26 Juin 2022
Je ne serai pas très long pour introduire cet article, d'abord parcequ'il est extrêmement clair et modéré, ensuite parce que je suis un peu fatigué pour diverses raisons ce qui m'incite à prendre quelque repos comme chaque année à cette date sur l'île de Clipperton, petit territoire français en plein cœur de l'océan pacifique. (Le Scrutateur).
Interrogé, ce jeudi matin, sur Europe 1 au micro de Sonia Mabrouk, Michel Onfray, comme à son habitude, a pris le contre-pied de quelques évidences médiatiques, dont le rabâchage a pour but de les faire passer pour des vérités insubmersibles. Que l’on soit d’accord ou pas avec le fondateur de la revue Front populaire, l’écouter est parfois (ou souvent ?) agaçant, parfois rafraîchissant, mais stimulant, toujours.
L’une de ces évidences médiatiques est, bien sûr, que Marine Le Pen est d’extrême droite. Olivier Véran ne disait-il pas, récemment, que le RN ne faisait pas partie de « l’arc républicain » ? Au-delà de la formule creuse, si le RN n’était pas un parti « républicain », il aurait été interdit.
Ce jeudi matin, donc, Michel Onfray, à qui l’on peut reconnaître une virile détestation de ces clichés qui sont aujourd’hui le préalable à toute pensée, expliquait à Sonia Mabrouk que Marine Le Pen devrait être Premier ministre. « Vous savez bien que c’est impossible ! » lui rétorque la journaliste. Peut-être sous-entend-elle que c’est moralement impossible d’élever à ce poste une personnalité politique d’extrême droite. À quoi il répond : « Marine Le Pen Premier ministre, ce sont ce que les institutions exigent, demandent. Si vous me dites que c’est impossible, cela signifie que l’on a avalisé le fait que nous n’étions plus en démocratie. » Inversant la charge de la preuve, il éparpille façon puzzle le discours rodé, éprouvé et aujourd’hui éculé de tous les antifascistes de la Terre.
Il poursuit : « Je n’ai jamais pensé que Marine Le Pen soit d’extrême droite, j’ai toujours pensé qu’elle était d’une droite qui ressemblait à celle de Chirac dans les années 70, celle de Pasqua, de Pandraud [ancien ministre délégué à la Sécurité, ami personnel de Jacques Chirac et Charles Pasqua, NDLR], même les bruits et les odeurs pour ceux qui s’en souviendraient chez Jacques Chirac. »
Une façon claire d’expliquer l’artificialité et l’inanité du cordon sanitaire, de l’interdit moral qui a pourtant régulé la vie politique française pendant quarante ans - auquel Jacques Chirac avait d’ailleurs abondamment souscrit.
Alors Marine Le Pen représente-t-elle la droite des années 70-80 ? Il est vrai qu’à l’époque, Jacques Chirac lui-même n’hésitait donc pas à parler de bruits et d’odeurs. Alain Juppé, interviewé en octobre 1990 dans le magazine Lui, parlait de l’intégration des immigrés dans le 18e arrondissement comme d’un « problème permanent et gigantesque ». Toute cette droite RPR à l’époque, de la fin des années 70 au début des années 90, n’hésitait pas à employer un langage de vérité pour parler de l’immigration. Paroles peu suivies d’actes, il est vrai, ce qui, en sus de son anti-gaullisme foncier, explique l’engagement de Jean-Marie Le Pen, endossant ainsi pendant des décennies le rôle de lanceur d’alerte.
Autre similitude avec la droite RPR, qui ne faisait peur à personne, et le RN d’aujourd’hui, c’est l’électorat populaire, rural, et diversifié socialement, bien plus que celui de la NUPES. Comme le remarque Le Figaro, analysant les résultats des législatives : « Après avoir aspiré les électeurs communistes du bassin minier dans les années 2000, puis l’électorat socialiste populaire des Hauts-de-France et de l’Est entre 2012 et 2015, le mouvement de Marine Le Pen pourrait avoir passé, lors de ses élections législatives, un nouveau palier. En ramenant à lui tout un électorat de droite populaire et rurale, jusque-là fidèle au parti Les Républicains. Celui-là même qui lui a apporté la victoire dans quatre circonscriptions sur cinq de l’Eure, dans de nombreuses circonscriptions de Picardie ou de Champagne comme dans le Centre. »
En dehors de la place « géographique » de son groupe dans l’Hémicycle, à droite d’un groupe LR sérieusement racorni, peut-on effectivement encore dire que le RN est d’extrême droite ? Il semblerait que sa géographie aujourd’hui recouvre celle de la France.