24 Mai 2020
3) Esclavage en Afrique, le rôle de l'islam. 4) L'esclavage continue au 21 ème siècle. Ic i au Soudan.
Suite de l'article paru sous le même titre, et dont ce chapitre est la suite.
L'attitude de l'Eglise catholique.
Au milieu de tout cela quelle fut l'attitude de l'Eglise catholique ?
On lui reproche volontiers aujourd'hui d'avoir été passive, voire complice de l'esclavage. C'est une profonde injustice. Mais il est vrai que l'Eglise ne prit pas, du moins très tôt de position spectaculaire et médiatique comme on les aime tant aujourd'hui, pas toujours d'ailleurs où et quand, elles se justifieraient.
On connaît le mot d'Aristote : “ Si les navettes tissaient d'elles-mêmes, et si les plectres pinçaient tout seuls la cithare, alors ni les chefs d'artisans n'auraient besoin d'ouvriers, ni les maîtres d'esclaves ”.
Dans l'antiquité par exemple; l'attelage était constitué de sangles souples enserrant le poitrail de l'animal et l'étouffant. C'est pourquoi les animaux jouaient alors un rôle moins important que dans les temps modernes, avant que le machinisme ne se substitue à son tour à eux, du moins dans les pays développés. Ce n'est qu'au 10 ème siècle en Europe, que l'attelage moderne est inventé. C'est aussi le moment où sous l'influence de l'Eglise, le servage se substitue de plus en plus à l'esclavage. Que l'esclavage apparaisse dans les temps anciens comme une nécessité incontournable explique que l'Eglise n'adopte pas, alors, de position tranchée, spectaculaire.
L'Evangile est dans son essence, opposée à toute exploitation de l'homme par l'homme, à toute réduction de l'homme au statut d'objet négociable. L'homme pour Jésus n'est pas le membre d'un clan ou d'une nation en dehors de laquelle il n'y aurait que des "barbares". "Allez et prêchez à toutes les nations", dit-il. Mais pas de malédictions contre les maîtres en tant que tels, et d'incitations à la révolte généralisée. La position de St Paul donne le ton."Le baptême réunit en un seul esprit et un seul corps Juifs, esclaves ou hommes libres "dit l'apôtre dans l'Epître aux Corinthiens.
Parmi les maîtres il y a des chrétiens. L'esclave de l'un d'eux s'enfuit, marronne comme on dirait aux Antilles. C'est Onésime, esclave de Philémon, chrétien, ami de Paul qui se met en position délicate, puisque secourir un esclave en fuite est une faute grave selon la loi romaine, et sévèrement punie. St-Paul écrit à Philémon pour le convaincre de pardonner à l'esclave fugitif, et de le bien traiter. L'apôtre termine sa lettre par une phrase sibylline : « Je sais bien que tu feras plus encore que je ne demande ». Invitation à Philémon d'affranchir Onésime? Peut-être. Mais nul appel abstrait à l'abolition immédiate de l'esclavage en général. A l'époque, celui-ci, répétons-le apparaît comme inévitable. Les révoltes d'esclaves se terminent d'ailleurs dans la tragédie. La plus célèbre, celle de Spartacus, s'achève par la crucifixion sur des kilomètres de la voie Appienne, près de Rome, de milliers d'esclaves qui agonisent longuement. L'Eglise cherchera à adoucir l'institution de l'intérieur, comme elle tenta, de ses débuts à nos jours, d'adoucir le sort des malades les plus contagieux, et les plus répugnants. A-t-on jamais condamné la lèpre? Des prêtres, religieuses, chrétiens moururent au service des lépreux, jusqu'à ce que le progrès scientifique permit de vaincre cette terrible maladie.
De la même façon, me semble t-il, peut s'expliquer l'attitude de l'Eglise catholique face à l'esclavage et à la traite des nègres à l'époque dont nous parlons.
Le jésuite Alphonse Quenum parle des lettres pontificales contre l'esclavage des indiens (sous l'influence de Las Casas)mais guère contre la traite négrière, en signalant toutefois une lettre du pape Pie 2 à l'évêque de Guinée en 1462 où la traite des nègres est condamnée et traitée de "grand crime" .Prise de position assez isolée, jusqu'en 1814 où Pie 7 s'adressa aux ecclésiastiques et laïcs en ces termes significatifs : "Nous interdisons à tout ecclésiastique ou laïc d'oser soutenir comme permis, sous quelque prétexte que ce soit, ce commerce des noirs, ou de prêcher ou d'enseigner en public ou en privé, de manière ou d'autre, quelque chose de contraire à cette lettre apostolique que nous écrivons."
Enfin c'est en 1839 que fut formulée la plus retentissante condamnation de l'esclavage par un pape, Grégoire 16 qui dans l'Encyclique In supremo apostolatus fastigio parle "de commerce inhumain, inique, pernicieux, dégradant, qui doit complètement disparaître entre chrétiens.
Dans le même temps(mais bien avant le 19 ème siècle)les missionnaires avaient mené une autre opération, le rachat d'esclaves, et la constitution de "village de liberté" La mère Javouhey est l'une des plus connue à cet égard pour son action en Guyane, particulièrement à Mana.
Peut-être, cette attitude, moins spectaculaire que celle des quakers, fut-elle plus efficace? A cet égard le philosophe Georges Gusdorf dans une très remarquable communication à un colloque sur La période révolutionnaire aux Antilles , cite Jefferson, lui-même quakers, au sujet des actes spectaculaires mais en définitive critiquables parce que irréfléchis et prématurés. On sait que les quakers prêchant l'abolition immédiate de l'esclavage avaient joint les actes à la parole et affranchis leurs esclaves(peu nombreux il est vrai)dès le milieu du 18 ème siècle. Or Jefferson en poste à Paris en 1789 se préoccupe de la question et écrit : "Si un individu a eu ses comportements façonnés dans l'esclavage, lui donner la liberté, ou plutôt l'abandonner, c'est comme abandonner un enfant. Bon nombre de quakers, en Virginie, ont établi leurs esclaves sur leurs terres en qualité de fermiers(...)Mais le propriétaire était obligé de planifier les récoltes à leur place, de diriger toutes leurs activités selon les saisons et en fonction du temps qu'il faisait. Plus lamentable encore, il était obligé de les surveiller de jour en jour, et presque constamment, de les mettre au travail et même de les fouetter. Un homme doit avoir un sens moral d'une force peu commune pour que l'esclavage ne fasse pas de lui un voleur. Celui à qui la loi interdit de posséder quoi que ce soit comprendra difficilement que la propriété puisse être fondée sur autre chose que sur la force".
Donc rien n'est simple, et l'on peut comprendre que le pape Jean-Paul 2 ait déploré à Gorée, en 1992 "ce péché de l'homme contre l'homme, ce péché de l'homme contre Dieu "qu'a été l'esclavage.
On peut cependant, me semble-t-il ne pas suivre sans sourciller le Saint Père quand il déclare le même jour au même endroit « : En cette ère de changements cruciaux, l'Afrique d'aujourd'hui souffre durement de la ponction en forces vives exercée jadis sur elle. Ses ressources humaines ont été affaiblies pour longtemps dans certaines régions. Aussi l'aide dont elle ressent le besoin pressant lui est-elle légitimement due. Dieu veuille qu'une solidarité active s'exerce à son égard afin qu'elle surmonte ses tragiques difficultés!"
*L'Afrique et l'esclavage.
Jean-Paul 2,si souvent remarquable, sur ce point, s'est laissé abuser probablement par des conseillers intimidés par l'idéologie tiers mondiste dominante. Car la réalité de l'esclavage et de la traite négrière est en ce qui concerne l'Afrique plus complexe que ce que l'on a l'habitude de dire. François Renault et Serge Daget que j'aime citer à cause de la rigueur extrême de leur travail, quasi bénédictin, de leur souci d'être complet en dehors de tout pathos ont intitulé un de leur principaux ouvrages sur la question :Les traites négrières en Afrique.0
Il y eut donc des traites. Il y en eut une, particulière, qui précéda la traite atlantique dont on vient de rappeler les grandes lignes. Elle concerna, plus particulièrement depuis le 8ème siècle ,sous la férule des arabes et de l'Islam : l'Arabie et l'Afrique du nord, les empires soudanais et le Soudan central, l'Egypte et le Soudan oriental, l'Afrique orientale et l'océan indien. Dans l'ensemble font remarquer divers observateurs, l'esclavage de l'antiquité n'avait pas eu de connotation raciste. L'expansion de la traite musulmane fut inséparable de l'essor du racisme et de la négation de la dignité humaine. C'est un proverbe arabe attribué au prophète Mohamed qui dit des Zendjs (terme qui désigne alternativement, tantôt des Noirs habitants des côtes orientales de l'Afrique, tantôt des Noirs en général "qu'affamés ils volent, que rassasiés ils violent"(sic).1
Ces traites essentiellement musulmanes ont conduit d'après les chiffres avancés par Renault et Daget à un total de huit millions quatre cent trente milles hommes. Curieusement dans les débats sur la traite, et sur son importance concernant l'actuel sous développement de l'Afrique, il n'est jamais fait mention de cette traite pré-atlantique et musulmane, laquelle, d'ailleurs, ne disparaîtra pas et coexistera à la traite atlantique.
Pourtant, dès longtemps un observateur comme Baillie l'avait observé :"en Islam, naturellement, l'esclavage a une tradition vénérable et il était largement pratiqué dans l'Afrique musulmane (....).La loi islamique codifie non seulement la vente des non musulmans comme esclaves...mais en outre des hommes libres (il faut entendre des croyants musulmans)pouvaient, dans des circonstances précises, être réduits en esclavage. Cette réduction est appelée mubäh".2
Parmi les nombreuses observations qu'il faudrait faire sur cette traite et cet esclavage organisés par l'Islam il y a lieu aussi de se demander pourquoi, alors qu'aux USA et au Brésil où aux Antilles par exemple, malgré une forte mortalité, des diasporas noires importantes se sont constituées et font mieux que subsister, pourquoi donc le monde musulman n'en a guère connu. De même les captifs noirs jouèrent-ils en terre islamiques un rôle de simple adjuvant ou eurent-ils un rôle important dans son évolution?
Quelques questions qui mériteraient mieux que les quelques lignes que leur accordaient jusqu'à ces dernières années les historiens.
De même, et ici nous revenons à un aspect de la traite atlantique, généralement trop négligé, je veux parler du rôle des Africains eux-mêmes, des Africains noirs dans la traite, la traite intérieure, celle qui conduit les victimes aux négriers blancs qui les attendent sur la côte.
Car les Européens n'ont alors aucun moyen d'aller s'approvisionner à l'intérieur d'un immense continent qui leur est inconnu. L'approvisionnement de la côte est la spécialité des Africains.
Pour cela ils sont remarquablement organisés. "Il faut abandonner l'image tant de fois vue d'une marche éperdue à travers savanes et forêts, pour y substituer la notion de centres commerciaux et d'échanges, de relais, de centre de ravitaillement-le tout réclamant une véritable organisation. Dans la caravane, le captif est utilisé comme porteur et celui qui montrera des qualités dans ce travail échappe à la déportation par son insertion dans l'équipe ordinaire de portage. Entre le Soudan occidental, par exemple, et la côte, le nombre des captifs d'une caravane s'amenuise en fonction des ventes effectuées en réponse aux demandes locales sur le passage. Ce système crée une "compétition" entre les demandes intérieures et extérieures".3
Comme l'écrit très justement Georges Gusdorf : « Il ne semble pas que l'on s'intéresse à la chaîne esclavagiste avant le moment où le négrier prend possession de sa sinistre cargaison dans le port de départ. Une singulière restriction mentale jette un voile pudique sur ce qui s'est passé avant que les captifs ne soient disponibles au lieu de leur embarquement. Seuls les blancs paraissent impliqués(....)Or, si les négriers blancs peuvent se livrer à leur fructueux trafic, c'est parce qu'ils trouvent sur place des fournisseurs qui leur livrent une marchandise prête à être embarquée(....)Le recrutement et l'acheminement de la marchandise étaient assurés par des trafiquants indigènes généralement musulmans, avec la complicité des roitelets locaux(....)L'acheminement des captifs (depuis l'intérieur de l'Afrique)dans des conditions difficiles donnait lieu à des pertes considérables .Le missionnaire explorateur Livingston (1813-1873),qui consacra sa vie à la découverte de l'Afrique australe et mourut à la peine, après avoir visité des régions dévastées par la traite, estimait qu'un sur dix des individus razziés atteignent le port d'embarquement".4
Or nous avons vu que la population noire déportée en direction des Amériques était d'environ 14.millions,et le taux de mortalité d'environ 15% soit 2 millions et cent mille victimes. Si donc les estimations de Livingstone sont exactes, c'est environ 18 millions et neuf cent mille victimes africaines de la traite proprement africaine qu'il faudrait déplorer. De quoi rabattre le caquet de certains fonctionnaires onusiens et revoir avec plus de justice le registre des responsabilités en ce qui concerne le fameux "crime contre l'humanité.".
Autre remarque indispensable à faire : si l'Occident a sa part de responsabilité indéniable dans la traite atlantique et dans l'esclavage de la Renaissance au 19 ème siècle, c'est aussi d'Occident que part le grand mouvement abolitionniste. Comme l'écrivent Renault et Daget :"La notion d'abolition de la traite est occidentale. Elle est unilatérale : autrement dit, les Africains n'ont pas été consultés. L'abolition leur est imposée."5
Mais ils se reconvertiront. C'est ce que montrent nos deux auteurs dans la troisième partie de leur ouvrage, intitulée La traite transsaharienne et orientale du 18 ème siècle au 20 ème siècle. Sont principalement concernés l'Afrique occidentale et le Maghreb,la Tripolitaine et la Cyrénaïque, l'Egypte et le Soudan oriental, l'Afrique centre-orientale, l'Afrique australe, l'Ethiopie.
Les traitants arabes sont encore ici les plus actifs. Et ce dernier chapitre, inachevé de leur œuvre ne fut pas le moins lucratif ni le moins terrible. Si la traversée de l'Atlantique a suscité postérieurement l'indignation, que penser de celle des terres d'Afrique orientale ?
Oyez plutôt ce récit d'un convoi ordinaire « : C'est ainsi que les routes furent parcourues par des caravanes de captifs qu'ont décrites un certain nombre d'observateurs. Pour les plus faibles, femmes et enfants, une simple corde suffisait à les maintenir, mais les hommes étaient réunis par groupes de dix ou vingt qui portaient autour du cou des carcans de fer reliés par une chaîne dont un cadenas reliait les deux extrémités. Les carcans ayant été rivés, ils restaient liés les uns aux autres pendant tout le voyage. A l'étape la moindre corvée : puiser de l'eau ou chercher du bois, qui aurait pu être exécutée par quelques-uns, exigeait le déplacement de tous. Au fur et à mesure de la progression, morts et ventes creusaient des vides et les autres continuaient à traîner tout le poids de l'instrument incomplètement utilisé. Si la chaîne ne suffisait pas, on employait un moyen plus rigoureux : la cangue. Elle consistait en deux fourches attachées par leurs extrémités simples ; les extrémités doubles, complétées par une barre de fer ou des lianes, entouraient le cou de deux des captifs qui, pour éviter d'avoir la peau déchirée par le bois rugueux, devaient les tenir soulevées, du moins quand ils le pouvaient car en plus ils avaient parfois les mains liées. Pour les plus rétifs on utilisait des systèmes encore plus draconiens : morceau de bois fixé en travers de la bouche et formant bâillon, mains attachées derrière le dos avec une corde dont l'autre bout était enroulé autour de la taille du gardien.A l'étape ils étaient maintenus avec les pieds attachés à un pieu auquel on fixait l'extrémité simple de la fourche dont les deux branches, d'autres part, leur enserrait le cou.A de telles conditions, s'ajoutaient l'épuisement de la marche et souvent le manque de nourriture qui favorisait lui-même la propagation des épidémies, en particulier de la variole. Les pertes en vie humaines étaient considérables."6
Peu à peu cet esclavage et ces traites ont reculé, à partir de la colonisation européenne et en corrélation étroite avec son expansion. Si la colonisation n'a pas été exempte de défauts et d'inconvénients, -mais c'est un autre débat,- il faut toutefois rappeler certaines vérités que l'on occulte en brandissant un monstre fabriqué, dénommé "colonialisme".
“ On a coutume de voir dans le lent processus d'extinction des traites africaines l'action exclusive des puissances coloniales européenne (pour lesquelles la lutte contre la traite et l'esclavage constituaient l'un des motifs de pénétration à l'intérieur du continent).C'est loin d'être inexact. Partout la traite reflua avec la colonisation. Parfois même elle refleurit après le départ des colonisateurs ». -Et de fait en 1998, des enquêtes du journal Le Point et d'une chaîne de télévision française ont révélé à l'opinion publique l'existence, au Soudan notamment d'un important et cruel trafic d'esclaves, concernant en particulier des nègres de religion chrétienne- « Ajoutons qu'il est bien difficile de trouver une contrepartie, dans le monde musulman, aux vastes débats, idéologiques, politiques, et économiques, qui, en Europe ou en Amérique opposèrent abolitionnistes et négriers. »7
*Les cuisines de l'idéologie dominante..
On le voit, la vérité historique sur l'esclavage et les traites négrières est plus complexe que le discours sirupeux qui tient lieu de pensée à trop de nos hommes politiques. Ce discours à une fonction, du moins pour ceux qui l'utilisent de façon consciente : partager le monde en deux camps, selon la tactique éprouvée du marxisme-léninisme, que j'ai déjà évoqué plus haut.
Il s'agit de se situer dans le bon camp, celui des victimes et de porter beau, surtout de faire chanter les autres, les mauvais, à tout propos et sur tous les sujets, et surtout d'en obtenir des avantages, des dédommagements.
Une telle attitude est une supercherie.
Récemment le Parlement Français a voté une loi reconnaissant la traite négrière et l'esclavage comme "crime contre l'humanité".
Une telle décision est contraire aux principes les plus élémentaires du droit.
Certes l'article 212-1 du Code Pénal concerne l'esclavage et la traite. Il stipule : "La déportation, la réduction en esclavage ou la pratique massive et systématique d'exécutions sommaires, d'enlèvement de personnes suivies de leur disparition, de la torture ou d'actes inhumains, inspirés par des motifs politiques, raciaux ou religieux et organisés en exécution d'un plan concerté à l'encontre d'un groupe de population civile sont punis de la réclusion criminelle à perpétuité".
Mais cette loi du Code Pénal français date de décembre 1964, et la notion même de crime contre l'humanité a été élaborée par le Tribunal de Nuremberg en 1946.
Et il est un principe fondamental du droit, posant la non rétroactivité des lois, formulé en l'article 4 du même Code Pénal : Nulle contravention, nul délit, nul crime, ne peuvent être punis de peines qui n'étaient pas prononcées par la loi avant qu'ils fussent commis".
De même la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme adoptée en 1948 précise en son article 11,alinea 2 que "Nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui au moment où elles ont été commises, ne constituaient pas un acte délictueux selon le droit national ou international".
Mais de telles considérations juridiques n'ont pas de quoi embarrasser nos petits maîtres, tiers-mondistes et idéologiquement conformes, tel l'écrivain d'origine martiniquaise, Patrick Chamoiseau, prix Goncourt en 1992,qui dans La Tribunes des Antilles de mai-juin 1998,à propos de l'esclavage déclarait : "Plutôt que de frapper le crime de toute la force d'une volonté, on se réfugiera dans des bredouillements juridiques (sic) et des excuses de procédures visant à ne pas qualifier juridiquement le" crime et à ne pas le réparer".
On aura noté ce que deviennent les principes les plus sacrés du droit international dans la bouche de ce monsieur : des "bredouillements juridiques"!
Comment ne pas songer au mot fameux du docteur Goebbels : "ma conscience morale, c'est Adolf Hitler"; à cette différence près que la référence ici n'est même pas un Führer quelconque mais la conscience individuelle et l'humeur du moment de cet écrivain!
Il me semble, à moi, que si les lois nouvelles, sur le crime contre l'humanité, ont un terrain légitime d'application, c'est sur l'esclavage contemporain, tel qu'il se pratique au Soudan par exemple, en Afrique, à l'heure qu'il est, en juillet 1999.Mais de cet esclavage il n'est pas question dans les temples de la culture contrôlés par les "bigs brothers" du "politiquement correct".
Madame Dominique Torrès8 rapporte à cet égard une anecdote intéressante."A l'accueil du rayon HISTOIRE, de la FNAC,elle demande un ouvrage sur l'esclavage. L'ordinateur indique plus de 1000 titres. Elle précise : sur l'esclavage actuel, il n'y en avait aucun."
Quelle étrange et fâcheuse lacune!
Mais il faut être juste, tant d'arrogance impudente commence à inquiéter et choquer des hommes et des femmes de bords politiques bien différents, qui sur bien des questions, par ailleurs, s'opposent.
Ainsi, lors des débats concernant la loi sur la reconnaissance par le Parlement Français de l'esclavage comme "crime contre l'humanité", monsieur Camille Darsière, député de la Martinique, homme de gauche, membre du PPM, Parti Populaire Martiniquais-le parti d'Aimé Césaire, affirmait publiquement qu'il ne voulait absolument pas que dans une loi le concernant et concernant son histoire, on puisse croire que ce qui le motivait pouvait être une indemnisation financière.
Dans son ouvrage qui vient de paraître, début 1999:Dix semaines qui ébranlèrent la Martinique, l'historien martiniquais, Edouard de Lépine, un homme de gauche, écrit à propos du projet de loi concocté par le député guyanais madame Tobira-Delanon : dans ce projet "la qualification de crime contre l'humanité ne vise donc ni la traite transsaharienne qui durait depuis sept siècle, quand le premier négrier européen a laissé les côtes d'Afrique en direction de l'Amérique, et qui dure encore aujourd'hui un siècle après que la dernière voile du dernier négrier a disparu entre les deux mondes .Elle ne concerne donc pas les 250 millions d'êtres humains dont 130 millions d'enfants de cinq à quatorze ans, travaillant en Asie, en Afrique et en Amérique latine dans des conditions souvent pires que celles des plantations américaines du 19 ème siècle."9
A plusieurs autres signes, il apparaît qu'un sursaut commence à s'opérer dans des milieux très divers contre l'histoire officielle, anti-occidentale et tiers-mondiste. Ainsi dans un numéro spécial du journal France-Antilles de 1998, l'historienne Guadeloupéenne Josette Fallope, femme de gauche, et femme de couleur (puisqu'il faut de nos jours préciser ce genre de détail),et qui a enseigné longtemps sur le continent noir, constate, pour le déplorer, qu'en Afrique l'impasse est faite sur la question de la traite et les modalités d'échanges sur la côte africaine.
“ Effectivement, dit-elle, c'est une page d'histoire qui est difficile à assumer. Ce n'est pas encore un sujet très enseigné en Afrique ; il n'y a pas encore la conscientisation. Et disons que c'est encore un sujet tabou de parler du commerce négrier et des captifs qui étaient envoyés en Amérique. Pour le chercheur qui veut travailler sur ce sujet, c'est extrêmement difficile. ”
Mesdames, messieurs, les considérations un peu longues dont je viens de vous entretenir, ne sont pas des propos d'ordre académique.
En ces jours où, en France métropolitaine, une campagne de presse orchestrée par le journal Le Monde tente de déstabiliser la Guadeloupe, la Martinique, et ce qui reste à la France d'elle-même en dehors de son territoire strictement européen, je peux vous assurer qu'une meilleure connaissance des réalités historiques s'avère indispensable.
Sinon la France d'outre mer sera abandonnée à son sort ; le sort de territoires qui appartiennent à l'histoire de France, qui ont tout pour être heureux, dans le cadre national, mais qui livrés à une indépendance qu'ils ne demandent pas quoiqu'en prétende la propagande tenace et tapageuse de coteries parisiennes de gauche, ne seraient plus que ce qu'ils sont géographiquement et économiquement, c'est-à-dire de petites îles, fragiles, livrés aux prédateurs internationaux, à des minorités fanatiques et cupides que l'on a vu à l'œuvre ailleurs dans le monde, en Afrique, et d'ailleurs tout près de chez nous en Haïti, la "première République noire", comme ils disent, et qui n'en finit pas de mourir.
Que Michel de Jaeghere m'ait permis de vous en parler, je l'en remercie infiniment.
Edouard Boulogne.
Maurice Lengellé : L'esclavage, P-U-F,collection Que sais-je?.
Régine PERNOUD:Pour en finir avec le moyen-âge,(éditions du Seuil).
Aux éditions Karthala.
P-U-F,collection Que sais-je?
Editions Karthala.
Publié en 1974 par les sociétés d'histoire de la Guadeloupe et de la Martinique.
Gaston Martin : Histoire de l'esclavage dans les Antilles françaises, page 124,P-U-F.
Faits cités par Carlos RANGEL dans son livre L'occident et le tiers monde, pages 128 et suivantes; préface de Jean-François Revel. Editions Robert Lafont.
Georges Gusdorf : Considérations intempestives sur l'esclavage, in La période révolutionnaire aux Antilles, .édité par le Groupe de recherche et d'étude des littératures et civilisations de la Caraïbe et des Amériques noires.
Ouvrage cité.
1 Cf.Olivier Pétré-Grenouilleau : La traite des noirs,(collection Que sais-je?)page 12 et 13.
2 Cité par Claude Meillassoux, dans son livre Antropologie de l'esclavage, page 258,éditions P-U-F.
3 Renault-Daget, œuvre citée, page 106.
4.Gusdorf,oeuvre citée.
5 Renault et Daget, œuvre citée, page 126.
6 Renault et Daget, œuvre citée, page 206.
7 Olivier Pétré-Grenouilleau, ouvrage cité, page 17-18.
8 Dominique Torrès, cité par Edouard de Lépine, Dix semaines qui ébranlèrent la Martinique,(Servedit-Maisonneuve et Larose).
9 Edouard de Lépine : ouvrage cité.
10 Gusdorf,article cité.