19 Décembre 2019
De tous temps les vrais « politiques » ont été plus rares que leurs singes les politiciens. Ces derniers sont, aujourd'hui comme hier et en Guadeloupe comme ailleurs, des spécialistes du babil, dont le plumage fort en promesses rutilantes se révèle, quand la fête électorale se termine, d'une décevante et grise médiocrité.
Mais le public commence à ouvrir les yeux, et à rêver d'un grand coup de balai, chez nous, comme d'ailleurs en métropole.
Actuellement, dans le département-région de la Guadeloupe, il est un terrain sur lequel les candidats ont de plus en plus de difficultés à tromper par babillage et caquetage, c'est celui du captage et de la distribution saine et efficace de l'eau. Nous avons informé nos lecteurs de ce qui est en train de devenir une catastrophe. L'article ci-dessous de Figaro lui consacre un article fort bien documenté.
Mais nos élus, fort nombreux dans l'administration de la distribution de l'eau « sang de le terre » selon le poète, nos élus donc, qu'ont-ils fait, que se proposent t-ils de faire ?
Là, babil, caquetage, ramage et babillage se font plus discrets. Ou plutôt tentent de changer de zones d'investissement.
Ces messieurs en effet vont se réunir en Congrès, lieu de bavardages sans fin mais très jouissifs sous les caméras télés souvent complaisantes (on est en famille n'est-ce pas) Pour examiner les possibilités de changement de statut politique (le fameux changement estatutaire obsessionnel de la volière politicienne, que l'électorat a toujours constamment refusé). Nos bonshommes (et bonnes femmes, pour être équitable) incapables de gérer la distribution de l'eau, se veulent maintenant législateurs. Mais pas totalement inconscients de la médiocrité de leurs résultats (la totalité des communes de l'île sont en déficit, souvent catastrophiques), ils poursuivent leurs chimères de changement institutionnel, tout en souhaitant la suppression des EPCI (établissements publics de coopération intercommunale) où leurs nullité en, matière de gestion éclate à tous les regards, par exemple en matière de distribution de l'eau et d'entretien du réseau distributif.
Bon dié, bon dié, ban nous fos et couraj !
Ceux que Jupiter (le vrai) veut perdre, il les rend fous.(LS).
La calamiteuse gestion du réseau d’eau met la Guadeloupe à sec. ENQUÊTE -
Guadeloupe,
Yoan a deux mois. Les yeux attendris, rivés sur son bébé, sa mère, Joëlle, raconte: «À la clinique, le jour de mon accouchement, on nous a rincés, le petit et moi, à la bouteille». La raison? Une coupure d’eau. En Guadeloupe, elles font partir du quotidien et n’épargnent personne: hôtels, entreprises, hôpitaux, particuliers. Ici, «on prend des duches: des douches sans O», avait ironisé dans un discours en 2018, devant un parterre de ministres, Josette Borel-Lincertin, la présidente du conseil départemental de Guadeloupe.
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Chez Marie, qui vit au Gosier, une commune de la Grande-Terre très touchée par les coupures, on se douche à la bouteille. Il y en a des dizaines, stockées un peu partout dans la maison. On les remplit quand l’eau revient, une à deux fois par semaine. «Deux bouteilles par personne maximum, sauf si les filles doivent se laver les cheveux, auquel cas, évidemment on rationne moins», explique cette maman de trois enfants. Pour la vaisselle et la chasse d’eau, on économise aussi. Pour le linge, on se lève au milieu de la nuit, quand on entend l’eau revenir dans les tuyaux.
Pour le linge, on se lève au milieu de la nuit, quand on entend l’eau revenir dans les tuyaux.
«Finalement, la normalité, c’est de n’avoir pas d’eau», constate Valérie, autre habitante d’un quartier du Gosier qui s’est soulevé, en juin dernier, pour cause de gros ras-le-bol. Pour ceux qui vivent dans les hauteurs des Grands Fonds, une campagne vallonnée située dans le centre de la Grande-Terre, le manque de pression dans les robinets ne permet pas à l’eau d’arriver. En 2018, 102 jours sans eau y ont été recensés. «C’est la première question que l’on se pose en arrivant du travail, le soir, ou en se levant le matin», raconte Cédric. Les écoles aussi sont touchées et doivent fermer à cause du manque d’eau, les parents doivent alors chercher les enfants en pleine journée.
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Dans un département français, cette situation peut étonner mais ce problème ne date pas d’hier. Seulement, après quarante années de non-gestion, l’État a décidé de prendre les choses en main.
On s’en occupe maintenant car, désormais en Guadeloupe, nous connaissons des épisodes de pollutions de l’eau, qui devient impropre à la consommation.
Philippe Gustin
En 2018, sous l’impulsion du préfet Philippe Gustin qui prend conscience de l’urgence de la situation, les services de l’État demandent un audit à l’Institut national de recherches en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (Irstea). «On s’en occupe maintenant car, désormais en Guadeloupe, nous connaissons des épisodes de pollutions de l’eau, qui devient impropre à la consommation et cela devient un problème de santé publique», indiquait à l’époque le préfet.
Les services de l’État sont mobilisés: finances publiques, procureurs de la République, chambre régionale des comptes se coordonnent pour mettre de l’ordre dans les dossiers. Le constat est sans appel: les finances publiques exsangues des collectivités publiques ne permettent pas de financer l’entretien du réseau. En Guadeloupe, on emploie dans le public pour pallier les crises sociales et un chômage très important. «Avant chaque élection, les effectifs montent», constate la direction régionale des finances publiques. Et comme, en raison de la vie chère, les collectivités appliquent une surrémunération de 40 %, les dépenses de masse salariale grèvent les budgets et ne permettent pas l’investissement, dans le réseau d’eau par exemple.
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En 2018, la pollution de l’eau a été signalée plusieurs fois, notamment à la chlordécone, ce pesticide utilisé jusqu’en 1993, cancérigène probable et perturbateur endocrinien, dans les communes proches des plantations de bananes. Mais aussi, à la bactérie E. coli. La raison? Une absence de surveillance du réseau, de remplacement des filtres à charbons dans les usines, des stations d’épurations à l’arrêt, faute d’entretien, ou l’existence de points de captage illégaux. C’est notamment la raison de la récente condamnation pour non-respect du code de l’environnement de Lucette Michaux-Chevry, ancienne ministre de Jacques Chirac, responsable de la zone durant de très nombreuses années, poursuivie par des scandales à répétition.
Le rapport de l’Irstea est accablant. «La crise n’est pas due à une insuffisance de la ressource en eau ou de la production mais est la conséquence d’une situation dégradée sous bien des aspects», mentionnent ses auteurs, pointant les défaillances du système: réseau non entretenu, équipements obsolètes, gestion déplorable d’une gouvernance délétère. Résultat, plus de 50 % de la production disparaît dans les fuites sur le réseau. Et, surtout, «on ne sait pas ce qui appartient à qui, donc personne ne gère», rappelait le préfet à la sortie du rapport.
Plus le service se dégrade, plus les gens perdent confiance en la qualité de l’eau, moins ils paient leurs factures, souvent incompréhensibles et surévaluées.
La désorganisation générale vient aussi des transferts de compétence issus du départ de la Générale des Eaux, en 2016, alors que ce délégataire gérait 80 % de l’eau sur l’île. Les collectivités ont dû prendre la suite et assurer la reprise, les revendications sociales des travailleurs de l’eau, les systèmes de facturation et les fichiers d’abonnés obsolètes, un non-recouvrement des factures s’élevant à 42 % d’impayés. Avec un effet de cercle vicieux: plus le service se dégrade, plus les gens perdent confiance en la qualité de l’eau, moins ils paient leurs factures, souvent incompréhensibles et surévaluées. «L’air peut faire tourner les compteurs défectueux en permanence, les factures ne correspondent pas à la situation réelle», note un technicien du Syndicat intercommunal d’alimentation en eau et d’assainissement de la Guadeloupe (Siaeag).
Car vient s’ajouter, aux diverses régies qui s’achètent et se revendent de l’eau (avec des taux d’impayés forts) une dette de plus de 80 millions d’euros, pour l’eau et l’assainissement. Les services chargés de l’entretien du réseau sont asphyxiés, à tel point que les travailleurs manquent des outils élémentaires pour travailler. Sur la rivière Moustique, en amont d’une usine de traitement, le captage est régulièrement bouché par les feuilles emportées par la rivière, surtout en cas de pluie qui fait monter le niveau de l’eau. «Nous devons aller dégager le captage, raconte Alain Jean-Noël, syndicaliste Unsa du Sciage. Mais nous n’avons pas de ligne de vie pour nous retenir si l’eau nous emporte». Et pour colmater une fuite, il n’y a pas de matériel. «On ouvre la tranchée, on constate et on rebouche», ironise un ouvrier du Sciage, qui raconte que parfois, les collègues vont acheter le matériel sur leurs propres deniers, ou bien se font fournir par d’autres entreprises «où il y a des copains».
L’État a pris la main, avec une technique contraignante pour les élus: il mettra de l’argent si tout le monde rentre dans le rang. En janvier 2018, par le biais de «contrats de progrès», les autorités votaient un plan d’urgence de 71 millions d’euros. Une paille au regard du milliard nécessaire à la refonte totale du système, même si ces travaux d’urgence ont permis une légère amélioration sur certaines zones. Deux mois plus tard, les élus votaient en grande pompe une entente unanime pour créer une structure de gestion unique de l’eau, dans laquelle viendraient se fondre toutes les régies existantes. Avec une promesse: ce syndicat unique serait créé au 1er janvier 2020, et les coupures d’eau, à cette date seraient réduites. Force est de constater qu’à l’approche de l’échéance, pas grand-chose n’a abouti. Les coupures sont toujours là. La structure unique est en voie de création mais elle se heurte aux tractations politiques sur fond de campagnes électorales à l’approche des municipales.
Si la dette est une question cruciale pour les finances de la structure, c’est surtout la question humaine qui occupe les décisionnaires.
Car si la dette est une question cruciale pour les finances de la structure, c’est surtout la question humaine qui occupe les décisionnaires. Les travailleurs de l’eau sont 620 en Guadeloupe. Or, dans le projet présenté par le préfet, et l’un des scénarios retenus en conférence territoriale de l’action publique, ce sont près de 200 personnes qu’il faudrait pousser vers la sortie pour un pilotage viable de la question de l’eau. Une perspective qui ne plaît à personne: ni aux agents dont l’emploi est menacé, ni aux élus, qui pourraient être accusés de fossoyer l’emploi sur une île qui compte déjà un taux de chômage à plus de 20 %. D’autant que ceux qui se rangeraient à l’avis préfectoral se feraient taxer de soumission à l’État, dont l’interventionnisme dans les affaires des élus est souvent mal vu localement, surtout au regard du lourd passé du territoire.
À cela s’ajoutent les désaccords politiques entre la Région, acquise à la LREM, et le Département, PS, les deux plus gros financeurs de la solution. Condamnés à s’entendre sur le sujet, ils entraînent dans leur sillage l’ensemble des politiques locaux, y compris des syndicats puissants et toujours prêts à brandir la menace d’une grève massive.
Alors les réunions informelles se multiplient, les associations d’usagers s’ajoutent à l’équation, les alliances se font et se défont, les négociations stagnent. Même si la situation se débloque d’ici le 1er janvier, il faudra encore mettre à l’étude le prix de l’eau, les modalités de la gouvernance, tenir compte des petits arrangements entre amis, des promesses politiques, de l’alternance électorale et surtout d’une bonne quinzaine d’années de travaux avant la fin du titanesque chantier qui ne peut plus attendre: car si la distribution d’eau potable est fondamentale, la question de l’assainissement s’annonce déjà comme une véritable bombe à retardement.