13 Mai 2020
La députée LREM Laetitia Avia a fait de ces sujets (les discriminations) ses chevaux de bataille. Elle ne connait pas le proverbe : « faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais » : Racisme, homophobie, antisémitisme, sexisme…(LS).
Cinq ex-assistants parlementaires de la députée LREM ont dénoncé des humiliations à répétition au travail. Et ce, alors que doit être présentée en dernière lecture à l’Assemblée, ce mercredi 13 mai, sa proposition de loi pour lutter contre la haine sur Internet. L'élue a annoncé déposer plainte pour diffamation.
Racisme, homophobie, antisémitisme, sexisme… La députée LREM Laetitia Avia a fait de ces sujets ses chevaux de bataille. Elle doit d’ailleurs présenter en dernière lecture sa proposition de loi de lutte contre la cyber-haine mercredi 13 mai. Pourtant, elle ne serait pas celle qu’elle prétend selon cinq de ses ex-assistants parlementaires. Il existerait en réalité « un fossé entre les valeurs qu’elle défend publiquement » et la personnalité que certains de ses anciens employés ont observée, révèle une enquête menée par Mediapart et publiée mardi 12 mai. Ces collaborateurs ont ainsi dénoncé des « humiliations à répétition » au travail, mais aussi des propos à caractère sexiste, raciste et homophobe tenus par l'élue.
De graves accusations que l'intéressée a balayé sur Twitter, dans un long message mêlant justifications et excuses à demi-mot. D'abord, Laetita Avia a estimé faire l'objet d'un « acharnement » de la part du journaliste de Mediapart qui a mené l'enquête. « À la veille du vote final de la loi contre la cyber-haine, ce n'est pas un hasard », a-t-elle avancé. Elle a poursuivi en assurant qu'elle n'a « jamais été raciste ou homophobe, au contraire », et a fustigé un acte de « manipulation honteuse, animé par un seul objectif : [lui] nuire et porter atteinte à [son] combat politique ». La députée s'est ensuite vantée d'avoir « donné leur chance » à des membres de son équipe « souvent inexpérimentés » et qu'aucun « ne s'est jamais plaint de harcèlement ». Devant ce « tableau mensonger dépeint par l'article de Mediapart », l'élue a également expliqué qu'elle allait « déposer plainte pour diffamation » tout en adressant ses « plus sincères excuses à tous ceux qui ont pu se sentir heurtés ».
Pourtant, de diffamation, il n'est pas question pour Mediapart, qui a étayé son enquête de multiples captures d'écran de conversations privées. « Des bouts de messages privés » que la députée estime « tronqués, détournés et décontextualisés » dans son tweet. L’un de ses anciens assistants d’origine asiatique n’a pas voulu témoigner de lui-même mais il était « son bouc émissaire, elle l’appelait parfois “le Chinois” ou reprenait des clichés racistes pour parler de lui », explique une témoin. En 2018, Laetitia Avia aurait même lourdement « plaisanté » dans la conversation regroupant l’équipe : « Tu es un faux Chinois, tu ne maîtrises pas Mac ». En 2017, elle avait reproché au même salarié de ne pas avoir assez nettoyé son image sur Internet, après la publication d’un article du Canard enchaîné révélant qu’elle avait mordu un chauffeur de taxi.
En avril 2018, Laetitia Avia s’est félicité du vote d’un amendement en faveur des réfugiés LGBT. Mais ses propos dans la conversation de groupe qu'elle entretient avec ses assistants passent difficilement : « On a voté l’amendement des PD », avait-elle rédigé, fière d’elle, sans penser aux conséquences. Sur Twitter, l'élue a justifié ce message en expliquant qu'il s'agissait de « l'expression qu'utilisait [son] ex-collaborateur, lui-même homosexuel, pour désigner cet amendement [qu'elle a] soutenu », tout en s'excusant que ce « détournement » puisse « heurter » certains.
Laetitia Avia n’aurait pas non plus hésité à s’en prendre à l’un de ses confrères : « Régulièrement, elle se permet des sorties très déplacées sur l’orientation sexuelle d’un collègue homosexuel », écrit Mediapart. Une ex-ministre d’Édouard Philippe aurait aussi subi des propos jugés homophobes : « C’est ma copine [mais] elle communique très mal sur ce qu’elle fait. C’est ce qu’il se passe quand tu mets un gay à la com’. »
Laetitia Avia mène publiquement une lutte acharnée contre le sexisme. Elle a d’ailleurs corédigé un rapport contre le harcèlement de rue. Mais en privé, les propos seraient très différents : « Elle insulte souvent les députées qu’elle n’aime pas de “pu**”. Elle se moque aussi beaucoup de leur physique », révèle un autre ancien assistant, qui conserve plusieurs messages pour le prouver. Une photo de sa collègue Aurore Bergé est d’ailleurs envoyée pour la comparer au Pingouin dans Batman. « Avia, c’est une gamine de 4e B au collège qui n’a pas grandi et pour qui la vie est une cour de récré. Mais ça peut faire très mal quand c’est vous qui êtes ciblé. Et ce n’est pas digne, ni d’une supérieure hiérarchique, ni d’une représentante de la nation », lâche un autre témoin à Mediapart.
Si Laetitia Avia apparaît comme une femme plus ou moins conciliante, elle serait très loin de respecter les conditions de travail de ses assistants : « Travailler pour elle, c’était être sollicitée de 7 heures à 1 heure du matin. Même le week-end. » Tous disent avoir été « noyés » par le travail. « Si on lui disait que c’était trop ou qu’on n’avait pas dormi de la nuit, elle se fichait de notre état », révèle l’une des cinq anciens assistants. « Elle était capable de piquer de grosses colères ou de nous infantiliser en permanence, mais pouvait devenir tout à fait adorable ou s’excuser quand elle allait trop loin. Psychologiquement, c’est très dur à gérer et ça maintenait une emprise », explique l’un d’eux. « Je pensais constamment à vouloir démissionner sans y parvenir », avoue une autre témoin.
Lorsque Mediapart a tenté de l’interroger, la députée a nié en bloc les accusations et les critiques contre elle : « Il y a un élément sur lequel vraiment je suis sans appel, c’est le racisme, l’homophobie et le sexisme. Je ne les tolère pas. » Elle a par la suite écrit qu’elle contestait « ces allégations mensongères ». Elle poursuit : « Vous m’avez contactée par téléphone, SMS, e-mail, WhatsApp et Telegram. Je vous remercie de bien vouloir cesser de me harceler. J’adresse copie de cet e-mail à mon avocat Basile Ader auprès de qui votre conseil peut prendre attache », menace Laetitia Avia, qui semble donc se sentir « harcelée » à son tour.