23 Mai 2020
À force de secouer l’arbre, les fruits finissent par tomber.
Le 22 mai, allumé il y a quelques décennies - cinq ou six, pas plus - par des gueux pour exciter des sots, n’a cessé de briller d’une lumière de plus en plus intense jusqu’à cette navrante Schoelchérade, point d’orgue du combat ethno-théologique de ceux qui rêvent de faire de la Martinique une deuxième Haïti, République noire avant d’être une république tout court.
Ce serait évidemment le moment de dire qu’il faut rendre à Césaire ce qui est à Césaire et au diable ce qui est au diable. C’eût permis au « peuple mahawrtiniquais » de prétendre à quelque atome de noblesse dans sa revendication divinitaire, mais est-il possible de séparer haine et rébellion quand elles n’ont toujours fait qu’un ?
Voilà en tous cas comment la célébration de ce qui, commémorant une libération devrait être un jour de joie, présente - dès l’origine - tous les signes d’une pathologie sociale gazeuse et nauséabonde.
Ils ont beau jeu, aujourd’hui, les sycophantes ordinaires de jouer les humanistes indignés quand ils auront été, toute leur vie, et à chaque instant de leur engagement public, des... accélérateurs de l’histoire. Hé oui ! Difficile de conduire le deuil quand on est le meurtrier et qu’on a agi avec préméditation dans une rumination constante.
Ceci pour les pollueurs de mémoire auxquels cet événement-miroir renvoie, une fois de plus, une image qu’ils ne veulent évidemment pas regarder. Alors bien sûr, ils feront tout pour se disculper de cette minable Schoelchérade tellement dans l’esprit du 22 mai et de ceux qui l’ont fabriqué que c’en est l’illustration la plus aboutie à ce jour.
Citer Frantz Fanon n’est pas la première chose à laquelle on aurait envie de penser quand on se réfère à la paix de l’esprit et à l’histoire, et pourtant. Comme il a une avenue à son nom sur les hauteurs de Fort de France, on aimerait espérer, en le citant, provoquer un sursaut de dignité chez les moins gueux des gueux et chez les moins sots des sots.
« Je ne suis pas esclave de l’esclavage » par JANVIER 2006
#Divers « Seront désaliénés Nègres et Blancs qui auront refusé de se laisser enfermer dans la Tour substantialisée du Passé. [...] Je suis un homme et c’est tout le passé du monde que j’ai à reprendre. Je ne suis pas seulement responsable de la révolte de Saint-Domingue. [...] En aucune façon, je ne dois tirer du passé des peuples de couleur ma vocation originelle. En aucune façon je ne dois m’attacher à faire revivre une civilisation nègre injustement méconnue. Je ne me fais l’homme d’aucun passé. Je ne veux pas chanter le passé aux dépens de mon présent et de mon avenir. [...] N’ai-je donc pas sur cette terre autre chose à faire qu’à venger les Noirs du XVIIe siècle ? [...] Je n’ai pas le droit, moi homme de couleur, de souhaiter la cristallisation chez le Blanc d’une culpabilité envers le passé de ma race. Je n’ai pas le droit, moi homme de couleur, de me préoccuper des moyens qui me permettraient de piétiner la fierté de l’ancien maître. Je n’ai ni le droit ni le devoir d’exiger réparation pour mes ancêtres domestiqués. [...] Vais-je demander à l’homme blanc d’aujourd’hui d’être responsable des négriers du xviie siècle ? [...] Je ne suis pas esclave de l’Esclavage qui déshumanisa mes pères1. »
(1925-1961) Voix passionnée de l’anticolonialisme, dénonçant le racisme envers les Noirs puis servant la cause algérienne, Frantz Fanon a dérangé les hommes de son temps, bousculant leurs consciences, en appelant à la libération de tout homme. Il a exercé une influence considérable au sein de la communauté noire aux Etats-Unis mais aussi sur les intellectuels |