22 Mai 2020
Rien, aucune mesure politique, même au nom d'une saine prophylaxie en période d'épidémie, ne doit être accepté sans vigilance et précaution. Partout, mais particulièrement en France où derrière les bonnes volontés affichées, peuvent se cacher des intentions dangereuses pour les libertés. Par exemple les réglementations envers les cultes religieux. La France dit-on est le pays de la séparation des Eglises et de l'Etat, que les chrétiens ne peuvent répudier d'ailleurs puisque c'est leur maître à tous, Jésus-Christ qui en est le fondement : « rendez à César, ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ». Il y eut des périodes où le pouvoir civil n'était pas neutre envers le religieux. Qu'on voit le texte de René Viviani, ministre d'un gouvernement Clémenceaux en 1906 (voir ci-dessus la troisième photo). Ces hommes là n'ont pas disparu en 2020. Il suffit pour s'en convaincre de contempler ne serait-ce que dix secondes les tronches d'un DSK et d'un … Castaner !
L'article ci-dessous commentant une excellente décision du Conseil d'Etat sur la question qui nous nous occupe. La vigilance demeure nécessaire. (LS).
ANALYSE - Les juges ont dénoncé une «atteinte grave et manifestement illégale» à la liberté religieuse en France.
Le jeudi de l’Ascension était jusque-là un jour béni. Sans jamais faillir il promettait un long week-end. Beaucoup ne sachant d’ailleurs plus grand-chose de cette «Ascension», qui est bien celle du Christ: selon les Évangiles et dans toutes les traditions chrétiennes, cette fête marque la dernière apparition terrestre du «ressuscité», dix jours avant la Pentecôte - d’où ce jeudi fixe - où les apôtres auront reçu «l’Esprit saint».
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L’Ascension du 21 mai 2020 sera plus ou moins confinée selon les régions mais elle portera déjà une promesse de retour à la liberté. Y compris pour les religions. Car, divine surprise, le Conseil d’État, dans une décision rendue publique dans la soirée de lundi, a ordonné au gouvernement de faire cesser l’interdiction absolue et totale des cultes en France.
Personne ne sait à l’heure qu’il est, quelles seront les conditions concrètes de cette reprise des cultes, le nombre de fidèles dans les assemblées, sa date effective - éléments qui seront contenus dans la nouvelle version du décret gouvernemental. Mais le gouvernement a l’obligation formelle, sous huit jours maximum de calendrier, de revoir son décret du 11 mai et permettre la reprise effective des cultes avec les normes nécessaires de protection contre l’épidémie.
Une part significative des catholiques, fidèles, prêtres, évêques, ont crié à la « discrimination ».
Les mesures, que les croyants acceptaient de bonne grâce depuis deux mois, étaient devenues insupportables pour certains d’entre eux depuis l’annonce des détails du déconfinement par le premier ministre à l’Assemblée nationale le 28 avril et au Sénat le 4 mai. Une part significative des catholiques, fidèles, prêtres, évêques, ont crié à la «discrimination». Ils ne comprenaient pas pourquoi des activités publiques étaient permises dès le 11 mai, commerciales notamment, alors que les rassemblements religieux, même avec précautions, demeuraient prohibés.
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Douze entités, plutôt de sensibilité catholiques traditionalistes, dont la Fraternité Saint-Pierre, l’Institut du Christ Roi, l’association Civitas, l’Agrif, la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, mais aussi un groupe de fidèles de Metz et un parti politique, le Parti chrétien-démocrate, ont eu - séparément - l’idée de déposer des requêtes au Conseil d’État pour demander le rétablissement du culte.
Ce fut une affaire «catholique» même si la Conférence des évêques n’a pas suivi car ni les protestants, ni les orthodoxes, ni les juifs, ni les musulmans n’ont emboîté le pas. Tous bénéficient pourtant de cette décision du Conseil d’État, qui porte sur l’application du principe même de la liberté de culte en France. Mohammed Moussaoui, président du Conseil français du culte musulman s’en réjouit évidemment: «L’interdiction absolue et totale n’était pas acceptable». Mais il précise aussitôt «qu’aucun responsable de fédération musulmane ne souhaite une réouverture pour la fin du ramadan, le 24 mai, nous visons tous une reprise très progressive du culte». Haïm Korsia, grand rabbin de France, confie également au Figaro: «La date de reprise, même pour la fête de Chavouot, le 28 mai, n’est pas la question. Le seul enjeu est sanitaire. Notre seule obsession est de ne faire courir aucun risque pour les fidèles». Il est intéressant de comprendre comment le Conseil d’État a déjugé le gouvernement sur ce sujet sensible. Les choses se sont jouées le vendredi 15 mai lors d’une audience où un juge du Conseil d’État, Frédéric Aladjidi, a écouté les arguments du représentant du ministre de l’Intérieur et ceux des requérants ou de leurs avocats. Les opposants se sont concentrés sur le point faible de la digue gouvernementale, explique l’un d’eux, Me Jérôme Triomphe, avocat d’instituts de droit pontifical: «la disproportion entre le confinement, moyen de lutte antiépidémique toujours imposé aux religions, et la réouverture des piscines, écoles et autres lieux publiques. Une interdiction maintenue qui plus est de manière générale, absolue, sans limite! C’était inacceptable en droit. Le juge ne pouvait que le reconnaître.»
La liberté de se rassembler n’est pas un accessoire pour le culte. Elle fait partie intégrante de l’exercice du culte. Cela a été reconnu comme tel.
Jean-Frédéric Poisson, président du PCD
Second point faible, souligné par tous, dont Jean-Frédéric Poisson, président du PCD, «la liberté de se rassembler n’est pas un accessoire pour le culte. Elle fait partie intégrante de l’exercice du culte. Cela a été reconnu comme tel. C’est très important car derrière cette liberté fondamentale du culte est en jeu l’exercice même de la liberté dans notre société qui tend dangereusement à être surveillée». L’ordonnance du juge du Conseil d’État est d’ailleurs selon plusieurs juristes d’une «sévérité rare» sur ce point contre le gouvernement. Elle dénonce une «atteinte grave et manifestement illégale» à «la liberté de culte»...
Professeur de droit public à l’université de Panthéon-Assas Paris-II, Guillaume Drago conclut: «l’une des questions aujourd’hui est de savoir à quel point l’État, dans la mise en œuvre des nouvelles mesures, entrerait en situation d’ingérence vis-à-vis de la liberté interne des cultes. Car où s’arrête effectivement l’autorité de l’État en matière de gestions des cultes?»
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