22 Janvier 2020
Un grand théoricien de la politique, que j'approuve, a écrit que « la révolution est un soulèvement de l'humeur ». Le mot ne doit pas être pris au sens ordinaire qu'on utilise pour désigner le sentiment d'humiliation que peut éprouver le petit garçon (ou la petite fille) qui dans la cour de récréation a perdu contenance devant un camarade plus fort,et qui l'a humilié. Grâce à un professeur, des parents dignes de ce nom, même d'autres camarades plus mûrs, ce froissement s'atténuera. Tout le monde cependant sait que de tels moments peuvent être à plus ou moins long terme lourds de conséquences, et l'actualité en témoigne, chez nous aux Antilles comme en métropole. Les journaux sont remplis de faits divers de ce type, et que de p'tits jeunes se plantent un couteau dans le ventre pour un simple regard bien ou mal compris.
L'humeur au sens du théoricien politique évoqué plus haut est un concept autrement sérieux, qui évoque pour les individus ou des groupes, ce moment où la pensée, encadrée et équilibrée par une philosophie de douceur et d'équilibre comme par exemple le christianisme vécu (et pas seulement allégué) cède la place à l'hubris, ce moment donc ou le ressentiment prend le dessus sur la pensée équilibrée, et frappe. Dieu sait jusqu'où peut aller ce ressentiment qui est à l'origine de tant et tant de meurtres, de révolutions sanguinaires, accomplis au nom du principe de « justice » dont le « justicier » se réclame et qui n'est en fait que sa blessure d'amour propre.
Il arrive aussi que l'humeur soit suscitée et utilisée par des manipulateurs tout à fait conscients qui dans leur intérêt personnel s'empare de tel ou tel en en exacerbant le ressentiment. Ainsi, dans la tragédie d'Othello quand Iago se venge d'Othello, son supérieur hiérarchique, en lui suggérant avec une habileté diabolique que sa femme le trompe avec son meilleur ami, ce qui déclenche le processus meurtrier.
Et dans l'action révolutionnaire où les manipulateurs cherchent à soulever « l'humeur » populaire contre tout ce qui fait obstacle à leur hubris (la démesure) destructeur.
Ainsi sont soulevées les révolutions aux dépens des réformes salutaires mais repoussées par l'humeur, car visant à l'utilité, non aux satisfactions troubles de l'esprit de vengeance et haine.
J'écris ces quelques mots pour présenter l'article de Marie Delarue, que j'apprécie parce qu'il est pensé et raisonnable
Cette dame n'est pas plus macroniènne que je ne le suis, mais elle introduit un peu de rationalité dans l'ambiance sociale française dont on ne peut pas dire qu'elle soit actuellement soumise à la rationalité, et au désir de paix civile, fut-elle une « paix armée ».
C'est avec tristesse, et inquiétude que je vois se développer, avec une forte dose d'inconscience, l'esprit de guerre civile. Nous n'en sommes pas là me dira-t-on. Mais tout est possible. Sachons écouter le monde, regarder autour de soi. Auprès d'une poudrière il ne faut pas jouer avec des allumettes. (Le Scrutateur). |
Notre ami José Meidinger relayait ici, hier matin, les appels désespérés des pompiers strasbourgeois : « On est face à la haine, ils veulent tuer du pompier. » Tuer du pompier, du flic, du médecin, du journaliste, du maire, du commerçant… du « riche », quoi ! Il n’y a plus rien pour les retenir. Que se passe-t-il, dans notre pays gagné par la folie où les menaces pleuvent désormais sans aucune retenue et où les coups et les exactions se multiplient, soutenus par certains politiques avec la plus parfaite bonne conscience ?
En un week-end, des « justiciers » – c’est ainsi qu’ils se vivent, sans doute, et s’absolvent en tout cas – tentent de s’en prendre au Président et à son épouse dans la salle de théâtre des Bouffes-du-Nord. Leurs semblables, probablement, qui auraient incendié le restaurant La Coupole au motif qu’Emmanuel Macron y avait reçu ses amis au soir du premier tour des élections présidentielles, ce qui fait de cet établissement « un complice du pouvoir »… et, par voie de conséquence, de ses employés des chômeurs, mais nos valeureux défenseurs du prolétariat n’en ont que faire.
Vendredi, les locaux de la CFDT sont envahis par une horde furieuse. Son patron, Laurent Berger, fait état de « menaces », d’« intimidations », de « crachats »… tout y passe.
Vendredi encore, Olivier Faure, le premier secrétaire du Parti socialiste moribond, déclare sans sourciller que le président de la République est illégitime, propos réitérés ce lundi par le député Alexis Corbière sur RTL. Qu’importent, donc, les élections et leurs résultats, ceux-là voulaient être califes à la place du calife, donc le calife doit leur céder la place. Éventuellement par la force.
C’est, en effet, ce que l’on croit comprendre lorsqu’une Raquel Garrido, épouse d’Alexis Corbière évoqué ci-dessus, relaie tout aussi benoîtement le chant des gilets jaunes de Caen : « Louis XVI, Louis XVI, on l’a décapité, Macron, Macron, on peut recommencer… »
Que des crétins ignares galvanisés par l’effet de masse – j’assume les mots – en appellent au meurtre du chef de l’État est déjà intolérable dans un pays qui prétend donner des leçons de démocratie à la terre entière, mais qu’une juriste de profession (Raquel Garrido est avocat) se permette de préciser, sans doute à l’attention de ceux qui n’auraient pas bien compris, « en prévision de la grève du 21 janvier » est un scandale qui devrait faire se lever d’indignation toute la classe politique si elle avait un peu de courage. C’est, en effet, le jour anniversaire de la mort du roi, exécuté par les héros de La France insoumise, le 21 janvier 1793.
Oui, cela devrait indigner toute la classe politique et tous les gens de bien ; tous ceux-là qui, aveuglés par la bien-pensance, se vautrent à longueur de temps dans des excuses qui n’en sont pas. Car rien, vraiment rien dans notre pays, ne justifie le déchaînement de haine auquel nous assistons maintenant quotidiennement.
Où sont « les damnés de la terre », dans notre pays de Cocagne qui redistribue la manne comme aucun autre au monde ? Sortez, bonne gens, allez voir ailleurs à quoi ressemble le monde !
Dans quel autre pays, dites-moi, supporterait-on cette obscénité – un exemple parmi d’autres – qu’est la grève des gens de la Banque de France ? Des salariés qui, outre l’emploi à vie, bénéficient de 15 à 21 jours de congés supplémentaires, de primes allant de 3.280 à 5.800 euros, plus intéressement ou participation, conditions de travail exceptionnelles (self, tickets restaurant, mutuelle, salle de sport, crèche, parking, chèques vacances, tickets cinéma, subventions vacances, chèques cadeaux, culture et sport), etc.
Ces gens-là sont en grève pourtant, à l’initiative de la CGT, prêts à interrompre les approvisionnements en espèces, c’est-à-dire à bloquer l’alimentation des distributeurs de billets.
Marie Delarue.