25 Septembre 2022
La deuxième photo est une caricature d'Ibo Simon, réalisée par un de mes élèves de terminale, bourré du talent de caricaturiste. Ibo en fut amusé et satisfait.
A Ibo Simon, personnage rocambolesque et lucide sur certaines questions, qui nous a quitté hier 24 septembre pour un monde meilleur.
J'aurais vraiment pleuré de rire, si la circonstance ne me l'interdisait pas, au spectacle, sur Guadeloupe la première, des «politiciens de tous bords larmoyants sur le décès de M. Ibo Simon dont la plupart l'avaient traîné dans la boue, naguère, il y a à peine 20 ans. Sans doute pensaient-ils que les moins de 20 ans ne connaissent pas ce passé. Et pour les collecteurs de voix seul compte pour leur engraissement le silence et l'oubli de leurs forfaits.
J'ai connu M. IBO. De temps à autre nous parlions, librement, franchement.
La dernière fois ce fut vers 11 heures du matin où nous nous recontrâmes. Pendant ce petit quart d'heure, je pus constater que la maladie ne lui faisait pas de cadeau, mais aussi que l'excellent polémiste créole n'avait pas encore perdu son courage et sa faconde.
Pour les moins de vingt ans, pour la lucidité de leurs esprits, et en Hommage à IBO, je publie l'article paru d'abord dans le journal Guadeloupe 2000 au moment du procès intenté à M. Simon en 2001.
La vérité seule est révolutionnaire.
E. Boulogne.
Au cours du deuxième semestre 2001, et du premier trimestre 2002, la Guadeloupe fut invitée, sur tous les médias, à se prononcer sur le cas de l’animateur de télévision de Canal 10, conseiller régional (et municipal de Pointe-à-Pitre Simon Ibo, accusé de xénophobie. Le langage de M. Ibo prête, il est vrai, à contestation. Quand il fut traîné en justice, cependant, par différentes associations d’immigrés Haïtiens en Guadeloupe, par des associations comme SOS-Racisme, la Ligue des droits de l’homme, et en sous-main par différents groupes séparatistes guadeloupéens, en février 2002, j’ai accepté de venir témoigner à décharges, pour lui, à la demande de deux de ses avocats, maître Tony Jabbour, et maître Félix Rodes, qui me contactèrent par l’intermédiaire du regretté Raymond Viviès. Je ne cachai pas au tribunal mon désaccord avec le style et la manière de procéder d’Ibo Simon, d’autant plus que j’avais très franchement exposé à l’intéressé ma façon de voir les choses. Je témoignai cependant comme on va voir, considérant que pour attaquer Simon Ibo, il fallait être moralement qualifié et qu’à mon avis les parties civiles ne l’étaient pas. La xénophobie, ce refus, voire cette haine de l’étranger en tant que tel, est moralement inacceptable. Mais ce que l’on cherchait dans ce procès, c’était, profitant des maladresses et certains propos inconsidérés de l’accusé, de tenter d’escamoter le problème réel d’une immigration incontrôlée en Guadeloupe. Et les accusateurs avaient semble-t-il oublié la parabole fort éclairante de la paille et de la poutre. Ma déclaration à la barre reproduisit en substance le texte, qu’on va lire, d’un article sur la question paru en novembre 2001 dans le journal Guadeloupe 2000.
Ibo Simon xénophobe ou bouc-émissaire ?
Dans France Antilles du 25-26 août 2001, le sénateur Dominique Larifla s’est fendu d’un article sur “la Guadeloupe, terre de fraternité”. Nos divergences, fréquentes, avec le sénateur, ne nous empêcheront pas de le féliciter, à quelques réserves près, pour cette prise de position.
Oui, un vent de racisme et de xénophobie souffle sur la Guadeloupe, qu’il importe de dénoncer avec rigueur, et sans relâche ! Il y a d’ailleurs longtemps que Guadeloupe 2000, trop seul, s’est livré à cette tâche de salut public.
Grandeur des “humanités”
M. Larifla fustige donc le “vent chargé de xénophobie et de racisme” qui soufle sur notre département. “C’est, dit-il, l’aboutissement d’une forme de “nationalisme " (les guillemets sont de l’auteur, et nous les reprenons à notre compte ) qui confond la défense des intérêts d’un pays avec la chasse aux sorcières”. Bene !
“C’est aussi, poursuit-il, la démission d’un pan de la pensée guadeloupéenne dont les débris vont rouler dans la fosse nauséabonde du racisme”. Recte !
Déplorant qu’on oublie que Dieu ignore les différences de couleurs et d’un régime, et que les inconscients qui crient “sus à l’étranger” oublient que l’on est toujours l’étranger de quelqu’un, l’ancien maire de Petit-Bourg retrouve spontanément la vieille sagesse grecque immortalisée dans un proverbe, placé naguère en tête de son roman « Les eaux mêlées, par l’écrivain Roger Ikor : “xenous xenile. Kai sugar xenos esei” : “Fais bon accueil aux étrangers car, toi aussi, tu seras étranger” !
On le voit, l’enseignement trop délaissé aujourd’hui des humanités laissait des traces profondes et bénéfiques.
Mais M. Larifla ajoute : “C’est le résultat d’un souffleur diabolique dont le texte a été écrit à l’encre de la bêtise, de la vulgarité, et du mépris de l’autre”. Là, c'est moins bien ; minime ! Peut-être monsieur le sénateur, effrayé de son audace, a-t-il cherché à s’en faire pardonner par la bonne vieille technique du bouc-émissaire, Car on devine, bien qu’il ne soit jamais nommé, que le souffleur diabolique, c’est Ibo Simon qui défraye la chronique pour ses émissions de Canal 10, et fait l’objet d’une campagne de presse violente, de certaines associations d’immigrés Haïtiens, et d’associations de politiciens guadeloupéens, séparatistes de toujours, dont certains semblent avoir oublié un peu vite leur récent passé terroriste.
Les voleurs qui crient au voleur !
Ne cherchons pas chicane au docteur Larifla. D’une part parce que M Ibo Simon, mérite peut-être, il est vrai, de revoir sa façon d’agir et de s’exprimer, mais aussi parce qu’il a eu le courage de dénoncer les campagnes franchement racistes de nos antiracistes de profession.
On se souvient, en effet, qu’il y a deux ans, j’avais écrit au procureur de la République, à Basse Terre, et au président de la République, pour protestcr et demander l’application de la loi à l’encontre d’une association séparatiste qui se deshonnorait alors, entre autres, partout dans le département par des inscriptions de grallili cn créole d’affiches racistes : “blans dewo” ! “Woï, blans ka dibaké”, etc.
A force d’insistance, et grâce à l’appui, manifesté par écrit, du president de la République (alors Jacques Chirac) , j’avais obtenu du procureur general une lettre dans laquelle il m'annoiu,au I* 27 septembre 1999 : "j'ai saisi les deux procureurs de la Republique demon ressort, seules (…) autorités compétentes pour mettre en mouvement l'action publique (...) ». Les renseignements recueillis ont conduit le Procureur de la République de Pointe-à6Pitreà saisir officiellement le Service Régional de police judiciare Antilles-Guyanne, d'une enquête ».
Où n est-on de cette enquête ? A l'heure où l'on s'apprête à ester en justice contre Ibo Simon, je pense qu'il conviendrait peut-être, pour être logique, de régler d’abord les affaires pendantes, tout en s’interrogeant sur le tait de savoir si parmi ses accusateurs ne se trouveraient pas quelques uns des présumés coupables ci dessus évoqués.
Le vrai problème
Cela dit, M. Ibo Simon n’est pas justifié de tenir des propos racistes, -si tel est bien le cas,-, par la mauvaise foi d’adversaires qui ont oublié la célèbre parabole de la paille et de la poutre.
Lesdits propos ont-ils été tenus ? Je ne suis pas un fervent de la télévision, et notamment de Canal 10. J’ai peut-être écouté dix fois, en tout et pour tout, Ibo Simon. Il pratique une télévision de proximité, dans un style populaire, voire populiste, souvent excessif à mon gré. Je n’ai pas personnellement entendu de propos racistes, mais des avertissements virulents contre les dangers de l’immigration, particulièrement haïtienne et Dominiquaise. Est-ce cela qui est qualifié de xénophobie, et qui n’est pas loin d’y ressembler, parfois ?
Pourtant, pendant la dernière campagne électorale pour l’élection municipale, j’ai entendu Ibo Simon s’expliquer à cet égard. Il refuse toute xénophobie et tout racisme. Il n’en veut, dit-il, qu’aux immigrés en situation irrégulière, et à ceux qui nourrissent la délinquance, et se comportent en Guadeloupe comme çn pays conquis.
Le succès d’un tel discours en milieu populaire mérite qu’on s’interroge sur sa pertinence éventuelle, plutôt que de nourrir d’emblée un procès en sorcellerie.
Notons que monsieur Louis Dessout, conseiller municipal d’opposition de Pointe-à-Pitre a tenu des propos de même nature, très argumentés et étayés par des faits irréfutables, sur le même sujet, au conseil municipal de sa ville, 10 août 2001.
Le propos de monsieur Dessout recoupe celui d’Ibo Simon, avec qui il faisait d’ailleurs équipe aux dernières municipales. Ce qui change, c’est le style, évidemment, plus froid, plus technique, plus argumenté, moins passionnel chez Dessout. Mais peut-on dire plus efficace pour mettre à jour le problème? Est-il bien le plus efficace, pour se faire entendre, à une époque où les gouvernements en France n’osent réagir contre “l’immigration invasion”, selon une formule de M. Giscard d’Estaing, par crainte d’être vilipendés par le looby immigrationniste, mondialiste, pseudo moralisateur et soi disant antiraciste, préparant, avec son langage hypocrite de faux-cul, au nom du multiculturalisme, des lendemains qui déchantent ?
Le succès d’Ibo Simon ne vient-il pas, justement, de la redoutable efficacité de son discours en milieu populaire, le plus concerné ? N’est-ce pas ce qui enrage et exaspère ses détracteurs ?
Certes, ce discours choque souvent, il me heurte moi-même. Mais avant d’accabler cet homme du peuple, qui ne parle pas de langue de bois, au nom d’une morale peut-être moins évangélique que bourgeoise (et que sont donc nos petits marquis séparatistes ?), peut-être faut-il y regarder à deux fois. Michel Rocard l’avait dit aussi, “on ne peut pas accueillir toute la misère du monde”. Le faire au nom des bons sentiments crée, à terme, des problèmes encore plus redoutables.
Sans les turbulences révolutionnaires d’il y deux siècles, Haïti serait aujourd’hui, une belle région française, deux ou trois beaux départements avec des problèmes de pays développés. On ne refait pas l’histoire, et les deux siècles de dictature et de détresse qui ont réduit ce pays en charpie ne peuvent être effacés.'Comment aider Haïti ? Est-ce en ouvrant toutes grandes les portes de l’immigration ? Ou en aidant à son développement économique, social, culturel ? En instituant là bas, pour ce faire, par exemple, un protectorat pour cinquante ans (au moins !), le temps de reconstituer un tissu social, une moralité publique, principalement au niveau des “élites”. Lyautey refonda ainsi, jadis, le Maroc moderne.
Les idéologues dénonceront mon propos, le taxant de néo colonialiste. Tant pis pour les Haïtiens. Périssent les hommes plutôt que les principes n’est-ce pas !
Cela dit, Ibo Simon devrait rentrer en lui-même. Comme j’ai eu l’occasion de le lui dire de vive voix, puisqu ’il avait sollicité mon avis, ses talents de tribun et d’orateur, pourraient servir à la Guadeloupe, à condition qu’il les bride, les discipline, les subordonne à l’intérêt de ses concitoyens plus qu’à la promotion, de son moi, de son personnage. En est-il capable ? J’imagine déjà les rires sardoniques des jeunes “marquis”, et même de telle vieille perruque poudrée. Mais, camarades ! la confiance, lucide et méthodique, n’est-elle pas un remarquable outil pédagogique ?
Le “souffleur diabolique” est-il capable de distinguer, dans les critiques qui l’accablent, celles qui sont inspirées par l’hypocrisie, la malveillance idéologique, et le désir de nuire, et la part de vérité qu’elles contiennent sur lui, sur son discours. Peut-il s’en servir pour se corriger ? Est-il capable d’humilité ? Peut il se nourrir de la contradiction pour en être plus fort et plus utile ?
Wait and see !
E. Boulogne.