Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le Scrutateur.

Blog destiné à commenter l'actualité, politique, économique, culturelle, sportive, etc, dans un esprit de critique philosophique, d'esprit chrétien et français.La collaboration des lecteurs est souhaitée, de même que la courtoisie, et l'esprit de tolérance.

La crise de l'endettement est une bombe à retardement pour les Antilles.

1 et 2 : La zone industrielle et commerciale de Jarry, en Guadeloupe.
1 et 2 : La zone industrielle et commerciale de Jarry, en Guadeloupe.

1 et 2 : La zone industrielle et commerciale de Jarry, en Guadeloupe.

Je remercie vivement M. Jean-Marie Nol, ancien directeur d'une grande banque antillaise, et économiste, de confier régulièrement au scrutateur sa réflexion sur l'économie, particulièrement dans la période très difficile que nous traversons. (Le Scrutateur).

 

 

Avant la crise du coronavirus , je m’inquiétais du niveau de l'endettement qui s’abattait sur le monde . Il ne s’est pas calmé. Au moment du déconfinement, les voix se multiplient contre l'endettement des Etats, des entreprises, des collectivités locales et des ménages. 
Mais ce qui inquiète aujourd'hui les analystes, c'est le niveau de l'endettement public et privé aux Antilles . L'endettement , qui était vue comme un acte civique ces dernières années puisqu'il soutenait avec force le rythme de croissance, risque de précipiter l'économie  dans un cycle qui est loin d'être vertueux. 

En effet, la Guadeloupe et la Martinique à l'instar de la France s'endettent à tour de bras et c'est l'étincelle qui mettra le feu aux poudres de la prochaine crise financière qui couvait déjà bien avant le choc sanitaire et économique du coronavirus. Cette crise de l'endettement va embraser le monde et n'épargnera pas la Guadeloupe et la Martinique . Quelques chiffres en prime time pour comprendre l'ampleur du phénomène de l'endettement dans le monde, car l’endettement des États, des entreprises et des ménages, partout dans le monde augmente  dangereusement. L’emprunt est encouragé par la baisse des taux.

L’ensemble des dettes contractées par les États, les entreprises et les particuliers, partout dans le monde, dépasse désormais le chiffre astronomique de 250 000 milliards de dollars (226 000 milliards d’euros). Cela représente 320 % du PIB mondial, ce qui veut dire que pour rembourser intégralement, il faudrait que l’ensemble de l’économie mondiale travaille durant plus de 3 ans, uniquement pour régler l’ensemble des dettes.

Rien que depuis la crise du coronavirus l’endettement s’est accru de 4 500 milliards de dollars. Et il devrait augmenter de 6000 milliards d’ici à la fin de l’année 2020 . Rapporté au nombre d’habitants, le montant cumulé des emprunts représente près de 30 000 € pour chacun des 7,7 milliards d’habitants de la terre.
Pour autant, la principale préoccupation de la Banque de France, c'est bien l'endettement des Français. De tous les risques énoncés, l'endettement est clairement identifié comme étant le danger le plus élevé pour l'économie.

L'endettement des collectivités locales des entreprises et des ménages ne cesse de croître aux Antilles.

À travers son dernier rapport, l’IEDOM met particulièrement en garde vis-à-vis des risques liés à l'endettement des Guadeloupéens . En effet, les taux d'endettement des entreprises et des ménages  continuent de croître à un rythme soutenu depuis la crise sanitaire actuelle, notamment avec la mise en place des prêts garantis par l’Etat (PGE) .

 Par exemple en Guadeloupe, au 14 mai, 1 000 entreprises étaient soutenues pour un montant de PGE de plus de 254 millions d’euros accordés. 473 dossiers sont en cours d’instruction pour un montant pré-accordé de 57 millions. Pour autant, beaucoup d'entreprises ne pourront pas honorer le remboursement de ces PGE ayant déjà une capacité d'autofinancement insuffisante voire négative.

De plus, cerise sur le gâteau, avant que le Covid n'intervienne, 65 % des entreprises de l'archipel guadeloupéen présentaient des dettes sociales, et 35 % des dettes fiscales .

Nos dirigeants politiques  conçoivent la sortie de pandémie comme un retour au régime de croissance d’avant. Mais c’est se bercer d’illusions et surtout nous berner. Le récit économique qui sert de support à cette thèse est celui du scénario en V c'est à dire d’un recul très brutal de la production mais conjoncturel. Il serait suivi d’un rebond massif permettant un retour finalement assez rapide à la normale. Le besoin de déficits et d’endettements supplémentaires serait rapidement jugulable. A notre avis, cette approche politique des problèmes va bientôt se révéler fausse dans la réalité en raison de l'insuffisance de fonds propres pour soutenir un surcroît d'emprunts , donc je persiste à penser qu'à très court terme, l'endettement est bien un danger  pour la Guadeloupe et la Martinique du fait que les banques vont bientôt devoir surréagir et fermer le robinet du crédit . 
Ainsi, le rapport de l’IEDOM explique que « La dynamique de l'endettement des entreprises augmente le risque de défaut et/ou les difficultés de refinancement en cas de choc macroéconomique comme le coronavirus. La capacité à mobiliser les ressources publiques pour amortir de futurs chocs  financiers devient également plus limitée avec l'accumulation des déficits depuis la crise.   

En clair, si une nouvelle crise de la dette éclate demain, il sera particulièrement difficile pour l'État de renflouer les caisses. Une perspective pour le moins inquiétante. Lorsque l'on s'attarde sur le détail, on remarque que tous les secteurs sont touchés par un endettement très élevé.

Alors que la dette publique a franchi le seuil symbolique des 100 % du PIB, celle des ménages s'alourdit tout aussi dangereusement.

Le chiffre est presque magique. Le Covid 19 a déposé une petite bombe  avec ces deux mois de confinement : la dette publique (regroupant celles de l'Etat, des collectivités locales et des organismes de sécurité sociale) va franchir en 2020 le seuil des 115% voire 130 % du produit intérieur brut (PIB), c'est à dire de la richesse totale produite par la France . Soit 2 815 milliards d'euros exactement. La nouvelle est presque passée inaperçue. Comme si l'opinion était habituée à cette petite musique. Comme si le poids toujours croissant du fardeau public ne posait plus question. Un nouvel opium. Cette addiction est d'autant plus inquiétante qu'une autre dette est, elle aussi, en train d'enfler. Elle nous concerne tous, c'est la nôtre, celle des collectivités locales, des entreprises et des ménages .  

La France est le seul des grands pays développés où le taux d'endettement des particuliers n'a cessé de progresser depuis vingt ans. Même pendant les "années de plomb", après la grande crise de 2008, il a continué de grimper, se hissant à un niveau qui n'est aujourd'hui plus très éloigné (96 % du PIB fin 2019) de celui de l'Etat. Les Français sont désormais, avec les Espagnols, les plus endettés de la zone euro. Un endettement constitué à plus de 80 % de crédits immobiliers (certes à taux fixes) dont l'encours progresse dans l'Hexagone quasiment deux fois plus vite 
La tendance est la même pour ce qui concerne les ménages et les collectivités locales de Guadeloupe et Martinique. En particulier en Martinique, il existe une bulle immobilière et celle ci ne peut perdurer en l'état, sans craindre une explosion pouvant entraîner des difficultés financières pour les propriétaires.

Le niveau d'endettement des collectivités locales de Guadeloupe et Martinique, déjà très élevé, devrait atteindre des sommets en fin 2020. Et c'est le député de la Martinique qui lance un cri d’alarme dans une adresse au gouvernement français, je cite :
" Avec plus de 40% des ressources financières de nos collectivités locales qui dépendent de l’octroi de mer et de la taxe sur les carburants, les conséquences de cette crise sanitaire sont dramatiques sur les finances publiques locales. 
Pour le seul mois de mars, ce sont plus de 2,2 millions d’euros de recettes d’octroi de mer en moins et plus de 1 million d’euros de perte sur la taxe sur les carburants soit plus de 3,2 millions d’euros de pertes « sèches » de recettes. 
Les éléments connus nous font craindre une diminution de plus de 7,5 millions d’euros globalement pour le mois d’avril." 

Selon notre propre analyse, pour faire face à cette situation budgétaire dégradée, les collectivités locales n'auront d'autres choix que de recourir à l'emprunt, tant l'état sera bientôt impecunier .  Ainsi, Bruno Blandin le président du Medef Guadeloupe a récemment interpellé la ministre de l'Outre-Mer, Annick Girardin, pour que le problème de la dette des collectivités publiques à l'égard des entreprises guadeloupéennes — 130 millions d'euros… — trouve enfin une solution. Il a suggéré que l'État garantisse un prêt accordé à ces collectivités. Autre piste majeure, suggérée par Patrick Vial-Collet,le président de la CCI Guadeloupe, la souscription, par la région Guadeloupe, d'un « grand emprunt », destiné à financer un plan ambitieux de relance. Le président de la région  Guadeloupe, Ary Chalus y semble favorable. Pour Alfred Marie-Jeanne le président de la CTM, (toujours très frileux sur l'augmentation de l'endettement) qui semble plus privilégier un appel de fonds à l'Etat, c'est wait and see sur la question d'un grand emprunt régional pour la relance de l'économie Martiniquaise.

Notre mal développement est lié à l’absurde dépendance de ces collectivités, au modèle économique qui privilégie l'endettement et l’importation massive pour gonfler les recettes d'octroi de mer . Cela induit un cercle vicieux : plus on importe, plus les recettes publiques augmentent et plus notre dépendance devient forte. 
A l’instant où nous écrivons ces lignes , un peu partout en France hexagonale et Outre-mer , on procrastine, on s’endette, on retarde autant qu’on peut l’effondrement économique et social qui découlera de cette pandémie. Mais en fait, comme toujours quand on n’agit pas lucidement face à une menace, quand on cache aux peuples l’immensité de la crise qui va arriver, on ne fait que se préparer à en faire payer le prix aux plus fragiles, aux plus pauvres du fait de l'austérité budgétaire qui vient en fin d'année 2020 .

Continuer comme ça, c’est aller tout droit à une révolution, dont les classe moyennes seront les moteurs avant d’être eux aussi, à la fin, avec les plus pauvres, les principales victimes. 

Il ne reste plus qu'a espérer que la crise de la dette tant redoutée ne se produise pas dans un avenir proche...

Jean Marie Nol économiste

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article