14 Janvier 2021
Psychologiquement, ce sera très difficile à encaisser . D'autant plus que plusieurs éléments négatifs, comme l'impossibilité pour les entreprises de rembourser les PGE, peuvent peser sur l'avenir .
Qu’arrivera-t-il à l'économie en 2021 avec toujours la présence étouffante de la pandémie de Covid-19 ?
Suivant les dires de certains organismes comme l'Insee , une forte récession guette la Guadeloupe. Cela peut sembler paradoxal. D’un côté, le moral des chefs d'entreprises s’est effondré avec la pandémie.Et pourtant. Si l’on en croit la dernière étude de l'Insee sur le commerce de détail, ce secteur a profité de pulsions d’achats inhabituellement élevées. Certes, le secteur a été «durement éprouvé», subissant les «lourdes conséquences» des restrictions liées à la crise sanitaire. Mais en Guadeloupe, il a «globalement profité de la pandémie».
La vague de faillites et de licenciements collectifs annoncée au début de la pandémie de Covid-19 ne s’est pas produite en Guadeloupe . Les statistiques 2020 du ministère de l'économie , publiées vendredi, montrent que le chômage partiel a permis de l’éviter. Mais l’arsenal déployé par le gouvernement pour empêcher une lourde crise de l’emploi sera-t-il assez robuste pour faire face à de nouvelles restrictions économiques ? On aurait pu craindre pire, bien pire. L’année 2020 enregistrera une récession, c’est vrai. Mais son ampleur sera bien moindre que prévu alors que la pandémie commençait à paralyser le monde, foi d’économistes.
Aujourd’hui, les menaces virtuelles sur le social en France sont énormes, mais on n’arrive pas à imaginer ce qui arrivera , parce que l’on n'a jamais vécu avec une crise économique aussi intense.
Un double danger, économique et social, mais également technologique, attaque à la racine l’idée de progrès qui tient lieu de religion laïque à l’Occident depuis le XVIIIe siècle. Dans la conception des Lumières, le développement de la science et de la technique allait de pair avec le perfectionnement de l’homme et des sociétés. Cette belle machine idéologique s’est aujourd’hui grippée. Plus personne en France, ou presque ne croit à un progrès linéaire, illimité, qui serait le sens même de l’histoire humaine. Et pourtant en Guadeloupe, on continue à fonctionner comme par le passé en minimisant les choses dès lors qu'il s'agit d'économie .
Ainsi, la dérégulation économique totale que provoque la crise du Covid 19, me paraît nous priver de nos libertés bien plus qu’une régulation raisonnable. En ce sens, je pense que les guadeloupéens doivent être plus rationalistes, car je crois que la raison doit à présent être défendue comme un bien commun dans le débat public. On entend souvent dire que la France sera au rendez – vous quoiqu’il arrive ! C’était vrai , il y a encore peu mais actuellement avec la croissance zéro à venir , ce postulat va s’avérer complètement obsolète. Or on sait que la consommation est le principal moteur de la croissance en Guadeloupe . L’endettement d’un ménage n’est pas toujours source de revenus futurs, surtout si cet endettement vise la consommation. Les dépenses de l’État à l’inverse peuvent être productives, elles sont une manière de soutenir l’économie, et elles sont sources de recettes futures. Il faut défendre la dépense publique en Guadeloupe qui a des fondamentaux économiques différents de ceux de la France métropolitaine : elle soutient la demande, elle soutient les débouchés pour les entreprises. Les prestations sociales, par exemple, permettent aux ménages qui en bénéficient de continuer à consommer. En plus de contribuer à réduire les inégalités, cela stimule l’activité et la croissance économique. La croissance zéro aura au contraire des effets pervers pour les guadeloupéens. Le gel à venir des prestations sociales ou du point d’indice des fonctionnaires, c’est une perte de pouvoir d’achat pour les ménages guadeloupéens concernés, cela entraînera une baisse drastique de la consommation, qui pèsera sur l’activité et donc sur la croissance. C’est en définitive des recettes en moins pour les collectivités locale, car s’il y a moins d’activité comme par exemple actuellement dans certains secteurs, il y a moins de revenus distribués dans l’économie, et donc moins de recettes fiscales. Quand une collectivité locale dépense en investissements publics, elle soutient l’activité, elle soutient la croissance… les ménages consomment plus, paient plus d’impôts et plus de taxes… autant de recettes futures. Lors de la crise sociale de 2009, la Guadeloupe ayant un niveau soutenu de protection sociale comme la France et une stabilité de la masse monétaire qui irrigue l’économie guadeloupéenne a été relativement protégé ,et ce en dépit d’une chute du PIB de 4,6% ,( à noter qu’en Martinique ,la chute du PIB a été de 6,5% et celle ci est entrée en récession )et a ainsi donc pu éviter une vraie catastrophe économique et un désastre social : ce que l’on appelle les « stabilisateurs automatiques », comme les transferts publics et dépenses sociales qui soutiennent la consommation et l’investissement financier des collectivités comme la Région Guadeloupe qui ont relancé l’activité, ont joué un rôle d’amortisseur de la crise sociale de 2009 . A l’inverse, aujourd’hui , dans ce nouveau contexte de crise larvée en France , la croissance zéro sera mortifère pour la Guadeloupe , car les salaires seront de plus en plus faibles, les ménages auront moins de revenus, consommeront moins et les entreprises ne parviendront pas à écouler leurs produits. L’austérité mènera à une crise sociétale de grande ampleur .On comprend que le problème n’est pas d’abord économique mais politique… Comment s’extirper de ce paradoxe? En Guadeloupe , les politiques ne semblent pas prendre aujourd’hui la mesure de la faiblesse intrinsèque de la départementalisation .
>Car, au-delà des enjeux de la crise sanitaire, il y a d’autres sujets sur lesquels il est urgent d’anticiper, si l’on ne veut, là encore, être pris de court et débordé.On voit que la situation socio-économique actuelle de la France est en train d’atteindre un point critique. Face à l’exaspération sociale qui monte en flèche, on attend des politiques de droite comme de gauche qu’ils changent de logiciel et sachent parler un langage de vérité. Ce langage – révolutionnaire dans le contexte actuel – consisterait en fait simplement à dire qu’on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre, que la réalité n’est pas malléable à l’infini, que si on ne veut pas payer davantage d’impôts locaux, il va falloir envisager une redéfinition du jeu politique en Guadeloupe et dire la vérité aux citoyens sur les menaces existantes. Le modèle des 40 dernières années a effectivement été de prendre d’une main à la classe moyenne pour redonner d’une autre à la classe populaire, c’était la mise en œuvre de la machine infernale de l’assistanat. Sauf que l’état des finances publiques et surtout le ras bol fiscal de la classe moyenne et supérieure ne permet plus ce jeu de passe-passe.Les responsables politiques devront savoir expliquer aux Guadeloupéens qu’ils vont avoir à s’habituer à recevoir moins de gains de productivité, s’habituer à une croissance Zéro et donc connaître la stagnation des niveaux de vie futurs.
>Je mesure mes mots quand je déclare que l’impact de la croissance zéro sur la Guadeloupe voire la récession probable aura pour effet de diviser de moitié l’enrichissement global du pays à l’horizon 2025 du fait de la destruction créatrice de l’économiste Schumpeter. Une grande cassure économique arrive. Son origine n’est pas seulement d’ordre économique et financier, mais bien provoqué par l’incapacité des dirigeants politiques à repenser le modèle de développement actuel et l’organisation économique du pays Guadeloupe . Il faut le dire clairement sauf à risquer l’implosion face à une situation où il faudrait continuer à augmenter la pression fiscale non plus sur le revenu mais par le biais des impôts locaux et des taxes , baisser les prestations tout en évitant l’endettement. C’est une équation tout simplement impossible à atteindre dans le cadre du modèle économique et social actuel qui prévaut aux Antilles .Pour réussir à penser à un autre modèle sur le long terme il faut également savoir vers ou l’on souhaite aller ? Quelles sont les objectifs ? Pour cela, posons -nous les bonnes questions avant de continuer notre vie la tête dans le guidon à suivre la même routine par contrainte plutôt que de notre propre volonté.Et plus que jamais, nous devons méditer sur cette citation du grand penseur Antonio Gramsci qui dit que « La crise consiste dans le fait que l’ancien meurt et que le nouveau ne peut pas naître »
>Jean-Marie Nol économiste
>