7 Mars 2020
Mme Diallo n'est pas de ma couleur politique, et souvent elle m'irrite. Pourtant elle ne déclenche pas en moi, ce sentiment peu irénique que j'ai toujours éprouvé pour son amie Christiane Taubira.
Je l'observe au moins une fois par semaine sur LCI, parmi quelques éminences de l'audiovisuel parisien. Je ne partage que rarement ses opinions, mais « Hay chiens di dan a-y blan » (détestez les chiens, reconnaîssez la blancheur de leurs dents), je reconnais à Rhokaya du savoir faire, une certaine élégance, et surtout un sacré culot.
Un talent d'actrice aussi qui lui permet, sans (trop de ) ridicule de jouer la petite fille pleine de franchise (et d'idéal) au milieu de la troupe de mâles blancs qui l'entourent sous la férule de Pujadas.
Ajouter à cela une teinture d'élégance pas trop affectée, qui la marque d'une touche de parisianisme qui me rappelle cet air de Phiphi, une opérette second empire que vous écouterez si vous en avez le temps : (Bien chapeautée : https://www.youtube.com/watch?v=sKugSPrMEPI ).
Le scrutateur est dans un jour de bonté, pensez vous, lecteurs ? Eh bien oui.
Récemment j'ai pensé à ces propos de madame Rhokhaya qui ont fait renaître en moi un peu d'esprit collégien, que j'ai pratiqué, il y a fort longtemps, je l'admet.
C'était en 2018. la militante antiraciste et indigéniste Rokhaya avait créé une polémique sur Twitter, en soulignant le manque de diversité dans plusieurs soins, uniquement adaptés aux peaux blanches, selon elle. « Rien n’est pensé pour nous. Ni les pansements, ni les coiffeurs, ni le fond de teint », avait-elle pesté. Une intervention qui avait suscité railleries et moqueries des internautes.
Ecoutant, j'avais partiellement donné raison à Rhokhaya. Pourquoi en effet ne pas envisager la fabrication d'objets (shampoings adaptés à la texture des cheveux crépus, sparadraps noirs, etc ?).
Mais leur absence relative sur le marché parisien ne pouvait, à mes yeux, être considérée comme une marque de … racisme. Il faut être sérieux, que Diable !
Et finalement, l’activiste a été entendue outre-Manche, en Angleterre. Nôtre Dame de … Paris n’a d'ailleurs pas manqué l’occasion de célébrer cette victoire sur Twitter. « Pensons calmement à l’incroyable campagne de harcèlement qui m’a visée il y a deux ans, dit-elle, quand j’ai osé évoquer la couleur des sparadraps… Les haters, vous avez beau vociférer, le temps me donne raison », a-t-elle souligné.
Rokhaya, Rokhaya, je me refuse à me fâcher en vous écoutant, en vous lisant. Car je vous le disais plus haut, vous avez réveillé en moi un peu de cet esprit collégien qui a ses résurgences : je me suis demandé si Bibi, mais aussi X, Y et Z, dont je revois encore les mimiques gouailleuses de gamins de classe de cinquième à propos de la nécessité de ne plaquer sur des surfaces noires que des substances invisibles. Mais, est-ce bien possible au cours de l'acte d'amour, pour certaine substance dont le dico précise qu'il s'agit :
d'un « Liquide visqueux, opalin, formé par les spermatozoïdes et par le produit des sécrétions des glandes génitales mâles ». Oui, blanc est le sperme des mâles, blancs ou noirs (pardon! caucasiens ou blacks). |
Nous eussions ri à gorges déployées c'était l'âge bête, (et il a ses résurgences) et serions aussitôt passés à des choses plus sérieuses.
Rokhaya, Rokhaya, ne croiriez vous pas venu le moment de devenir plus sérieuse.
Je le disais plus haut, il y a en vous un peu d'une petite adolescente. Mais vous avez 42 ans. Sacrebleu ! Pensez-y. (LS).
Tout droit sorti du panier des sciences sociales américaines, le concept de “fragilité blanche” est devenu l’argument-massue des sectateurs de la pensée racialiste. Une fin de non-recevoir raciste sous couvert d’antiracisme.
Dans un tweet publié lundi, Rokhaya Diallo désignait un article de Valeurs actuelles la concernant comme un parangon de « fragilité blanche ». Un commentaire assorti d’une image animée et de la mention – censément ironique – "white tears" [larmes blanches, NDLR]. Naturellement, la pasionaria de la race s’est défendue de toute connotation raciste. Il s’agirait en fait de concepts de sciences sociales largement documentés auxquels nous serions réfractaires par ignorance. Bon sang mais c’est bien sûr !
Puisqu'il serait regrettable de mourir idiot, nous avons choisi de nous pencher sur ce concept de « white fragility », développé et popularisé par l’inénarrable Robin DiAngelo. Sociologue américaine et docteur en éducation multiculturelle, Mme DiAngelo est parvenue à cette conclusion définitive et sans nuances : tout blanc est un raciste qui s’ignore.
D’après elle, le réflexe qui consiste à se défendre de l’accusation de racisme lorsqu’on est blanc ressortit précisément d’un comportement raciste. C’est ce qu’elle nomme la fragilité blanche. Dans les sociétés occidentales, les personnes blanches évolueraient dans un environnement qui les prémunit de tout stress lié à leur couleur de peau. Ignorants des privilèges associés à leur carnation, les blancs se refuseraient d’avouer leur participation à un système raciste. « Pour un anti-raciste la question n’est pas "était-ce raciste ?", la question est "comment était-ce raciste ?" », explique Robin DiAngelo, sentencieuse, lors d’une conférence à l’Université d’Evergreen en 2016.
Suivant cette théorie, le fait pour un blanc de se récrier devant l’accusation de racisme traduit une forme de « stress racial » (sic). Autrement dit, éprouver de la colère, de l’incompréhension ou de l’exaspération face à de telles accusations – un réflexe somme toute naturel – traduit un malaise blanc face à une autre perspective raciale. « Ces privilèges et la fragilité blanche qui en découle, nous empêchent d’écouter ou de comprendre les points de vue des personnes racisées et de combler les fossés raciaux », écrit Robin DiAngelo dans un article en 2015.
Pour cette sociologue, la race est le substrat de l’expérience humaine. Ayant « intériorisé leur supériorité », les personnes blanches déconsidéreraient le rôle de l’appartenance raciale en société. Partant, elles seraient racistes sans le savoir. « Parce que les blancs ont bâti et dominent toutes les institutions importantes, leurs intérêts sont intégrés dans la société. Que des personnes puissent être contre le racisme, elles n’en bénéficient pas moins de la répartition des ressources contrôlées par leur groupe », déroule Mme DiAngelo dans cet article.
Mais alors que faire contre ce biais inconscient et inéluctable ? La sociologue invite les blancs à « lâcher leurs certitudes raciales et tendre vers l’humilité. » Vaste programme.
Pour les tenants de cette lecture racialiste du monde, interroger de telles propositions traduit « un refus de penser de façon complexe. » Une formule fourre-tout, teintée d’un vernis intellectuel, destinée à dénier par avance au contradicteur la compétence pour s’exprimer.
C’est qu’il y a beaucoup à dire sur ce concept de « fragilité blanche » et ses dérivés. Notamment sur leur caractère objectivement raciste. En attribuant à des individus des caractéristiques morales et psychiques communes en fonction de leur groupe racial d’assignation, Robin DiAngelo pratique une forme de racisme par essentialisation.
Ainsi le blanc serait par essence dominateur tandis que le racisé serait toujours et nécessairement opprimé. Une proposition qui nie les individus dans leur spécificité en les arrimant à leur identité raciale. Quid des noirs qui ne souscriraient pas à cette conception monolithique des rapports humains ? Sont-ils des traîtres, des égarés ? Et les métis à moitié blanc, sont-ils à moitié racistes ?
Pour contourner cette accusation de racisme, les partisans de cette théorie prétendent avoir une lecture sociale et non biologique des races. Ce qui leur permet à l’instar de Rokhaya Diallo, d’employer des expressions telles que « white tears » [larmes blanches, NDLR] ou « fragilité blanche » pour brocarder toute opposition idéologique. Une manière de recentrer invariablement le débat sur le terrain racial face à ceux qui adoptent un point de vue universaliste.
Songeons qu'en 1882, un philosophe comme Ernest Renan s'adressait au public de la Sorbonne en ces termes: « L’homme n’est esclave ni de sa race ni de sa langue, ni de sa religion, ni du cours des fleuves, ni de la direction des chaînes de montagne. Une grande agrégation d’hommes, saine d’esprit et chaude de cœur, crée une conscience morale qui s’appelle une nation. » Des propos d'une étonnante modernité en comparaison des billevesées précitées.
Près de cent quarante ans se sont écoulés depuis cette conférence intitulée Qu'est-ce qu'une nation ? Entre temps, les études culturelles ont fait florès.