20 Octobre 2020
Cet article paru ajourd'hui dans France-Antilles, sans être immédiatement dangereux est lourd de menaces. (LS).
La Guadeloupe est-elle à l'abri, d'un acte terroriste comme celui perpétré vendredi dernier, dans les Yvelines, par un jeune Russe intégriste à l'encontre d'un professeur de collège ? L'enseignant a été décapité pour avoir fait en classe une intervention sur la liberté d'expression en lien avec les caricatures du prophète Mahomet. À croire plusieurs enseignants, les probabilités qu'un tel cas se produise chez nous sont faibles, mais pas nulles.
Nous avons interrogé plusieurs enseignants dont certains préfèrent garder l'anonymat. Une discrétion, assurent-ils, qui n'est pas lié à une crainte de représailles de la part des islamistes de Guadeloupe. La prudence de ces professeurs serait plutôt due à une forme de respect vis-à-vis de leur hiérarchie qu'ils n'ont pas consultée. Il faut dire cet acte a été commis vendredi et que depuis les vacances de Toussaint ont débuté et qu'il serait donc difficile de joindre les chefs d'établissements. Toutefois, d'après leurs témoignages, les enseignants de Guadeloupe ne se sentent pas menacés par ce courant religieux extrémiste très peu représenté en Guadeloupe. En revanche, ils sont plusieurs à reconnaître que dans quelques années, il ne serait pas étonnant que l'on ait à faire face à un acte isolé en Guadeloupe non pas par pure conviction religieuse, mais par suivisme et mimétisme. Certains mentionnent une évolution des tenues vestimentaires et des mentalités qui seraient la résultante d'un style de vie inspiré par la télévision et les nouveaux moyens de communication qui permettent aux jeunes Guadeloupéens de copier ce qui se fait ailleurs.
« On ne sait jamais, ce mimétisme peut s'appliquer dans d'autres domaines. On voit que des jeunes pour imiter ce qui se fait dans l'Hexagone, s'attaquent maintenant aux pompiers en intervention », souligne un proviseur de lycée. Toutefois, les craintes restent encore limitées dans le corps enseignant, même s'il est évoqué une sorte de montée en force de la violence et du non respect de certains élèves. Mais le motif religieux ne fait pas encore peur. Certains se rappellent du cas d'un élève du lycée Faustin-Fléret de Morne-à-l'Eau qui avait cautionné la tuerie perpétrée au sein du journal satyrique Charlie Hebdo. Son attitude avait été vue par nombre d'enseignants locaux comme un désir de ce jeune de se faire remarquer et de porter une contradiction à l'opinion générale.
Un courant chrétien souvent cité, mais sans crainte de représailles
Toutefois, l'absence de toute crainte d'un acte radical islamiste ne veut pas dire que la religion ne s'oppose pas à certains programmes scolaires. Que ce soit les jeunes enseignants ou d'autres qui ont une longue carrière derrière eux signalent des cas où des parents les ont interpellés ou, sans intervenir directement, ont demandé à leurs enfants de ne pas apprendre tel poème ou de ne pas participer à tel spectacle, en lien avec la fête de Noël, des anniversaires ou de carnaval. Si les Témoins de Jéhovah sont souvent cités, cette communauté religieuse ne suscite pas de crainte particulière. Il s'agit souvent de simples refus de participer ou d'apprendre, au motif que ce n'est pas compatible avec ce courant religieux, mais sans menace.
Les vacances scolaires au rythme des fêtes catholiques
L'école publique est laïque en France, même si l'État subventionne certaines écoles catholiques adventistes. Les différences viennent souvent des courants religieux chrétiens en Guadeloupe.
L'islam, et particulièrement son courant radical est encore très peu représenté. De ce fait, on peut croire que les probabilités qu'un enseignant soit égorgé en Guadeloupe pour avoir évoqué des sujets religieux sont faibles pour le moment. Et puis tout le monde semble accepter que le rythme scolaire en Guadeloupe est fondé sur le calendrier des fêtes catholiques telles la Toussaint, Noël, Pâques, l'Ascension (montée de Jésus au ciel) et même l'Assomption (montée de Marie au ciel, que seuls les catholiques célèbrent depuis qu'elle a été instaurée par le Pape Pie XII).
Et même le carnaval, fête païenne, est une occasion de vacances en Guadeloupe, et chacun y participe ou pas en fonction de ses convictions, sans problème.
ils ont dit
Patricia, enseignante de français au lycée, évoque l'époque où certains passages de la Bible étaient au programme scolaire, en lien avec l'étude de l'arrivée du christianisme en Europe, sans que cela fasse polémique.
Marcienne, enseignante à la retraite, se souvient d'un spectacle qu'elle préparait dans une école primaire aux Abymes : « J'avais choisi un de mes élèves les plus brillants pour jouer un rôle dans un spectacle en lien avec la fête de Noël. Ses parents ont refusé, au motif que Noël était une fête païenne, non compatible avec leur conviction religieuse».
Alain, professeur de musique au collège se rappelle d'un parent qui, par conviction religieuse, avait demandé à son enfant de ne pas apprendre une chanson qui évoquait la consommation du boudin et de la viande de cochon dans la tradition de Noël aux Antilles.
« Cette attaque barbare est aux antipodes des enseignements de l’Islam »
Dans un communiqué l'association musulmane Ahmadiyya Guadeloupe a fait savoir que « La communauté musulmane Ahmadiyya de Guadeloupe condamne fermement et sans aucune réserve l’assassinat barbare de l’enseignant d’histoire survenu dans les Yvelines, dans un contexte de présentation des caricatures du Prophète de l’Islam. (...) Cette attaque barbare est aux antipodes des enseignements de l’Islam, qui enseignent que tuer une personne innocente revient à tuer l’humanité entière. Qu’Allah accord la patience à la famille et aux proches de la victime. Amen. Ainsi, toute la communauté musulmane Ahmadiyya soutien le gouvernement dans sa lutte contre le terrorisme et l’extrémisme religieux.