14 Novembre 2021
Le titre de cet article est du Scrutateur, et non des deux auteurs que je cite ci-dessous. J'en porte seul la responsabilité. En revanche je partage pleinement le contenu des deux articles qui représentent l'expression du bon sens et de l'intérêt de la Guadeloupe alors que des inconscients (mais aussi des voyous) sous la direction de Domota se préparent pour la semaine prochaine à porter à nôtre île un coup comparable à celui qui l'avait si grièvement blessée en 2010. (Edouard Boulogne).
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Je vous transmets cette réflexion de Serge Romana de même que la référence à un article de Stéphanie Mulot ayant déjà circulé dans l'opinion publique. Je me demande d'ailleurs si cette notion d'opinion publique convient pour un pays, comme le nôtre, dans lequel une véritable opinion publique a du mal à prendre corps. Serge Romana avoue avoir du mal à comprendre que, concernant la vaccination, l'rrationalité domine les Guadeloupéens avec tant de force. Cela est d'autant plus inquiétant que nous sommes sur le point de connaître une nouvelle vague car le taux d'incidence qui était au-dessous du seuil d'alerte (42 au lieu de 50) est passé aujourd'ui à 62; vingt points de plus! On pourrait se demander si le Préfet de la Guadeloupe n'a pas annoncé trop tôt la fin de nombreuses mesures sanitaires.
Je parlerai de "bêtise" plutôt que d'irrationalité (bien que les deux choses soient liées), au sens que le définit Jacques Généreux dans son dernier livre Quand la connerie économique prend le pouvoir (Seuil). Nous sommes tous sujets à la bêtise quand des affects spontanés détruisent la rationalité. Mais en période de pandémie, une sorte de psychose collective altère toujours gravememnt le jugement. Une de mes connaissances, antivaccin enragé, engage avec moi un échange à ce sujet et je lui dis de faire un effort de réflexion. Il me répond :"réflexion sé biten a fwansé, sé biten a blan". Une autre fois, je rentre dans le magasin d'une station service pour acheter un produit quotidien (dont je tais le nom). Un homme, arrive dans une belle BMW flanbant neuve, entre dans la salle sans masque. Nous sommes plusieurs à lui demander de mettre son masque. Il nous répond: "blan la di zot pôté mask et zot ka obéyi!". Effarant!
Il est clair que cette bêtise est alimentée avec une force incontestable par les "réseaux sociaux", terme d'ailleurs désarmant de nostalgie si tant est que ces réseaux dit sociaux sont ceux qui détruisent l'intelligence collective donc la socialité effective. Le plus grave est que ces bêtises, alimentées par les réseaux sociaux, sont reprises non seulement dans certaines émissions télévisées mais aussi relayées par des dirigeants de l'UGTG comme Gaby Clavier et Elie Domota qui en font leur point de ralliement.
Il est clair que si, au-delà de nos différences ou de nos divergences, nous n'arrivons pas à produire une intelligence collective dans notre société, c'est le bien commun ou l'intérêt collectif guadeloupéen qui s'en ira au gouffre.
Jacky Dahomay
Article de Stéphanie Mulot :https://aoc.media/analyse/2021/11/02/sur-le-refus-de-la-vaccination-contre-le-covid-19-en-guadeloupe/
Serge Romana présente quelques réflexions à propos de la crise COVID-19 aux Antilles
L’OMS a classé en 2019 « la méfiance vis-à-vis de la vaccination » comme une des 10 menaces pour la santé mondiale. La catastrophe sanitaire des mois de juillet et août de cette année aux Antilles en a été la démonstration. En effet, alors que la 4e vague COVID liée au variant delta était contenue dans toutes les régions du Monde où plus de 50 % des habitants étaient vaccinés, les Antilles payèrent leur faible taux de vaccination par la mise à genoux de leur système de soins et un nombre vertigineux de décès. La logique aurait voulu qu’après cette tragique expérience, on assiste à une progression significative du taux de vaccination. Il n’en fut rien ! Une 5e vague est inéluctable en raison des postures de « résistance aux vaccins » qui fragmentent les sociétés guadeloupéenne et martiniquaise.
Jamais ces sociétés n’ont été autant fracturées.
Médecin et scientifique, je contribue, depuis le 13 août dernier, aux travaux du collectif CovidUrgenceOutremer. Dans ce cadre, j’ai participé à de nombreuses émissions et webinaires pour dire et expliquer le consensus mondial scientifique et médical concernant la COVID-19 et la nécessité de la vaccination. Après trois mois de débat, je voudrais vous faire part de mes incompréhensions, de mes interrogations et de quelques réflexions.
Au cours d’un webinaire, je suis resté interloqué face à une professionnelle de santé lorsqu’elle déclara : « je préfère mourir que de prendre le vaccin ». Comment peut-on énoncer une telle phrase alors que 7,2 milliards de doses de vaccin ont été à ce jour administrées au niveau mondial et qu’il existe donc des milliards de preuves des immenses bénéfices de ce vaccin par rapport aux faibles risques d’effets secondaires graves ? Quelle est la logique d’une telle affirmation, lorsque toutes les études en population comme celle publiée par EPI-Phare sur 22 millions de Français[1] et celle réalisée sur 60 000 Antillais[2] montrent que la vaccination protège 90 % de la population des formes sévères ? Je cherche la rationalité de telles allégations et je n’en trouve pas. Si je suis capable d’expliquer la maladie, le virus et la révolution que sont les vaccins à ARN messager, en revanche je n’ai pas de réponse logique à une telle déclaration.
J’étais stupéfait à la lecture de la lettre d’une amie, médecin, témoignant que sa famille l’avait traitée de « collabo » parce qu’elle vaccinait ? Selon ce témoignage, qui fait écho aux multiples déclarations de pseudo leaders d’opinion, les vaccinés seraient donc les « collabos » d’une puissance « étrangère », la France, dont l’objectif serait d’exterminer par le vaccin (dénommé « la piqure »), les peuples de la Guadeloupe et de la Martinique. Mais comment un vaccin peut-il devenir un indicateur d’une politique d’un gouvernement fut-il « colonial », puisqu’il le préconise (l’impose même) à l’ensemble de la population de l’hexagone ? Quelle est la logique de ce raisonnement ? Avec de telles accusations, ils ont réussi « la performance » de plonger une partie non négligeable des populations martiniquaise et guadeloupéenne dans une terreur telle que nombreux sont les citoyens de ces régions qui ont peur de dire qu’ils sont vaccinés.
Mais ce qui me choque le plus est l’accusation lancée à la figure des médecins selon laquelle ils seraient des assassins, des criminels à la solde des firmes pharmaceutiques. Agents d’un gouvernement « colonial », ils refuseraient, selon ces leaders autoproclamés, de traiter leurs patients. Comment peut-on avoir de tels propos envers ceux qui ont soigné jours et nuits durant les mois de juillet et d’août, les flots de patients atteints de COVID-19, pour l’immense majorité non vaccinée ? Comment peut-on salir en toute impunité la réputation de ceux dont l’attitude fut héroïque face au « tsunami COVID » qui s’abattit sur la Guadeloupe et la Martinique en juillet 2021 ? Comment des individus responsables peuvent-ils attaquer avec une telle violence ceux-là mêmes qui tous les jours les soignent et qui auront bientôt à prendre en charge la 5e vague COVID-19 qui s’annonce ? Et ce sont ces individus, grands pourfendeurs de médecins, ignorants des Sciences, qui se permettent de proposer des stratégies de traitement. Je n’en reviens toujours pas que ces pseudo leaders n’ayant aucune expertise en évaluation thérapeutique proposent l’hydroxychloroquine. Dans le même temps l’OMS en déconseille l’utilisation en pratique courante et interdit la poursuite de son évaluation dans les études sous son égide. Comment proposer une stratégie contre l’avis des experts mondiaux du Covid tout en n'ayant aucune compétence ou crédibilité sur le sujet ? Je suis resté sans voix en entendant les mêmes émettre de savantes réflexions sur les autorisations de mise sur le marché (AMM) conditionnelles des vaccins, procédés classiques dans une situation sanitaire d’urgence. Ce sont les mêmes également qui ont déclaré de façon péremptoire qu’il fallait suivre les prescriptions de médecins marginaux ou autres pseudo-scientifiques qui vendent leur « potion magique anti-Covid », concoctée on ne sait où et bien évidemment non validée ?
De telles postures sont profondément irrationnelles, car elles vont à l’encontre des résultats des travaux de dizaines de milliers d’articles régulièrement publiés dans les plus grands journaux scientifiques et médicaux[3]. Le « je préfère mourir plutôt que de prendre le vaccin », l’anathème de collabo jeté à la figure des vaccinés, l’accusation de « criminels » crachée à la figure des médecins ne relèvent pas d’un débat sanitaire. Nous sommes ici projetés dans un combat politique dans lequel les médecins sont pris en otage. Les conséquences de ces positions anti-médecins, anti-scientifiques seront terribles. Comment la Martinique et la Guadeloupe pourront-elles faire face à la 5e vague maintenant que de nombreux jeunes médecins, profondément heurtés par le sort qu’il leur est réservé, s’apprêtent à partir ? Comment ne pas craindre l’augmentation des déserts médicaux qui s’annoncent après les anathèmes lancés ?
Il est grand temps que les sociétés civiles de la Guadeloupe et de la Martinique réagissent et protègent leur corps médical. C’est d’elles que doit venir la résolution de cette crise. Car assister en spectateur au lynchage de ses scientifiques, c’est se préparer un triste avenir, celui du règne de l’obscurantisme, source de régression sociétale.
Pr Serge Romana, Généticien.