérêt dans l'affaire, juste une passion pour l'art et les idées, mais j'ai bien connu ça quand j'ai publié, en l985, La Pensée 68, un livre qui tordait déjà le cou à un certain nombre d'impostures intellectuelles nées autour du joyeux mois de Mai. Parmi les flèches que M. Cerutti décoche, croyant me clouer le bec, il me traite de «fumiste», ignorant manifestement tout de la signification élogieuse qu'avait ce terme au XIXe siècle, dans la jeunesse bohème et romantique à laquelle j'ai consacré un livre. Faisant semblant de s'y connaître, il ose affirmer que les monochromes de Klein, Malevitch ou Soulages ne doivent rien à ceux de Paul Bilhaud et Alphonse Allais. Que d'ignorance!
La vérité, c'est que les premiers artistes bohèmes ont inventé pratiquement toutes les prétendues «innovations» que l'intellectualisme contemporain va répéter ad nauseam, de Duchamp à Lavier en passant par Cage ou Soulages: les monochromes, bien sûr, mais aussi les concerts de silence, les ready-made, les happenings, l'art conceptuel, l'abstraction. Simplement, pour le savoir, il ne suffit pas d'acheter et de vendre, il faut aussi lire quelques ouvrages anciens, se plonger dans Théophile Gautier, Pétrus Borel et Nerval, aller voir du côté des «frénétiques» et des «fumistes», d'Aloysius Bertrand, Arsène Houssaye, Émile Goudeau ou Jules Lévy.
Il est vrai que pour bêler d'admiration devant un tableau noir, tout cela est fort inutile. Dommage, car on y apprend mille choses passionnantes sur le sens et la naissance du modernisme. Chez les fumistes, justement, dont le nom du groupe est déjà en lui-même plein de significations. À l'époque, il désigne d'abord les ramoneurs, des ouvriers noirs de crasse. Pourquoi cette référence? Parce qu'on voit au premier coup d'œil qu'ils ne sont pas des bourgeois et que la bohème naissante, encore pleine de charme et d'allégresse, déteste le conformisme et l'argent roi - justement ce qui fait maintenant la prospérité d'une large part de l'art contemporain. De là «l'humour fumiste», qui s'alimente aussi à la «fumette», à ces paradis artificiels que décrit Gautier dans un livre que M. Cerutti n'a d'évidence pas lu non plus, Le Club des hachichins. «La vraie vie est ailleurs», et le comique, ici, n'a rien de superficiel. C'est par lui que la bohème romantique entend réenchanter le monde, le rendre joyeux, léger, amoureux, bref, tout le contraire des laïus pesants qui accompagnent les ready-made et monochromes d'aujourd'hui, avec leurs allusions pataudes «à la naissance et à la mort», à Heidegger ou au bouddhisme dont ils ne retiennent guère que l'appel à une abyssale vacuité.
De là ma question: comment ce qui était à la fois drôle et profond a-t-il pu donner lieu à des imitations aussi sinistres? Face aux prétendues «réponses» des gardes rouges dont l'inculture historique et philosophique est l'arme principale, mon attitude est simple: bien faire et laisser dire. J'écris et continuerai d'écrire ce que je tiens pour vrai. J'ajoute que, l'âge venant, je suis de plus en plus sensible aux vertus du pluralisme. M. Cerutti me tient pour un parfait crétin? C'est son droit le plus absolu! Je m'en remettrai. À vrai dire d'autant plus aisément que j'ai reçu pour mes chroniques sur l'art contemporain davantage de félicitations enthousiastes émanant d'artistes et d'intellectuels dont le jugement m'importe que je n'en avais reçu pour aucune autre. Comme quoi certaines vérités font parfois du bien à tout le monde. Ou presque…
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